Quand la Cour de cassation considère « Mister France » comme un salarié…

Jurisprudence
Contrat de travail

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Contexte de l'affaire

M. X... signe le 28 mai 2003 avec une société de production, un document intitulé « règlement participants » pour participer au programme « Élection Mister France 2003 ».

L’objet de ce programme consiste à ce que 27 participants sélectionnés par le comité « Mister France » et la société soient réunis pour concourir à l'élection de « Mister France 2003 » et de ses deux dauphins.

Les répétitions se déroulent du 27 mai au 3 juin 2003, la diffusion, en direct, ayant eu lieu à cette date.

M. X... obtient le titre de « Mister France 2003 » et, à ce titre, reçu un prix évalué à 30.000 euros.

Par la suite, il saisit la juridiction prud'homale aux fins de requalification de la relation contractuelle en contrat de travail, ainsi que de paiement d'indemnités et revendique la qualité de mannequin.

Dans un premier temps, la cour d’appel donne raison à « Mister France », mais refuse de lui accorder la qualité de mannequin.

Extrait de l’arrêt : 

Attendu, ensuite, que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; que la cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, constaté que le règlement candidats, effectivement appliqué, comportait des dispositions plaçant les participants sous l'autorité du producteur qui disposait d'un pouvoir de sanction, que le candidat s'engageait à participer aux répétitions et à l'émission pendant huit jours, qu'il acceptait expressément de se conformer au choix du producteur sur les lieux de restauration et d'hébergement, de répondre aux questions du présentateur et aux interviews au cours de l'émission, d'être filmé, d'effectuer les chorégraphies choisies par le producteur ; que la cour d'appel a ainsi caractérisé l'existence d'une prestation de travail exécutée sous la subordination de la société, et ayant pour objet la production d'un bien ayant une valeur économique, prestation consistant pour les participants, pendant un temps et dans un lieu sans rapport avec le déroulement habituel de leur vie personnelle, à prendre part à des activités imposées, ce qui la distingue du seul enregistrement de leur vie quotidienne ; que la cour d'appel a pu déduire de l'ensemble de ses constatations que M. X... était lié par un contrat de travail à la société de production ; 
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé

La Cour de cassation, casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, mais seulement pour le rejet de la reconnaissance du statut de mannequin.

Les deux parties sont donc renvoyées devant une nouvelle cour d’appel. 

Extrait de l’arrêt : 

Attendu que pour rejeter la demande de M. X... tendant à la reconnaissance du statut de mannequin, l'arrêt retient que les demandes de caractère salarial sont prescrites en application de l'article L. 3245-1 du code du travail ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'intéressé sollicitait, notamment, des dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'une indemnité pour travail dissimulé, sur la base d'un salaire reconstitué à partir des gains, subsidiairement du salaire perçu par les mannequins, et la remise de documents sociaux conformes, ce dont il résultait que la demande tendant à la reconnaissance du statut de mannequin était indépendante des demandes de nature salariale, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. X... tendant à la reconnaissance du statut de mannequin, l'arrêt rendu le 13 décembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée

Cour de cassation du , pourvoi n°12-13968

Commentaire de LégiSocial

Pourquoi « Mister France » est-il considéré comme un salarié ?

La Cour de cassation considère dans l’affaire présente que le candidat à l’élection de « Mister France » est lié à la société de production par un contrat de travail.

Elle dénote en effet, que les 3 conditions permettant de reconnaitre un contrat de travail sont remplies :

Prestation 

Le salarié doit réaliser un travail pour lequel a été conclu le contrat de travail ET l’employeur doit lui fournir du travail. 

Extrait de l’arrêt : 

que le candidat s'engageait à participer aux répétitions et à l'émission pendant huit jours, qu'il acceptait expressément de se conformer au choix du producteur sur les lieux de restauration et d'hébergement, de répondre aux questions du présentateur et aux interviews au cours de l'émission, d'être filmé, d'effectuer les chorégraphies choisies par le producteur ; que la cour d'appel a ainsi caractérisé l'existence d'une prestation de travail 

Subordination 

Le salarié exerce son activité sous les ordres de son employeur.

Extrait de l’arrêt : 

que la cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, constaté que le règlement candidats, effectivement appliqué, comportait des dispositions plaçant les participants sous l'autorité du producteur qui disposait d'un pouvoir de sanction, que le candidat s'engageait à participer aux répétitions et à l'émission pendant huit jours, qu'il acceptait expressément de se conformer au choix du producteur sur les lieux de restauration et d'hébergement, de répondre aux questions du présentateur et aux interviews au cours de l'émission, d'être filmé, d'effectuer les chorégraphies choisies par le producteur ; que la cour d'appel a ainsi caractérisé l'existence d'une prestation de travail exécutée sous la subordination de la société, et ayant pour objet la production d'un bien ayant une valeur économique, prestation consistant pour les participants, pendant un temps et dans un lieu sans rapport avec le déroulement habituel de leur vie personnelle, à prendre part à des activités imposées, ce qui la distingue du seul enregistrement de leur vie quotidienne ; que la cour d'appel a pu déduire de l'ensemble de ses constatations que M. X... était lié par un contrat de travail à la société de production ;

Rémunération

Toute personne ayant un contrat de travail doit être rémunérée selon le travail réalisé, sinon il s’agit d’un acte de bénévolat.

Extrait de l’arrêt :

que M. X... a obtenu le titre de « Mister France 2003 » et, à ce titre, reçu un prix évalué à 30 000 euros

Encore un arrêt sur les jeux de « téléréalité »

Nouvel arrêt concernant les participants aux jeux de « téléréalité », qui nous permet un rappel des « épisodes précédents »… 

Candidats de l’île de la tentation

Extrait du livre « Abécédaire social et paye édition 2010 » Éditions INDICATOR 

Ile de la tentation

 (Les candidats sont des salariés ?)

Pour les personnes qui ne connaitraient pas cette émission diffusée sur TF1, rappelons brièvement ses principes fondamentaux.

L’émission consiste pour certains couples à tester leur fidélité et résister à la tentation (d’où le nom !)

C’est ainsi que 4 couples sont envoyés sur une île (généralement assez paradisiaque pour la tentation et le décor) pendant un séjour de 12 jours.

Les couples sont ainsi filmés y compris pendant les activités avec les célèbres « tentatrices » et les fameux « tentateurs »

Il n’y pas de gagnant (seul l’amour on peut l’espérer du moins) et aucun gain d’argent.

Et les dispositions que nous venons de décrire sont clairement définies et communiquées aux participants dans un document nommé « règlement participants ».

Précision importante, les participants recevaient une somme d’argent (pour la saison 2003, les participants ont perçu 1 525€ pour leur séjour en Thaïlande)

Nous quittons l’île (désolé) pour aller dans les locaux de la Cour de cassation à qui la question suivante a été posée (inédite en matière de jeu télévisé)

Les participants sont ils des salariés ?

Pour la Cour de cassation, la réponse est oui !

Elle confirme qu’il existait bien un lien de subordination et une réelle prestation.

Elle rappelle que « les participants avaient l'obligation de prendre part aux différentes activités et réunions, qu'ils devaient suivre les règles du programme définies unilatéralement par le producteur, qu'ils étaient orientés dans l'analyse de leur conduite, que certaines scènes étaient répétées pour valoriser des moments essentiels, que les heures de réveil et de sommeil étaient fixées par la production, que le règlement leur imposait une disponibilité permanente, avec interdiction de sortir du site et de communiquer avec l'extérieur, et stipulait que toute infraction aux obligations contractuelles pourrait être sanctionnée par le renvoi »

Pour la société GLEM (organisateur du jeu), le jeu se déroule pendant un temps que l’on doit considérer comme un moment de la vie personnelle où chacun peut donc faire ce qu’il a envie.

Pas d’accord, la Cour de cassation considère qu’il n’est en rien et  ajoute que la prestation se déroulait « pendant un temps et dans un lieu sans rapport avec le déroulement habituel de leur vie personnelle »

Pour terminer, la Cour de cassation considère que la somme de 1525€ (somme citée plus haut) correspond à un travail réalisé.

Cour de Cass. 03/06/09 n° 08-40.981 FP-PBRI

Petit commentaire de l’auteur: Cette affaire fortement diffusée reprend les principes du contrat de travail que nous pouvons rappeler : un contrat de travail est caractérisé par 3 conditions cumulatives :

1)     Prestation (l’employeur doit donner du travail à son salarié)

2)     Subordination (un salarié travaille sous les ordres d’un supérieur hiérarchique)

3)     Rémunération (tout travail mérite salaire, sinon bénévolat)

Il y avait donc dans cette affaire un véritable contrat de travail, ce qui peut entraîner quelques conséquences comme la durée maximale quotidienne du travail, des temps de pause etc.

Imaginez un peu un tentateur qui « badge » avant son rendez-vous… ou une tentatrice qui se met en grève ... 

Les participants à « l’Île de la tentation » sont des salariés qui font des heures supplémentaires 

Après l’arrêt du 3 juin 2009, nous rappellerons celui plus récent du 24 avril 2013, pour lequel un article vous a été proposé et que vous pouvez retrouver en cliquant ici.