Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé, le 20 septembre 1990, en qualité d’opérateur par une entreprise dépendant de la convention collective de la métallurgie.
Ayant refusé une modification de son contrat de travail portant sur la diminution de son salaire horaire et la suppression d'une prime dite de 5/8, il est licencié pour motif économique le 2 avril 2007.
Le salarié saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes, dont le paiement de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de formation.
Le salarié argumente en faisant remarquer qu’en 16 ans de carrière dans l’entreprise, il n’avait bénéficie d’aucune formation professionnelle.
Dans un premier temps, la Cour d'appel de Poitiers (dans son arrêt du 17 mai 2011) déboute le salarié de sa demande, retenant l’argumentation de l’employeur selon laquelle :
- Le salarié avait été recruté sans compétence ni expérience au poste d'opérateur de lignes auquel il a été formé par l'employeur ;
- Que son expérience lui permet désormais de prétendre à des postes similaires dans l'industrie mécanique ;
- Que son poste de travail n'a connu depuis son embauche aucune évolution particulière nécessitant une formation d'adaptation ;
- Qu'il appartenait au salarié de demander à bénéficier d'un congé individuel de formation ou du droit individuel de formation.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour rejeter la demande en paiement d'une somme à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de formation, l'arrêt retient que le salarié a été recruté sans compétence ni expérience au poste d'opérateur de lignes auquel il a été formé par l'employeur ; que son expérience lui permet désormais de prétendre à des postes similaires dans l'industrie mécanique ; que son poste de travail n'a connu depuis son embauche aucune évolution particulière nécessitant une formation d'adaptation ; qu'il lui appartenait par ailleurs de demander à bénéficier d'un congé individuel de formation ou du droit individuel de formation ; qu'en conséquence aucun manquement n'a été commis par l'employeur ;
Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis, en cassant et annulant l’arrêt de la cour d’appel.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés de l'adaptation au poste de travail ou de l'utilisation des congé ou droit individuels de formation, alors qu'elle constatait qu'en seize ans d'exécution du contrat de travail l'employeur n'avait fait bénéficier le salarié, dans le cadre du plan de formation de l'entreprise, d'aucune formation permettant de maintenir sa capacité à occuper un emploi au regard de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande en paiement d'une somme à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de formation, l'arrêt rendu le 17 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Commentaire de LégiSocial
Former un salarié : obligation de l’employeur
Le code du travail prévoit, dans son article L 6321-1, que tout employeur doit assurer l’adaptation des salariés, et veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Article L6321-1
Modifié par LOI n°2009-1437 du 24 novembre 2009 - art. 13
L'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail.
Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Dans les entreprises et les groupes d'entreprises au sens de l'article L. 2331-1 employant au moins cinquante salariés, il organise pour chacun de ses salariés dans l'année qui suit leur quarante-cinquième anniversaire un entretien professionnel au cours duquel il informe le salarié notamment sur ses droits en matière d'accès à un bilan d'étape professionnel, à un bilan de compétences ou à une action de professionnalisation.
Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme.
Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l'article L. 6312-1.
C’est cet argument qui a été retenu par la Cour de cassation dans le présent arrêt.
Profitons de la présente affaire pour rappeler les règles légales concernant la demande de formation dans le cadre du DIF.
Qui demande la formation ?
Seul le salarié peut faire la demande d’utilisation des heures acquises au titre du DIF.
Il est donc impossible à un employeur de demander au salarié de suivre une formation dans le cadre du DIF.
Le code du travail précise que l’employeur notifie sa réponse dans le délai d’un mois.
L’absence de réponse vaut acceptation : qui ne dit mot consent !
L’employeur est en droit de refuser, la loi ne l’oblige pas à motiver son refus !
Article L6323-10
Lorsque le salarié prend l'initiative de faire valoir ses droits à la formation dans le cadre du droit individuel à la formation, l'employeur lui notifie sa réponse dans un délai déterminé par voie réglementaire.
L'absence de réponse de l'employeur vaut acceptation du choix de l'action de formation.
Le salarié peut faire autant de demandes de DIF qu’il entend au cours d’une année, sous réserves de l’acceptation de l’employeur et d’un « compteur d’heures de DIF » suffisant.
Si pendant deux années civiles consécutives, la demande de formation dans le cadre du DIF est refusée par l’employeur, l’organisme collecteur paritaire agréé (l’OPCA à qui l’entreprise verse les fonds au titre de la formation continue) finance alors en priorité cette formation mais dans le cadre du CIF.
En résumé: 2 DIF refusés se transforment en CIF !
Article L6323-12
Modifié par LOI n°2009-1437 du 24 novembre 2009 - art. 6
Lorsque, durant deux exercices civils consécutifs, le salarié et l'employeur sont en désaccord sur le choix de l'action de formation au titre du droit individuel à la formation, l'organisme collecteur paritaire agréé au titre du congé individuel de formation dont relève l'entreprise assure par priorité la prise en charge financière de l'action dans le cadre d'un congé individuel de formation, sous réserve que cette action corresponde aux priorités et aux critères définis par cet organisme.
Dans ce cas, l'employeur verse à l'organisme collecteur le montant de l'allocation de formation correspondant aux droits acquis par l'intéressé au titre du droit individuel à la formation et les frais de formation calculés conformément aux dispositions prévues par les sections 3 et 4 et sur la base forfaitaire applicable aux contrats de professionnalisation. La durée de la formation ainsi réalisée se déduit du contingent d'heures de formation acquis au titre du droit individuel à la formation.