Une entreprise qui exerce une activité toute l’année peut quand même recourir à des contrats saisonniers

Jurisprudence
CDD

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Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé en qualité de capitaine par une entreprise de bateaux bus, par contrat CDD saisonnier du 26 mai au 31 août 2008.

Le contrat prévoit une période d'essai de 12 jours, à laquelle l’employeur met fin le 29 mai 2008. 

Par la suite, le salarié saisit la juridiction prud'homale, notamment la requalification de son contrat CDD en CDI, en raison d’une activité de l’entreprise sur toute l’année. 

Dans un premier temps, la cour d’appel donne raison au salarié, estimant que le recours à un contrat CDD saisonnier n’est pas licite, lorsque l’activité de l’entreprise se déroule sur l’ensemble de l’année. 

Extrait de l’arrêt

Attendu que pour accueillir les demandes du salarié au titre de la requalification du contrat à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, l'arrêt énonce que si la société justifie de l'augmentation significative (56 %) du trafic sur les lignes fluviales qu'elle exploite, chaque année durant les mois de mai, juin, juillet et août, en raison notamment d'une fréquentation touristique plus importante, il n'est pas contesté qu'elle exerce tout au long de l'année son activité de transport de passagers, qu'elle propose ainsi aux parisiens un abonnement annuel leur permettant de bénéficier de ses services, que dès lors l'entreprise a bien une activité annuelle, et non saisonnière, et que s'agissant uniquement de fournir un emploi de capitaine sur une période de l'année connaissant un simple accroissement d'activité, le recours au contrat à durée déterminée « saisonnier » est illicite ;

Ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation, qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel.

Les juges relèvent que l'activité touristique de l'employeur était caractérisée par un accroissement significatif du nombre de passagers, chaque année, à des dates à peu près fixes, et que les contrats conclus avec le salarié couvraient les trois mois de l'année pendant lesquels elle transportait le plus grand nombre de passagers pouvaient admettre la qualification de contrats saisonniers. 

Extrait de l’arrêt

Attendu, cependant, que le caractère saisonnier d'un emploi concerne des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ;

 Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que l'activité touristique de l'employeur était caractérisée par un accroissement significatif du nombre de passagers, chaque année, à des dates à peu près fixes, et que les contrats conclus avec le salarié couvraient les trois mois de l'année pendant lesquels elle transportait le plus grand nombre de passagers, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°12-18001

Commentaire de LégiSocial

Les cas de recours aux contrats CDD sont limitativement fixés par le Code du travail. 

Parmi les cas de recours autorisés, figure le contrat saisonnier pour lequel nous rappelons quelques notions importantes.

La définition

Les travaux saisonniers sont des travaux qui sont normalement appelés à se répéter chaque année, à date à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs.

Dans le secteur agricole, il s'agit de travaux liés à l'activité de récolte, au conditionnement.
Dans le secteur du tourisme, cela peut concerner les centres de loisirs, commerces des stations touristiques

Article L1242-2

Modifié par Ordonnance n°2010-462 du 6 mai 2010 - art. 1

Sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :

3° Emplois à caractère saisonnier

  

Rappel de quelques jurisprudences

Le recours à ce type de contrat est à l’origine de plusieurs jurisprudences, le moins que nous puissions dire est que les choses sont assez complexes.

La jurisprudence « Tour Eiffel » 

La Cour de cassation admet le caractère saisonnier du contrat d’un employé à la caisse de la Tour Eiffel.

La Cour de cassation reconnait en l’espèce l'existence d'une activité saisonnière soit pendant les vacances scolaires, soit pendant les 5 mois de grande activité du tourisme.

Extrait de l’arrêt :

Attendu, cependant, que le caractère saisonnier d'un emploi concerne des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ;

Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que l'activité touristique de l'employeur était caractérisée par un accroissement du nombre de visiteurs, chaque année, à des dates à peu près fixes, et que les contrats conclus avec la salariée couvraient les cinq ou six mois de l'année pendant lesquels la Tour Eiffel recevait le plus grand nombre de visiteurs, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 janvier 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.

Cour de cassation du 12/10/1999, pourvoi 97-40915

La production de pizzas surgelées n’admet pas d’activité saisonnière 

Dans cette affaire, une salariée avait été engagée, entre le 6 janvier 1997 et le 14 juillet 2003, en qualité d'ouvrière de production, par une société commercialisant des pizzas surgelées.

L’engagement s’était fait sous contrat CDD à caractère saisonnier. 

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant comme elle a fait, alors que la société X…, qui fabriquait et commercialisait des pizzas surgelées en toutes saisons et connaissait seulement un accroissement périodique de production, n'avait pas d'activité saisonnière,

Cour de cassation du 5/12/2007, pourvoi 06-41313

Contrat saisonnier dans un magasin de sport 

Dans une autre affaire, une salariée avait été engagée en qualité de vendeuse étalagiste, au sein d’un magasin de sport, sous contrat CDD à caractère saisonnier. 

La Cour de cassation ne reconnait pas en l’espèce l’existence d’une activité saisonnière, permettant le recours à un contrat CDD du même type.

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour requalifier en contrat de travail à durée indéterminée le contrat de travail à durée déterminée du 3 mars 2003 et condamner l'employeur au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité de requalification, d'indemnité compensatrice de préavis, avec congés payés afférents et de dommages-intérêts pour rupture abusive, la cour d'appel a retenu que, dès lors que l'augmentation des ventes d'articles de sport et d'équipements de loisirs était en corrélation directe avec le rythme des saisons, l'accroissement d'activité qui en résultait et qui était amenée à se renouveler chaque année pendant la même période présentait un caractère saisonnier et qu'ainsi, le contrat conclu pour surcroît d'activité était irrégulier ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur, qui exerçait son activité tout au long de l'année et connaissait seulement un accroissement temporaire de production pendant la période considérée, n'avait pas d'activité saisonnière, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a requalifié en contrat de travail à durée indéterminée le contrat de travail à durée déterminée du 3 mars 2003 et condamné l'employeur au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité de requalification, d'indemnité compensatrice de préavis, avec congés payés afférents et de dommages-intérêts pour rupture abusive, l'arrêt rendu le 22 février 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon

Cour de cassation du 21/03/2007, pourvoi 05-44967

  

Quand 16 ans de CDD ne conduisent pas à un CDI ! 

Cette affaire peu banale concerne une salariée engagée chaque année pendant 16 ans en qualité de saisonnière pour le conditionnement du maïs doux, pour la période de mi-juillet à mi-septembre jusqu’à la saison 2005.

Par courrier du 14/01/2005, son employeur l’informe qu’il mettait fin à leur collaboration pour les années à venir.

La salariée décide de saisir la juridiction prud’homale afin de requalifier ses contrats CDD en contrats CDI. 

La Cour de cassation, tout comme la cour d’appel déboutent la salariée de sa demande. 

Cour de cassation 26/10/2011 pourvoi 09-43205 FSPB

  

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