Le régime de la protection de la salariée enceinte est précisé par la Cour de cassation

Jurisprudence
Licenciement

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Contexte de l'affaire

La présente affaire concerne une salariée engagée par contrat du 16 mai 2005, en qualité de négociateur VRP.

Convoquée par lettre recommandée du 7 juillet 2008 à un entretien préalable en vue de son licenciement fixé au 18 juillet suivant, elle a été licenciée pour faute grave par lettre du 22 juillet 2008 après avoir informé son employeur de son état de grossesse par lettre du 9 juillet 2008.

La salariée saisit la juridiction prud’homale, estimant que son licenciement doit être considéré comme nul. 

Dans un premier temps, la cour d’appel déboute la salariée de sa demande, estimant que faute d’avoir informé l’employeur de son état de grossesse médicalement constaté avant l’engagement de la procédure de licenciement, la salariée ne peut revendiquer le bénéfice de la protection légale pour maternité.  

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouter la salariée de ses demandes de paiement de dommages-intérêts pour licenciement abusif et de salaires dus pendant la période couverte par la nullité du licenciement, l'arrêt retient que faute d'avoir informé l'employeur de son état et en l'absence de connaissance de ce dernier par l'employeur avant l'engagement de la procédure de licenciement, la salariée ne peut revendiquer le bénéfice de la protection légale pour maternité ;   

Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis.

Les juges rappellent qu’aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée, lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté sauf s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de l'impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. 

Les juges tiennent à préciser que la date de licenciement est celle à laquelle est expédiée la lettre de licenciement.

En conséquence, la salariée avait informé son employeur de son état bien avant le licenciement, et en l’absence de faute grave, la cour d'appel ne pouvait pas considérer que le licenciement avait une cause réelle et sérieuse. 

Compte tenu de tous ces points, l’arrêt de la cour d’appel est cassé et annulé par la Cour de cassation dans le présent arrêt. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu cependant, d'une part, qu'aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté sauf s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de l'impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement ;

Attendu, d'autre part, que la date du licenciement est celle à laquelle est expédiée la lettre de licenciement ;

D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait alors qu'elle retenait que l'employeur ne justifiait pas d'une faute grave de l'intéressée et qu'il résultait de ses propres constatations que la salariée avait informé l'employeur de son état de grossesse par lettre du 9 juillet 2008 et que ce dernier n'avait expédié la lettre de licenciement que le 22 juillet 2008, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°11-28729

Commentaire de LégiSocial

Lorsqu’une salariée est en état de grossesse médicalement constaté, elle bénéficie d’un régime de protection. 

Le code du travail prévoit à ce sujet, 2 périodes : 

  1. La protection relative ;
  2. La protection absolue. 

La protection « relative » 

La définition 

Pendant une période que l’on nomme « protection relative », la rupture du contrat de travail par l’employeur ne peut pas avoir lieu sauf pour les cas suivants : 

  • Faute grave ou lourde  non liée à l’état de grossesse de la salariée ; 
  • Impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse (en cas de licenciement économique par exemple). 

Article L1225-4 

Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes. 

Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. 

Pour qu’il y ait protection, il doit y avoir déclaration  

Tout ce qui suit et concerne la protection de la salariée enceinte ou ayant accouché, implique l’obligation pour la salariée de déclarer son état de grossesse. 

Article L1225-2 

La femme candidate à un emploi ou salariée n'est pas tenue de révéler son état de grossesse, sauf lorsqu'elle demande le bénéfice des dispositions légales relatives à la protection de la femme enceinte.

Article R1225-1

Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
Pour bénéficier de la protection de la grossesse et de la maternité, prévue aux articles L. 1225-1 et suivants, la salariée remet contre récépissé ou envoie par lettre recommandée avec avis de réception à son employeur un certificat médical attestant son état de grossesse et la date présumée de son accouchement ou la date effective de celui-ci, ainsi que, s'il y a lieu, l'existence et la durée prévisible de son état pathologique nécessitant un allongement de la période de suspension de son contrat de travail.

Positionnement de la période de « protection relative » 

Elle débute le jour de l’annonce de l’état de grossesse pour se terminer au début du congé de maternité. 

 

Cas particulier des 4 semaines de « pathologie postnatale » 

Important ! 

La protection relative concerne les 4 semaines de « pathologie postnatale » qui pourtant font partie du congé de maternité!! 

La protection relative joue pendant ces 4 semaines, que la salariée les utilise totalement, partiellement ou pas du tout. 

Cas particulier de la période d’essai 

La protection contre le licenciement de l’article L 1225-4 du Code du Travail ne joue pas pendant la période d’essai. 

Mais la rupture ne doit avoir pour origine l’état de grossesse de la salariée, seule son « insuffisance professionnelle » doit être à l’origine de la rupture. 

Arrêt de la Cour de cassation du 21/12/2006 arrêt 05-44.806P

En cas de litige, c’est à l’employeur que revient la charge de la preuve que la rupture de la période d’essai n’est pas liée à l’état de grossesse de la salariée en cours de période d’essai comme l’indique l’article L 1225-3 du code du travail. 

Lorsqu’un doute subsiste, il profite à la salariée enceinte. 

Interruption de grossesse 

La protection prend fin en cas d’interruption de la grossesse. 

 Arrêt de la Cour de cassation du 28/02/1980 

Protection « absolue » de la salariée enceinte 

Pour qu’il y ait protection, il doit y avoir déclaration et congé de maternité 

Tout ce qui suit et concerne la protection de la salariée enceinte ou ayant accouché, implique l’obligation pour la salariée de déclarer sont état de grossesse. 

Interdiction formelle du licenciement 

En vertu de l’article L 1225-4 du Code du travail, le licenciement ne peut prendre être signifié ni prendre effet pendant la période du congé de maternité donc pendant la période dite « protection absolue ». 

Cela concerne tous les licenciements, y compris ceux prononcés pour : 

  • Faute grave ou lourde  non liée à l’état de grossesse de la salariée ; 
  • Impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse (en cas de licenciement économique par exemple). 

Article L1225-4 

Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes. 

Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. 

Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa.

  

La protection « absolue » : précisions sur les périodes concernées 

Même s’il est fondé sur une faute grave ou sur l’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif non lié à la maternité, le licenciement ne peut en aucun cas être notifié ni prendre effet pendant les périodes de suspension du contrat de travail auxquelles la salariée a droit au titre du congé de maternité, c'est-à-dire pendant: 

  • 16 semaines (congé simple) ; 
  • Ou 26 semaines (lorsque l’assurée ou le ménage assume déjà la charge d’au moins 2 enfants ou l’assurée a déjà mis au monde au moins 2 enfants nés viables) ; 
  • Ou 34 semaines (en cas de grossesse gémellaire) ; 
  • Ou 46 semaines (en cas de grossesse concernant des triplés ou plus). 

L’employeur peut engager la procédure de licenciement mais il pourra uniquement : 

  • Convoquer la salariée enceinte à un entretien préalable ; 
  • La notification du licenciement (envoi de la lettre recommandée) et la rupture du contrat de travail ne devront pas intervenir pendant le congé de maternité (c'est-à-dire pendant la suspension du contrat de travail).

Articulation protection « relative » et « absolue » 

La période de protection absolue correspond au congé de maternité à l’exclusion de 4 semaines « pathologie postnatale ». 

Un arrêt récent de la Cour de cassation (17/02/2010) a confirmé que ces 4 semaines ne faisaient pas partie de la période de protection absolue.