Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée le 22 juin 2000 en qualité d'employée de maison à temps plein par M. Y... .
A compter du 2 avril 2008, elle a été placée en arrêt maladie, reconnue comme maladie professionnelle le 30 janvier 2009.
A l’issue des deux visites de reprise des 11 et 25 janvier 2010, le médecin du travail l'a déclarée inapte à un poste d'entretien à temps complet mais apte à un poste de travail à temps partiel, sans travaux les bras en élévation, comme le lavage des vitres et le repassage de façon prolongée.
Elle est finalement licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 4 février 2010.
La salariée conteste son licenciement et saisit la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail et de sa rupture sans cause réelle et sérieuse.
Dans un premier temps, la cour d’appel déboute la salariée de sa demande, appuyant son argumentation sur l’article 12 a) de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999.
Elle relève ainsi que l’indemnité qui doit être versée à la salariée est calculée à hauteur de 1/10ème de mois par année d’ancienneté de service et qu'aucune disposition spécifique n'est prévue en cas de licenciement pour inaptitude.
Extrait de l’arrêt
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande tendant au paiement de l'indemnité prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, l'arrêt retient que l'article 12 a) de la convention collective prévoit que l'indemnité de licenciement est calculée à hauteur de 1/10e de mois par année d'ancienneté de services continus chez le même employeur et qu'aucune disposition spécifique n'est prévue en cas de licenciement pour inaptitude ;
Ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation, qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel.
Les juges estiment en l’occurrence que la salariée devait bénéficier de l’indemnité spéciale de licenciement, l’article L 1226-14 s’appliquant à tous les salariés, y compris les employés de maison.
Extrait de l’arrêt
Attendu que les dispositions de l'article L. 1226-14 du code du travail, selon lesquelles la rupture du contrat de travail, dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, notamment à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9, s'appliquent à tous les salariés y compris les employés de maison, la liste des textes mentionnés à l'article L. 7221-2 du même code n'étant pas limitative ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande tendant au paiement de l'indemnité prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, l'arrêt retient que l'article 12 a) de la convention collective prévoit que l'indemnité de licenciement est calculée à hauteur de 1/10e de mois par année d'ancienneté de services continus chez le même employeur et qu'aucune disposition spécifique n'est prévue en cas de licenciement pour inaptitude ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare le licenciement de Mme X... dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne M. Y... à lui payer une indemnité de licenciement de 1 550,71 euros , l'arrêt rendu le 26 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Commentaire de LégiSocial
La définition du licenciement pour inaptitude au travail
Ce cas particulier, et qui peut donner droit au salarié au bénéfice d’une indemnité de licenciement chiffrée de façon particulière (en cas d’inaptitude d’origine professionnelle), concerne le salarié :
- Déclaré inapte au travail par un médecin du travail ;
- Dont l’inaptitude a une origine professionnelle (accident du travail ou maladie professionnelle) ou non professionnelle ;
- Dont le reclassement obligatoirement proposé par l’employeur est impossible.
Le déroulement du licenciement pour inaptitude
Principes généraux
Le licenciement est prononcé:
- Au terme de 2 visites médicales (ou d’une seule s’il y a constatation d’une situation de danger) ;
- De la reconnaissance d’inaptitude par le médecin du travail ;
- De l’impossibilité de reclassement dans l’entreprise.
Obligation de reclassement
C’est à partir de la 2ème visite médicale (délai de 2 semaines entre chaque visite) auprès de la médecine du travail que l’obligation de reclassement pèse sur l’employeur.
Dans le cas où le maintien du salarié entraîne un danger immédiat, l’inaptitude est prononcée au terme d’une seule visite médicale.
Article R4624-31
Modifié par Décret n°2012-135 du 30 janvier 2012 - art. 1
Le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s'il a réalisé :
1° Une étude de ce poste ;
2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ;
3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires.
Lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ou lorsqu'un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l'avis d'inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen.
Si l’employeur a anticipé les recherches de reclassement, par exemple en commençant au terme de la 1ère visite médicale, ces recherches doivent néanmoins être poursuivies après la 2ème visite médicale auprès de la médecine du travail.
Ne sera par exemple pas prise en compte, l’offre de reclassement intervenue antérieurement à la seconde visite médicale.
Extrait de l’arrêt :
Et attendu qu'ayant relevé que la première offre de reclassement intervenue dès le 4 janvier 2006, antérieurement à la seconde visite de reprise, était prématurée,
Cour de cassation du 28/10/2009 pourvoi 08-42804
Rechercher les possibilités de reclassement… dans tous les cas !
En cas d’inaptitude totale
Même dans le cas où la médecine du travail prononce une inaptitude totale à tout emploi dans l’entreprise, l’employeur est dans l’obligation de procéder à la recherche de reclassement.
Extrait de l’arrêt du 26/11/2008 :
Attendu cependant que l'avis du médecin du travail concluant à l'inaptitude du salarié à tout emploi dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de rechercher une possibilité de reclassement, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail ; que cette recherche doit être effective ;
Cour de cassation 26/11/2008, pourvoi 07-41284
Extrait de l’arrêt du 7/07/2004 :
Mais attendu que l'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout emploi dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de rechercher une possibilité de reclassement au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel celle-ci appartient, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ; que la cour d'appel, ayant relevé que l'employeur ne justifiait pas qu'il avait effectué une telle recherche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Cour de cassation 7/07/2004 pourvoi 02-43141
En cas de classement du salarié en invalidité
Même si le salarié est classé en invalidité 2ème catégorie, l’employeur doit obligatoirement respecter son obligation de reclassement, par application des dispositions du Code du travail.
Extrait de l'arrêt:
Et attendu, enfin, que le classement d'un salarié en invalidité 2e catégorie par la sécurité sociale, qui obéit à une finalité distincte et relève d'un régime juridique différent, est sans incidence sur l'obligation de reclassement du salarié inapte qui incombe à l'employeur par application des dispositions du code du travail ;
Cour de cassation du 9/07/2008 pourvoi 07-41318
Ne pas anticiper les réponses du salarié
Même si le salarié déclare, avant que l’employeur fasse toute proposition de reclassement, qu’il n’acceptera aucune offre, l’employeur devra respecter ses obligations en matière de reclassement.
La Cour de cassation s’est prononcée à ce sujet:
Mais attendu, d'abord, que l'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout emploi dans l'entreprise, ne dispense pas l'employeur, quelle que soit la position prise par le salarié, de rechercher des possibilités de reclassement par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient ;
Cour de cassation du 16/09/2009 pourvoi 08-42212
Proposer un emploi approprié
L’employeur doit tenir de plusieurs critères dans sa recherche d’emplois compatibles avec l’inaptitude du salarié.
Doivent ainsi être retenues :
- Les indications transmises par la médecine du travail dans son avis (ou en les sollicitant si elles ne sont pas clairement indiquées) ;
- La compatibilité (autant que possible) avec l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures comme mutations, transformations poste de travail ou aménagement temps de travail.
Article L1226-2
Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.
Attention au poste éventuellement… inadapté !
Un récent arrêt de la Cour de cassation invite les employeurs à agir avec prudence.
La proposition doit porter sur un poste compatible avec les compétences du salarié, faute de quoi la proposition de reclassement ne se fait pas dans le respect des dispositions légales.
Extrait de l’arrêt :
Et attendu qu'après avoir relevé par motifs propres et adoptés, que l'emploi de reclassement proposé au salarié n'était pas accessible à celui-ci malgré une formation professionnelle, que celle délivrée en binôme sur le poste pendant quarante-cinq jours s'était avérée inefficace dans la mesure où c'est une formation initiale qui faisait défaut à l'intéressé lequel avait des aptitudes manuelles mais aucune compétence en informatique et comptabilité, la cour d'appel a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen, que le poste proposé pour le reclassement n'était pas approprié aux capacités du salarié ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;Cour de cassation 7/03/2012 pourvoi : 11-11311
Sur des postes durablement vacants
La Cour de cassation estime que seuls des postes vacants durablement doivent être proposés à un salarié déclaré inapte.
Voir notre actualité à ce sujet, en cliquant ici.
Lire aussi : Propositions de reclassement en cas d'inaptitude : seuls des postes durablement vacants doivent être proposés. Jurisprudence
Un salarié est engagé le 26/03/1996 par une entreprise, en qualité de contrôleur qualité. Il est victime de deux accidents du travail, le 4/03/2005 et 25/01/2006. Lors de ...
Extrait de l’arrêt :
C'est à tort que Monsieur X... a cru devoir soutenir que les emplois confiés à des intérimaires auraient correspondu à des emplois disponibles qui auraient dû lui être proposés dans le cadre de l'obligation de reclassement, l'appelante ayant justement fait valoir que la notion de poste disponible était incompatible avec celle d'emplois momentanément vacants du fait de l'indisponibilité de leur titulaire
Cour de cassation 28/04/2011 Pourvoi 10-13864
Formaliser les offres
Pas de formalisme légal
Le Code du travail ne prévoit pas de formalisme particulier pour les offres de reclassement éventuelles.
La prudence invite toutefois les employeurs à rédiger un écrit, en fournissant au salarié concerné le plus d’informations possibles sur le poste proposé.
Impossibilité de reclassement
Forme légale
En ce qui concerne l’impossibilité de reclassement, le Code du travail impose cette fois la production d’un écrit.
Article L1226-12
Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. (…)
Pas trop vite !
L’impossibilité de reclassement doit se faire dans un « délai raisonnable ».
Ainsi la Cour de cassation, a considéré que l’employeur qui indiquait l’impossibilité de reclassement (et le licenciement) le même jour que le 2ème avis d’inaptitude du salarié, avait agi avec trop d’empressement !
Retrouvez notre actualité à ce sujet en détails, en cliquant ici.
Lire aussi : Inaptitude et licenciement : pas le même jour ! Jurisprudence
L’affaire concerne un salarié engagé dans un garage. A l’issue de la seconde visite, le 6/09/2001, auprès de la médecine du travail, celle-ci le déclare inapte à son poste....
Accord ou refus du salarié
Accord du salarié
Si le salarié accepte, sans réserve, le poste proposé en reclassement, le contrat de travail se poursuit.
Un avenant au contrat de travail semble nécessaire afin de formaliser l’offre, l’acceptation et le placement sur un nouveau poste au sein de l’entreprise.
Refus du salarié
Si le salarié oppose un refus, l’employeur devra agir avec prudence pour lancer éventuellement la procédure de licenciement pour impossibilité de reclassement.
Il sera en effet dans l’obligation d’indiquer l’absence d’un autre poste disponible compatible avec l’état de santé du salarié.
Le refus par le salarié du poste proposé, quand cela entraine la modification du contrat de travail ou des conditions de travail, ne peut pas être invoqué comme étant le motif du licenciement.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que ne peut constituer en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement le refus par le salarié du poste de reclassement proposé par l'employeur en application de l'article L. 1226-2 du code du travail lorsque la proposition de reclassement emporte modification du contrat de travail ou des conditions de travail ; qu'il appartient à l'employeur de tirer les conséquences du refus du salarié soit en formulant de nouvelles propositions de reclassement, soit en procédant au licenciement de l'intéressé aux motifs de l'inaptitude et de l'impossibilité du reclassement ;
Cour de cassation du 26 janvier 2011 pourvoi: 09-43193
Attention au refus délibéré du salarié
Lorsque le refus du salarié est considéré comme délibéré, la Cour de cassation considère alors que le licenciement du salarié peut être prononcé, y compris pour faute grave !
Nous avons consacré une actualité à ce sujet, que vous pouvez consulter en cliquant ici.
Lire aussi : Refuser délibérément un reclassement en cas d'inaptitude peut conduire à un licenciement Jurisprudence
Cette affaire concerne un salarié engagé en qualité de cardiologue par une polyclinique le 15/01/1977. A la suite de 2 examens médicaux de reprise du 31/01/2006 et 14/02/2006, il est ...
Cour de cassation du 22/06/2011 Pourvoi 10-30415 F-D
L’indemnité de licenciement
Inaptitude consécutive à une maladie ou accident non professionnel
L’indemnité de licenciement est calculée selon les dispositions légales, rappelons que l’ancienneté prend en compte le préavis non effectué
(1/5*Salaire de référence*ancienneté) + (2/15*Salaire de référence*(ancienneté supérieure à 10 ans)
Article R1234-2
Modifié par Décret n°2008-715 du 18 juillet 2008 - art. 1
L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté.
Inaptitude consécutive à une maladie ou accident professionnel
L’indemnité de licenciement légale est alors le double de l’indemnité précédemment proposée.
(2/5*Salaire de référence*ancienneté) + (4/15*Salaire de référence*(ancienneté supérieure à 10 ans)
Seule l’inaptitude d’origine professionnelle donne lieu au versement d’une indemnité spécifique (indemnité spéciale).
Seule l’indemnité légale est « doublée », l’indemnité de licenciement conventionnelle n’a en aucun cas l’obligation d’être doublée.
(Cour de cassation du 22/02/2000, arrêt 98-40.137 et Cour de cassation du 25/03/2009, arrêt 07-41.708)
Article L1226-14
La rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.
Nota :
Un arrêt de la Cour de cassation du 25/05/1994 (arrêt 91-40.442) stipule que cette indemnité « spéciale » doit être versée quelle que soit l’ancienneté du salarié.
Notons que cet arrêt est antérieur à la loi 2008 (LMMT, Loi de Modernisation du Marché du Travail) qui fixe la condition d’ancienneté à 1 an et la valeur de l’indemnité spéciale au double de l’indemnité légale.