Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 2 avril 2002 en qualité d'ouvrier qualifié.
Il prend acte de la rupture de son contrat de travail le 27 décembre 2005 et saisit la juridiction prud'homale.
Les griefs que le salarié invoque sont de 3 types : un plan de charge irréalisable, l'obligation de faire usage de ses outils personnels, une politique de dénigrement systématique
Extrait de l’arrêt :
que le salarié synthétise dans ses écritures les griefs qu'il allègue à rencontre de son employeur sous trois rubriques : un plan de charge irréalisable, l'obligation de faire usage de ses outils personnels, une politique de dénigrement systématique
La cour d’appel puis la Cour de cassation déboutent le salarié de sa demande, rappelant qu’en cas de prise d’acte injustifiée elle produit alors les effets d’une démission.
C’est la raison pour laquelle le salarié se trouve redevable de l’indemnité compensatrice pour préavis non effectué.
Extrait de l’arrêt :
Attendu, ensuite, qu'ayant retenu que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié n'était pas justifiée et produisait les effets d'une démission, la cour d'appel a exactement décidé que celui-ci était redevable de l'indemnité de préavis résultant de l'application de l'article L. 1237-1 du code du travail ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Commentaire de LégiSocial
Profitons de cette affaire pour rappeler quelques notions importantes concernant la prise d’acte de rupture du contrat de travail.
La définition générale
Un salarié peut notifier à son employeur qu’il prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison d’agissements qu’il juge répréhensibles (par exemple le non respect du repos hebdomadaire, d’heures supplémentaires non payées, d’une diminution unilatérale de sa rémunération, etc.).
La prise d'acte rompt immédiatement le contrat.
Le salarié quitte ainsi l’entreprise sans avoir à effectuer un préavis.
Si une transaction n’est pas trouvée, le salarié (ou l’employeur) engage alors une procédure auprès du conseil des prud’hommes et c’est au juge qu’il incombera de savoir si cette prise d’acte de la part du salarié est conforme ou non.
Pour quels salariés ?
Seul le salarié en CDI peut utiliser ce mode de rupture.
Les salariés en CDD sont exclus de ce dispositif et les articles L 1243-1 et 1243-2 restreignent les possibilités de rupture anticipée d’un contrat CDD aux cas suivants :
- Faute grave (ce qui pourra remplacer la prise d’acte de la rupture du contrat d’un CDI);
- Force majeure;
- Conclusion d’un CDI chez un autre employeur (avec respect préavis).
Article L1243-1
Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave ou de force majeure.
Article L1243-2
Par dérogation aux dispositions de l'article L. 1243-1, le contrat de travail à durée déterminée peut être rompu avant l'échéance du terme à l'initiative du salarié, lorsque celui-ci justifie de la conclusion d'un contrat à durée indéterminée.
Sauf accord des parties, le salarié est alors tenu de respecter un préavis dont la durée est calculée à raison d'un jour par semaine compte tenu :
1° De la durée totale du contrat, renouvellement inclus, lorsque celui-ci comporte un terme précis ;
2° De la durée effectuée lorsque le contrat ne comporte pas un terme précis.
Le préavis ne peut excéder deux semaines.
Un salarié titulaire d'un mandat protecteur (IRP Instances Représentatives du Personnel, représentant syndical) peut aussi prendre acte de la rupture de son contrat de travail.
A quel moment ?
La prise d’acte peut intervenir indépendamment de toute procédure de licenciement.
Le salarié qui a été convoqué à un entretien préalable ou qui a déjà assisté à un entretien préalable à un éventuel licenciement peut utiliser ce mode de rupture.
Cour de cassation du 16/11/2005 numéro 03-45392
Cour de cassation du 28/06/2006 numéro 04-43431
Par contre, la prise d’acte de rupture du contrat de travail ne peut intervenir lorsque le licenciement a été prononcé, le contrat de travail étant déjà rompu !
La prise d’acte peut aussi intervenir alors que le salarié avait engagé une procédure auprès des prud’hommes contre son employeur en exécution d’une obligation en lien avec le contrat de travail.
Cour de cassation du 21/12/2006 numéro 04-43886
Sous quelle forme ?
La prise d’acte n’est soumise à aucun formalisme.
La plupart du temps, le salarié envoie une lettre recommandée avec avis de réception (LRAR) ou il remet son courrier directement à l'employeur.
Cela a l’avantage de dater précisément la prise d'acte et de ne laisser aucun doute sur le mode de rupture.
L’employeur n’a pas l’obligation de confirmer la prise d’acte de la rupture du contrat de travail.
Elle peut même être présentée par une personne agissant en tant que conseil du salarié, comme un avocat au nom de celui-ci.
Cour de cassation du 04/04/2007 numéro 05-42847 FD.
Conséquences de la prise d’acte:
Le salarié, en prenant acte de la rupture du contrat de travail, réalise un véritable « pari » sur l’avenir …
En effet, la prise d’acte peut (en fonction de la décision des juges du fonds) avoir une des deux conséquences suivantes :
Conséquence 1
Les griefs invoqués par le salarié sont recevables.
La prise d’acte produit alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Conséquence 2
Les griefs invoqués par le salarié ne sont pas recevables.
La prise d’acte produit alors les effets d’une démission, le salarié pouvant alors être redevable de l’indemnité de préavis comme dans la présente affaire.