Contexte de l'affaire
Un salarié est embauché en qualité de cadre commercial sous contrat à durée indéterminée du 2 mai 2000.
En vertu d'un avenant daté du même jour, sa rémunération comprend une partie fixe et un intéressement.
De plus le contrat de travail stipule que « la rémunération du salarié constitue une convention de forfait destinée à couvrir l'intégralité de la mission qui lui est confiée et ce, quelle que soit la durée du travail effectivement consacrée par lui à l'accomplissement de celle-ci ».
Le 1er mars 2010, le salarié saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes, notamment le paiement d’heures supplémentaires.
La cour d’appel déboute le salarié de sa demande, retenant :
- Le fait que le salarié, qui n'avait pas, au sein de l'entreprise la qualité de cadre dirigeant, jouissait cependant d'une réelle autonomie et qu'il appartenait à la catégorie de cadres pouvant librement conclure avec leur employeur une convention de forfait ;
- Qu'il était clairement stipulé que la rémunération du salarié constituait une convention de forfait destinée à couvrir l'intégralité de la mission qui lui était confiée, quelle que soit la durée du travail effectivement consacrée par lui à l'accomplissement de celle-ci ;
- Et enfin qu'en l'absence de contestations et de réclamations du salarié pendant la relation contractuelle sur le nombre d'heures rémunérées, il convenait de considérer que les parties étaient également convenues d'une convention de forfait de 169 heures par mois.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que ce dernier, qui n'avait pas, au sein de l'entreprise la qualité de cadre dirigeant, jouissait cependant d'une réelle autonomie et qu'il appartenait à la catégorie de cadres pouvant librement conclure avec leur employeur une convention de forfait, qu'il était clairement stipulé que la rémunération du salarié constituait une convention de forfait destinée à couvrir l'intégralité de la mission qui lui était confiée, quelle que soit la durée du travail effectivement consacrée par lui à l'accomplissement de celle-ci ; qu'en l'absence de contestations et de réclamations du salarié pendant la relation contractuelle sur le nombre d'heures rémunérées, il convenait de considérer que les parties étaient également convenues d'une convention de forfait de 169 heures par mois ;
La Cour de cassation ne partage pas le même point de vue, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel déboutant le salarié de sa demande d’heures supplémentaires.
Les juges relèvent :
- D'une part, que la seule fixation d'une rémunération forfaitaire sans que soit déterminé le nombre d'heures supplémentaires inclus dans cette rémunération ne permet pas de caractériser une convention de forfait ;
- D'autre part, que la renonciation à un droit ne se déduit pas de la seule inaction de son titulaire.
Extrait de l’arrêt :
Attendu cependant, d'une part, que la seule fixation d'une rémunération forfaitaire sans que soit déterminé le nombre d'heures supplémentaires inclus dans cette rémunération ne permet pas de caractériser une convention de forfait, d'autre part, que la renonciation à un droit ne se déduit pas de la seule inaction de son titulaire ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'elle avait relevé que la convention de forfait applicable au salarié ne mentionnait pas le nombre d'heures supplémentaires inclues dans celle-ci, peu important le silence du salarié à cet égard, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et congés payés afférents, l'arrêt rendu le 16 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Commentaire de LégiSocial
Compte tenu des points abordés par la Cour de cassation dans la présente affaire, rappelons quelques notions importantes concernant les conventions de forfait, plus précisément cette fois sur les forfaits annuels (en heures ou en jours).
Les forfaits annuels
Pour certains salariés, la notion du temps de travail n'a de sens que sur une période correspondant à l’année.
Il est alors possible, dans des conditions bien précises, de recourir à des conventions de forfait annuel en heures ou en jours.
Accord collectif nécessaire
Le code du travail réglemente les forfaits annuels, en précisant qu’un employeur ne peut signer avec des salariés des conventions individuelles de forfait en heures ou en jours qu’à la stricte condition qu’un accord collectif le prévoie.
Article L3121-39
Modifié par LOI n°2008-789 du 20 août 2008 - art. 19 (V)
La conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.
Contenu minimum de l’accord
L’accord collectif doit contenir au minimum les clauses suivantes :
- Durée annuelle de travail à partir de laquelle le forfait de chaque salarié est fixé (heures ou jours) ;
- Catégories de salariés susceptibles de bénéficier d’une convention individuelle de forfait en heures ou en jours sur l’année ;
- Caractéristiques principales de ces conventions ;
- Modalités applicables en cas d’entrée ou sortie en cours d’année.
Salariés concernés par les conventions en heures
Ce sont les salariés cadres dont les fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif de l’entreprise, de l’atelier ou du service.
Sont concernés également les salariés cadres ou non cadres, qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps
Article L3121-42
Modifié par LOI n°2008-789 du 20 août 2008 - art. 19 (V)
Peuvent conclure une convention de forfait en heures sur l'année, dans la limite de la durée annuelle de travail applicable aux conventions individuelles de forfait fixée par l'accord collectif :
1° Les cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;
2° Les salariés qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps.
Salariés concernés par les conventions en jours
Sont concernés les cadres ayant une autonomie d’organisation.
Sont aussi concernés les salariés, cadres ou non-cadres, dont l'employeur ne peut pas prédéterminer la durée de travail et qui dispose d'une réelle autonomie dans l'organisation de son emploi du temps pour l'exercice de ses responsabilités.
Article L3121-43
Modifié par LOI n°2008-789 du 20 août 2008 - art. 19 (V)
Peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année, dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l'accord collectif prévu à l'article L 3121-39:
1° Les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;
2° Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.
Pas pour les cadres dirigeants
En tout état de cause, ces conventions de forfait ne concernent pas les cadres dirigeants.
En effet, cette catégorie de cadre n’est pas concernée par la durée du travail.
Article L3111-2
Les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III.
Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.
Accord du salarié nécessaire
Aucune convention, heures ou jours, ne peut être réalisée sans avoir obtenu l’accord du salarié.
Article L3121-40
Modifié par LOI n°2008-789 du 20 août 2008 - art. 19 (V)
La conclusion d'une convention individuelle de forfait requiert l'accord du salarié. La convention est établie par écrit.
Les forfaits annuels en heures
C'est l'accord collectif qui fixe la durée annuelle maximale de travail en tenant compte des jours de congés dans l'entreprise, des jours de repos hebdomadaire, des jours fériés et de la journée de solidarité.
Dans la convention de forfait annuel en heures, l'employeur précise le volume d'heures supplémentaires et la rémunération forfaitaire qui y correspond.
Ce nombre doit respecter la durée annuelle fixée par l'accord collectif.
L'employeur assure au salarié un salaire au moins égal à la rémunération minimale applicable dans l'entreprise (SMIC ou minimum conventionnel) pour le nombre d'heures de son forfait, augmentée des majorations de salaire pour heures supplémentaires (code du travail art L 3121-4).
Article L3121-41
Modifié par LOI n°2008-789 du 20 août 2008 - art. 19 (V)
La rémunération du salarié ayant conclu une convention de forfait en heures est au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l'entreprise pour le nombre d'heures correspondant à son forfait, augmentée des majorations pour heures supplémentaires prévues à l'article L 3121-22.
Exemple :
Un employeur établit une convention en heures sur l’année à 1 700 heures.
La rémunération doit comprendre obligatoirement :
- 1607 heures non majorées ;
- 93 heures (1700 moins 1607) majorées.
Ce sont les conditions minimales applicables dans ce type de forfait.
Limites :
La convention doit bien entendu respecter les durées :
- Maximales quotidiennes;
- Maximales hebdomadaires.
Circulaire DGT 2008-20 du 13/11/2008
Le fait d’établir une convention annuelle en heures ne dispense pas l’employeur de décompter les heures effectuées.
Article L3171-2
Lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Les délégués du personnel peuvent consulter ces documents.
Dans les faits, l’employeur décomptera en fin d’année les heures effectuées réellement par le salarié et si le total des heures excède le forfait, des heures supplémentaires seront à régler.
Les forfaits annuels en jours
Le forfait jours, proposé par l’employeur, ne peut excéder le total de 218 jours par an.
Article L3121-44
Modifié par LOI n°2008-789 du 20 août 2008 - art. 19 (V)
Le nombre de jours travaillés dans l'année fixé par l'accord collectif prévu à l'article L 3121-39 ne peut excéder deux cent dix-huit jours.
En cas de forfait inférieur à 218 jours, la circulaire DRT du 6/12/2000 (n° 2000-7) confirme que le salarié n’est pas considéré comme étant à temps partiel dans le cas présent.
L’employeur doit veiller au respect des temps de repos quotidien (11h) et hebdomadaire (35h).
Par contre, la notion de durée maximale quotidienne et hebdomadaire n’est pas envisagée dans ce cadre.
Depuis la loi LDSTT (Loi portant rénovation de la Démocratie Sociale et réformant le Temps de Travail n° 2008-789 du 20/08/2008) il est possible de signer une convention de forfait au-delà de 218 jours.
Le salarié qui le souhaite peut avec l’accord de l’employeur renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d’une majoration de salaire.
Article L3121-45
Modifié par LOI n°2008-789 du 20 août 2008 - art. 19 (V)
Le salarié qui le souhaite peut, en accord avec son employeur, renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire.
L'accord entre le salarié et l'employeur est établi par écrit. Le nombre de jours travaillés dans l'année ne peut excéder un nombre maximal fixé par l'accord prévu à l'article L 3121-39.A défaut d'accord, ce nombre maximal est de deux cent trente-cinq jours.
Le nombre maximal annuel de jours travaillés doit être compatible avec les dispositions du titre III relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés chômés dans l'entreprise, et du titre IV relatives aux congés payés.
Un avenant à la convention de forfait conclue entre le salarié et l'employeur détermine le taux de la majoration applicable à la rémunération de ce temps de travail supplémentaire, sans qu'il puisse être inférieur à 10 %.
Nota :
Le forfait maximum que l’employeur peut proposer reste fixé à 218 jours.
Le nombre de jours que comprend le forfait ne peut être supérieur à 218 jours que :
- Si le salarié le demande ;
- Et que l’employeur donne son accord.
- Il faut un accord écrit de l’employeur et du salarié ;
- La majoration de salaire doit être au minimum de 10% ;
- Le nombre de jours travaillés ne peut dépasser le nombre annuel maximal de jours travaillés fixés par l’accord collectif ;
- A défaut de précision de l’accord collectif, le maximum est de 235 jours ;
- En tout état de cause, le nombre de jours travaillés doit être compatible avec les règles sur les congés payés, les jours fériés, le repos hebdomadaire et quotidien ;
- L’extrême limite du plafond pourrait être de 282 jours (365 jours – [52 jours (repos dominical) – 30 jours (5 semaines congés payés)- 01er mai], donc 365j- 83 jours).
L’article L 3121-46 du code du travail stipule qu’un entretien annuel individuel doit être réalisé.
Article L3121-46
Modifié par LOI n°2008-789 du 20 août 2008 - art. 19 (V)
Un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.
Le comité d’entreprise doit être consulté
Article L2323-29
Modifié par LOI n°2008-789 du 20 août 2008 - art. 19 (V)
Modifié par LOI n°2008-789 du 20 août 2008 - art. 24Le comité d'entreprise est consulté sur la durée et l'aménagement du temps de travail ainsi que sur la période de prise des congés dans les conditions prévues à l'article L. 3141-13.
Il délibère chaque année sur les conditions d'application des aménagements d'horaires prévus par l'article L. 3122-2 lorsqu'ils s'appliquent à des salariés à temps partiel.
Le comité d'entreprise est consulté chaque année sur le recours aux conventions de forfait ainsi que sur les modalités de suivi de la charge de travail des salariés concernés.