Des mails envoyés en dehors des heures d’ouverture ne prouvent pas l’existence d’heures supplémentaires !

Jurisprudence
Temps travail effectif

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Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé le 2 novembre 2004 par une société, en qualité de directeur de site.

Il est licencié pour faute grave le 27 janvier 2007. 

Le salarié saisit la juridiction prud’homale souhaitant obtenir un rappel de salaires au titre d’heures supplémentaires. 

A l’appui de sa demande, le salarié produite des éléments de sa messagerie électronique afin de démontrer qu’un certain nombre de mails avaient été envoyés en dehors des heures d’ouverture de l’entreprise, prouvant selon loi qu’il réalisait plus de 35 heures par semaine, ce qui déclenchait alors le droit aux heures supplémentaires. 

Dans un premier temps, la cour d’appel prend connaissance des éléments produits par le salarié, dont elle relève qu’ils étaient factuellement insuffisants pour étayer le volume horaire de travail hebdomadaire allégué.

En réplique, l'employeur avait fait état d'un recensement des messages adressés par le salarié à la hiérarchie de janvier 2005 à décembre 2006, indiquant que 15 % des messages sont passés hors horaire d'ouverture de la concession.

Pour la cour d’appel, il y avait bien l’existence d’heures supplémentaires accomplies à concurrence de 15% de 35h, soit 5,25 h. 

Extrait de l’arrêt : 

Attendu que pour faire droit à la demande d'heures supplémentaires, la cour d'appel retient qu'à l'appui de sa demande, le salarié produit des éléments de sa messagerie électronique factuellement insuffisants pour étayer le volume horaire de travail hebdomadaire allégué, qu'en réplique, l'employeur fait état d'un recensement des messages adressés par le salarié à la hiérarchie de janvier 2005 à décembre 2006, indiquant que 15 % des messages sont passés hors horaire d'ouverture de la concession et qu'il semble donc admis qu'il s'est trouvé sur son lieu de travail au-delà de 35 heures hebdomadaires, vraisemblablement accomplies pendant les heures d'ouverture, à concurrence de 15 % des dites 35 heures, soit 5, 25 heures supplémentaires ;

Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis, elle considère que les motifs invoqués par la cour d’appel peuvent être qualifiés de « dubitatifs ».

Elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel et renvoie les deux parties devant une nouvelle cour d’appel. 

Extrait de l'arrêt:

Attendu que pour faire droit à la demande d'heures supplémentaires, la cour d'appel retient qu'à l'appui de sa demande, le salarié produit des éléments de sa messagerie électronique factuellement insuffisants pour étayer le volume horaire de travail hebdomadaire allégué, qu'en réplique, l'employeur fait état d'un recensement des messages adressés par le salarié à la hiérarchie de janvier 2005 à décembre 2006, indiquant que 15 % des messages sont passés hors horaire d'ouverture de la concession et qu'il semble donc admis qu'il s'est trouvé sur son lieu de travail au-delà de 35 heures hebdomadaires, vraisemblablement accomplies pendant les heures d'ouverture, à concurrence de 15 % des dites 35 heures, soit 5, 25 heures supplémentaires ; 

Qu'en statuant ainsi, par des motifs dubitatifs, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe à la somme de 34 913, 41 euros à titre d'heures supplémentaires, la créance du salarié à la procédure collective de la société Y…, l'arrêt rendu le 27 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée

Cour de cassation du , pourvoi n°11-28903

Commentaire de LégiSocial

Il est fréquent que la Cour de cassation ait à se prononcer concernant une demande de paiement d’heures supplémentaires. 

Charge de la preuve

Le code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence (ou parfois au nombre) d’heures supplémentaires, la charge de la preuve revient aussi bien à l’employeur qu’au salarié. 

Article L3171-4

 En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. 

D’abord le salarié puis l’employeur

Ainsi le salarié qui prétend avoir effectué des heures supplémentaires, ou ne pas en avoir obtenu le paiement intégral, doit fournir des éléments en premier. 

Dans un deuxième temps, ce sera à l’employeur de fournir des éléments éventuellement contraires. 

Rappel de quelques affaires…

Un relevé informatisé des entrées ou sortie suffit à prouver que les heures supplémentaires sont dues !   

Dans une affaire abordée par la Cour de cassation en septembre 2012, la Cour de cassation considère qu’un relevé informatisé des heures supplémentaires constitue un élément de preuve recevable.

Nous avons consacré un article à ce sujet, que vous pouvez retrouver en cliquant ici. 

Le relevé des heures supplémentaires par un salarié constitue un document recevable 

Dans une autre affaire, la Cour de cassation prend en considération un document récapitulatif, produit par le salarié, comme étant un élément de preuve attestant que des heures supplémentaires avaient été effectuées. 

Rappelons que l’arrêt de la Cour de cassation vient en totale contradiction avec celui de la cour d’appel en l’espèce. 

Nous avons consacré un article à ce sujet, que vous pouvez retrouver en cliquant ici.