La rupture de la période d’essai ne se présume pas

Jurisprudence
Période d’essai

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Cet article a été publié il y a 10 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Un salarié est engagé le 1er février 2000 en qualité de responsable par une entreprise du secteur de la restauration.

Son contrat de travail prévoit une période d'essai de 8 semaines. 

Le salarié est victime le 18 février 2000 d'un accident de travail ayant entraîné un arrêt de travail jusqu'au 12 septembre 2003.

A la suite de l’arrêt, le salarié n'a pas repris le travail mais saisit la juridiction prud'homale de demandes d'indemnités au titre de la rupture de son contrat de travail.

L’employeur avait en effet considéré que l’absence du salarié devait s’analyser un une rupture de la période d’essai, mettant fin aux relations contractuelles. 

Dans un premier temps, la cour d’appel déboute le salarié, estimant que ce dernier ne s’est pas manifesté auprès de son employeur, mettant ainsi fin de façon explicite au contrat en cours de période d’essai. 

Extrait de l’arrêt

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient que ce dernier ne s'est pas manifesté auprès de son employeur après la fin de son arrêt de travail, ce qui démontre qu'il a entendu de façon explicite interrompre la relation de travail en cours de période d'essai, ce type de rupture ne requérant aucun formalisme particulier ; 

Ce n’est pas du tout l’avis de la Cour de cassation, rappelant que la rupture de la période d’essai ne se présume, en l’état rien ne démontrait la manifestation explicite d’une volonté de mettre fin au contrat durant la période d’essai.  

Extrait de l’arrêt 

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ne résultait pas de ces constatations la manifestation explicite d'une volonté du salarié de mettre fin au contrat de travail en période d'essai, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°12-25308

Dans la présente affaire, la Cour de cassation rend un arrêt qui n’est pas sans rappeler le cas particulier d’une démission qu’un employeur pourrait « présumer ».

Nous remarquerons d’ailleurs que même si l’affaire traite d’une rupture de la période d’essai, l’arrêt évoque la « démission » que l’employeur avait supputée. 

Extrait de l’arrêt

1°/ ALORS QUE la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; qu'en se bornant, pour énoncer qu'il avait démissionné, à relever que M. X... ne s'était pas manifesté auprès de son employeur le 12 septembre 2003, sans caractériser sa volonté claire et non équivoque de démissionner, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

L’occasion pour nous de rappeler quelques notions importantes concernant la démission. 

Principes fondamentaux

La démission est un acte dont l’initiative appartient obligatoirement au salarié.

Un employeur ne peut pas « demander » au salarié de démissionner, comme le salarié ne peut pas demander « à être licencié ».

Ce sont parfois des termes que l’on entend, mais qui ne sont en aucun cas légalement admissibles. 

La démission ne se présume pas.

C’est à celui qui invoque la démission (donc uniquement le salarié) de la prouver. 

La démission peut être implicite ou explicite mais les juges hésitent pour la notion implicite.

  1. La démission doit résulter d’une volonté claire, sérieuse et non équivoque ;
  2. La décision doit être réfléchie ;
  3. La démission doit être libre. 

Les cas suivants ne sont pas des démissions 

La démission doit résulter d’une volonté claire, sérieuse et non équivoque : 

De ce fait, les cas suivants ne constituent pas des démissions, et l’employeur ne doit en aucun cas les considérer comme telles : 

  • L’absence non justifiée d’un salarié ;
  • Le retour tardif d’un salarié après une suspension du contrat de travail. 

Parfois, ce sont les juges de la Cour de cassation qui ont été amené à requalifier ou non l’absence du salarié comme l’expression d’une démission implicite. 

Démission : oui selon les juges 

  • Salarié qui ne s’est pas présentée au terme d’un congé parental, malgré 2 courriers de relance.

Arrêt Cour de cassation 23/05/1995 arrêt 91-41070 D

  • Salariée pour laquelle l’employeur avait utilisé les services d’un huissier pour effectuer une sommation de reprendre le travail.

Arrêt Cour de cassation 10/05/1995 arrêt 91-44668 D

Démission : non selon les juges

  • La démission donnée au moyen d'une lettre rédigée par le salarié à son domicile alors que le salarié était sujet à un état dépressif de nature à altérer son arrêt.

Arrêt de la Cour de cassation du 1/02/2000 arrêt 98-40244 D

  • La démission donnée sous le coup de l'émotion, le salarié ayant été hospitalisé le même jour et pendant 11 jours pour dépression nerveuse.

Cour de cassation 26/05/2010 arrêt 08-44923

Un salarié demande par courrier à son employeur quelles sont les formalités pour démissionner.

Du coup, son employeur le considère comme démissionnaire.

Ce que le salarié conteste, estimant de son côté avoir été licencié, il saisit le Conseil de prud’hommes afin d’obtenir gain de cause.

Les juges de la Cour de cassation donnent raison au salarié, l’employeur n’étant pas en droit de « supposer » que le salarié était en train de démissionner. 

Cour de cassation 9/12/2010 pourvoi 09-41498

 Vous pouvez retrouver cet arrêt en détails en cliquant ici 

La démission doit résulter d’une décision réfléchie : 

  • Exemple du salarié qui démissionne sur un « coup de tête » et se rétracte ensuite, ne constitue pas une démission.

Arrêt de la Cour de cassation du 4/03/1998

Décision libre 

  • Par erreur : exemple de la lettre de démission écriture par un autre, le salarié ne sachant ni lire, ni écrire ;
  • Par dol : le salarié n’avait pas connaissance des conséquences sur les allocations chômage ;
  • Sous la menace : le salarié qui démissionne suite à des menaces ou insultes de son employeur. 

Ainsi, les juges de la Cour de cassation considèrent que la lettre de démission écrite sous la contrainte, dans le bureau du directeur après une discussion et des pressions exercées sur le salarié n’est pas recevable car rédigée sous la menace. 

Arrêt Cour de cassation 26/05/1993 arrêt 90-42188 D

Arrêt Cour de cassation 10/11/1998 arrêt 96-44299 D

Une salariée embauchée en contrat de professionnalisation est accusée par son employeur d’avoir volé dans la caisse.

Elle nie le vol.

Malgré cela, elle rédige le jour même une lettre de démission et une reconnaissance de dette en présence de membres de la gendarmerie.

Quelques jours, la salariée se rétracte et décide de saisir le Conseil de prud’hommes.

La Cour d’Appel statue sur le sujet, et considère en l’état que la démission a été rédigée sous l’emprise de la peur.

Par conséquent, la démission est requalifiée en un licenciement qui, n’ayant pas été notifié dans les formes, est dépourvu de cause réelle et sérieuse. 

Cour d’Appel de Rennes du 29/03/2011 n° 09-7778

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