Les heures supplémentaires sont dues lorsque le salarié n’est pas qualifié de cadre dirigeant

Jurisprudence
35 heures

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Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé le 13 décembre 1994 par une association en qualité de directeur technique.

Il est licencié le 27 juin 2008 et décide de saisir la juridiction prud’homale de diverses demandes, notamment le paiement d’heures supplémentaires et d’une indemnité compensatrice de repos compensateurs en conséquence.

La cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation dans cette affaire, donne raison au salarié.

Elle relève en effet que :

  • Le salarié rendait compte régulièrement au directeur des questions qu'il traitait, au directeur administratif du fonctionnement du service en matière sociale et du suivi du budget ;
  • Dans l'avertissement notifié le 21 décembre 2006 au salarié, le directeur lui demandait d'être tenu informé chaque semaine de son planning prévisionnel de travail pour la semaine à venir ;
  • Le salarié ne disposait pas d'une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps et n'était pas habilité à prendre des décisions de façon largement autonome. 

En conséquence, il ne pouvait être qualifié de cadre dirigeant, les heures supplémentaires et l’indemnité compensatrice de repos compensateurs prévue par la convention collective devaient lui être payées. 

Extrait de l’arrêt : 

Mais attendu, d'abord, qu'ayant relevé que le salarié rendait compte régulièrement au directeur des questions qu'il traitait, au directeur administratif du fonctionnement du service en matière sociale et du suivi du budget, que dans l'avertissement notifié le 21 décembre 2006 au salarié, le directeur lui demandait d'être tenu informé chaque semaine de son planning prévisionnel de travail pour la semaine à venir, la cour d'appel, qui s'est appuyée sur les conditions réelles d'emploi du salarié, a pu en déduire que le salarié, qui ne disposait pas d'une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps et n'était pas habilité à prendre des décisions de façon largement autonome, ne pouvait être qualifié de cadre dirigeant ;
Et attendu, ensuite, que c'est par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve fournis par les deux parties que la cour d'appel a retenu le nombre d'heures supplémentaires réalisées donnant droit, en application de l'article 11.4.C de la convention collective, à repos compensateurs, et le nombre d'heures effectuées la nuit, le dimanche ou les jours fériés ;

Cour de cassation du , pourvoi n°12-13229

Commentaire de LégiSocial

Le sujet des heures supplémentaires est à l’origine de nombreuses contentieux dans le domaine de la paie, profitons de l’affaire présente pour rappeler quelques notions importantes. 

Les heures supplémentaires : la définition

Les heures supplémentaires, sauf organisation du temps de travail sur une période supérieure à la semaine, sont décomptées à la semaine (sauf dispositions conventionnelles ou usages plus favorables).

Sont ainsi considérées comme étant des heures supplémentaires :

  • Toutes les heures effectuées au-delà de la durée légale du travail de travail effectif;

ET

  • Dans un décompte à la semaine civile. 

Article L3121-22 

Les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L. 3121-10…

Article L3121-10 

La durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaine civile.

La semaine civile est entendue au sens des dispositions de l'article L. 3122-1.

La semaine de travail

La semaine civile aux termes du Code du travail s’entend du lundi 0 heure au dimanche 24 heures. 

Lundi

Mardi

Mercredi

Jeudi

Vendredi

Samedi

Dimanche

0h ----------------------------------------------------------------------------------à 24 h

Article L3122-1

Modifié par LOI n°2008-789 du 20 août 2008 - art. 20 (V)

Sauf stipulations contraires d'un accord d'entreprise ou d'établissement, la semaine civile débute le lundi à 0 heure et se termine le dimanche à 24 heures.

Depuis la loi LDSTT (Loi portant rénovation de la Démocratie Sociale et réformant le Temps de Travail), Loi 2008-789 du 20/08/2008 (JO du 21/08/2008), les entreprises ont toute liberté pour organiser d’une autre manière le décompte de la semaine. 

On peut ainsi imaginer :

Dimanche

Lundi

Mardi

Mercredi

Jeudi

Vendredi

samedi

0h ----------------------------------------------------------------------------------à 24 h

Ou bien…

Samedi

Dimanche

Lundi

Mardi

Mercredi

Jeudi

Vendredi

0h ----------------------------------------------------------------------------------à 24 h

Ou toute autre organisation.

Les heures supplémentaires se décomptent à la semaine !

Le décompte des heures supplémentaires se fait à la semaine, ce n’est donc qu’au terme de la semaine que l’entreprise pourra déterminer si le salarié a généré des heures supplémentaires ou pas.

Lorsque la semaine est « à cheval » sur 2 mois civils, ce n’est que le mois suivant que les heures supplémentaires seront constatées et donc payées au salarié. 

Exemple :

Un salarié travaille 35 h par semaine, du lundi au vendredi à raison de 7h par jour.

La semaine se termine le mercredi et le salarié a réalisé les horaires suivants :

Lundi

Mardi

Mercredi

Jeudi

Vendredi

Samedi

dimanche

Total

9

8

7

24

Le salarié n’a pour l’instant généré aucune heure supplémentaire, la semaine n’est pas terminée et les heures effectuées ne dépassent pas 35 heures. 

  • Hypothèse n° 1 : 

Le mois suivant, le salarié réalise les heures suivantes pour les journées de jeudi et vendredi.

Lundi

Mardi

Mercredi

Jeudi

Vendredi

Samedi

dimanche

Total

6

5

11

Au titre de la semaine, « à cheval » sur 2 mois civils différents, le salarié aura effectué :

  • 24h + 11 h soit un total de 35 heures;
  • Aucune heure n’a été effectuée au-delà de la durée légale, pas d’heures supplémentaires. 
  • Hypothèse n° 2 : 

Le mois suivant, le salarié réalise les heures suivantes pour les journées de jeudi et vendredi. 

Lundi

Mardi

Mercredi

Jeudi

Vendredi

Samedi

dimanche

Total

7

7

14

Au titre de la semaine, « à cheval » sur 2 mois civils différents, le salarié aura effectué :

  • 24h + 14 h soit un total de 38 heures;
  • 3 heures supplémentaires (38h-35h) doivent être prises en compte au titre des heures supplémentaires et seront payées pour le mois pendant lequel la semaine se termine. 

Exceptions au décompte à la semaine pour des cas d’aménagements du temps de travail comme :

  • RTT sous forme de repos sur période 4 semaines ;
  • RTT sous forme de repos sur l’année ;
  • Modulation ;
  • Travail par cycle ;
  • Organisation unique du temps de travail, on parlera donc désormais de « Aménagements du temps de travail » ;
  • Dans le secteur du transport  (il existe un décompte au « quadrimestre », « trimestre » ou « mensuel »).

Durée conventionnelle inférieure à la durée légale

Lorsque la durée collective de travail a été fixée conventionnellement à un niveau inférieur à 35 heures par semaine, les heures supplémentaires ne se décomptent, sauf dispositions légales ou conventionnelles contraires, qu’à compter de la durée hebdomadaire légale, soit 35 heures. 

Le cas particulier des heures d’équivalence

Définition

Il existe un cadre particulier concernant les heures supplémentaires, prévu par le Code du travail. 

Article L3121-22 

Les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L. 3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.  

Une convention ou un accord de branche étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir un taux de majoration différent. Ce taux ne peut être inférieur à 10 %.  

Cela concerne des professions pour lesquelles le législateur détecte des « temps morts » pendant lesquels les salariés, même s’ils sont présents ne fournissent aucun travail effectif.  

Article L3121-9 

Une durée du travail équivalente à la durée légale peut être instituée dans les professions et pour des emplois déterminés comportant des périodes d'inaction soit par décret, pris après conclusion d'une convention ou d'un accord de branche, soit par décret en Conseil d'Etat.  

Ces périodes sont rémunérées conformément aux usages ou aux conventions ou accords collectifs de travail.

Dans ce cas particulier, les heures supplémentaires sont décomptées au-delà de la durée considérée comme équivalente. 

Les heures effectuées entre la durée légale et la durée d’équivalence sont rémunérées conformément aux usages et aux conventions ou accords collectifs. 

Emplois et professions concernés 

L’article L 3121-19 du code du travail indique que les emplois ou professions concernés sont déterminés par : 

  • Convention;
  • Accord de branche ; 
  • Décret en Conseil d’État.  

La mise en place d’un régime d’équivalence est impossible par contrat de travail. 

 Arrêt Cour de cassation du 14/11/1990

Pour tous les salariés de l’entreprise ? 

C’est le piège dans lequel les employeurs ne doivent surtout pas tomber. 

En effet, l'équivalence ne doit être appliquée qu’aux seuls salariés dont l'emploi comporte des périodes d'inaction. 

 Le cas échéant, il appartient à l'employeur d'en apporter la preuve. 

Quelques exemples de secteurs concernés 

Branches

Explications

Hôpitaux privés

Décret du 22 mars 1937.

43 h pour 40 h, 50 h 30 pour 40 h, y compris le temps consacré au repas pour les cuisiniers.

Transport routier de marchandises

Décret du 4 janvier 2007.

Boulangerie

Décret du 27 avril 1937

44 h pour 40 h.

La durée maximale hebdomadaire 

Dans un arrêt du 1/12/2005, la Cour européenne de justice indique que le régime d’équivalence n’exempte pas les entreprises du respect des durées maximales du travail. 

Ainsi si une entreprise est dans un régime d’équivalence, elle ne doit pas faire travailler ses salariés au-delà de 48h par semaines, ou de 44h pendant 12 semaines. 

Les heures effectuées entre la durée d’équivalence et la durée légale sont prises en compte pour le respect des durées maximales. 

Cas particulier des salariés à temps partiel 

La cour de cassation dans son arrêt du 11/02/1982 indique que le régime d’équivalence ne s'applique pas aux salariés employés à temps partiel ou incomplet. 

Les salariés qui ne sont pas soumis au régime des heures supplémentaires

Certains salariés ne sont pas soumis au régime des heures supplémentaires, on peut citer les cas suivants : 

  • Les VRP non assujettis à un horaire contrôlable; 
  • Les concierges et employés d’immeubles d’habitation ; 
  • Les jeunes travailleurs et apprentis de moins de 18 ans (impossible de dépasser la durée légale du travail) ; 
  • Les cadres dirigeants (c’est l’objet de l’affaire présente) ; 
  • Les cadres régis par une convention de forfait annuel.