Contexte de l'affaire
Cette affaire concerne un salarié engagé le 23 février 2004.
Après avoir fait l'objet de plusieurs avertissements, il est finalement convoqué le 8 octobre 2007 à un entretien préalable fixé au 16 octobre 2007 à 9h.
Sur demande du salarié, l’entretien est décalé de quelques heures.
Finalement, le salarié est licencié pour cause réelle et sérieuse le 5 novembre 2007.
Contestant le bien fondé de son licenciement, le salarié saisit la juridiction prud'homale.
Il estime en effet, que son employeur en cas de report de l’entretien préalable (rappelons-nous de quelques heures) aurait dû produire une seconde lettre de convocation à l’entretien préalable.
Dans un premier temps, la cour d’appel donne raison au salarié, estimant que le décalage de l’entretien préalable, à la demande du salarié, obligeait l’employeur à adresser une nouvelle convocation.
Ne l’ayant pas fait, la procédure de licenciement est considérée comme irrégulière.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour déclarer irrégulière la procédure de licenciement et condamner l'employeur au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient, après avoir relevé que le salarié faisait valoir que l'entretien préalable avait été tenu plusieurs heures plus tard, que même si le décalage est intervenu à la demande du salarié comme le soutient l'employeur, celui-ci a manqué à ses obligations en n'adressant pas à l'intéressé une nouvelle convocation mentionnant l'heure et le lieu de l'entretien et les modalités d'assistance du salarié ;
La Cour de cassation ne partage pas du tout le point de vue de la cour d’appel, et décide de casser et annuler l’arrêt.
Les juges considèrent en effet, que le report de l’entretien préalable à la demande du salarié, n’entraine qu’une obligation : celle d’aviser en temps utile et par tous moyens, le salarié des nouvelles dates et heures de cet entretien.
Extrait de l’arrêt :
Attendu cependant que lorsque le report de l'entretien préalable intervient à la demande du salarié, l'employeur est simplement tenu d'aviser, en temps utile et par tous moyens, le salarié des nouvelles date et heure de cet entretien ;
Qu'en se déterminant comme elle l'a fait, en prenant en considération une irrégularité de la procédure de licenciement pour la fixation du préjudice subi par le salarié, sans rechercher si la demande de report émanait du salarié et si ce dernier avait été avisé en temps utile de l'heure à laquelle l'entretien avait été reporté au regard de celle mentionnée dans la lettre initiale de convocation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et attendu qu'il y a lieu de condamner la Société …qui succombe pour l'essentiel aux dépens ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrégulière la procédure de licenciement et condamne l'employeur au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, l'arrêt rendu le 27 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Commentaire de LégiSocial
Profitons de cette affaire pour rappeler quelques notions concernant l’entretien préalable.
La convocation à l’entretien préalable
L’employeur convoque le salarié à un entretien préalable, par lettre recommandée avec avis de réception (LR+AR) ou lettre remise en main propre avec décharge.
Article L1232-2
L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.
La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation.
L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.
Une mention absente sur le courrier entraîne l’irrégularité du licenciement.
La lettre de convocation peut également être transmise par Chronopost.
Nous avons rédigé un article à ce sujet, que vous pouvez retrouver en cliquant ici.
Lire aussi : Convocation entretien préalable adressé par Chronopost Jurisprudence
un salarié est engagé en tant qu'agent passager permanent dans une compagnie aérienne. Trois ans plus tard, il est licencié et saisit le Conseil de prud'hommes afin d'obtenir le paiement ...
A même été reconnu comme valable l’envoi de la lettre de convocation par huissier.
Extrait de l’arrêt
« Que la cour d'appel a exactement retenu que la remise par voie d'huissier de justice ne constituait pas une irrégularité de la procédure de licenciement »
Arrêt de la Cour de cassation du mercredi 30 mars 2011 pourvoi 09-71412
Dans cette lettre, il doit y avoir :
- L’objet de l’entretien ;
- La date, l’heure et le lieu où se déroulera l’entretien ;
- La possibilité pour le salarié de se faire assister ;
- L’adresse de la mairie où se trouve la liste des personnes pouvant accompagner le salarié lors de l’entretien ;
- L’adresse de l’inspection du travail.
Article R1232-1
Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
La lettre de convocation prévue à l'article L. 1232-2 indique l'objet de l'entretien entre le salarié et l'employeur.
Elle précise la date, l'heure et le lieu de cet entretien.
Elle rappelle que le salarié peut se faire assister pour cet entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, en l'absence d'institutions représentatives dans l'entreprise, par un conseiller du salarié.
Assistance du salarié lors de l’entretien préalable
L’entreprise dispose d’IRP :
Le salarié a la possibilité d’être assisté lors de l’entretien préalable par une personne de son choix, salariée de l’entreprise.
L’entreprise ne dispose pas d’IRP :
Lorsque l’entreprise est dépourvue d’IRP, le salarié peut se faire assister :
- Soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ;
- Soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative.
Article L1232-4
Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.
Lorsqu'il n'y a pas d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative.
La lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition.
Nota :
La mention de possibilité d'assistance par un conseiller du salarié dans une entreprise pourvue d'IRP (ouvrant « au salarié une option qui n'existe pas ») constitue une irrégularité de procédure.
Cour de cassation du 19/11/2008 pourvoi 07-43191
La liste des conseillers est tenue à disposition des salariés.
L’employeur doit indiquer :
- La référence de la mairie du lieu du domicile du salarié s’il réside dans le même département que celui où se situe le siège social.
- L’adresse de la mairie de son lieu de travail s’il demeure en dehors de ce département.
Article D1232-5
Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
La liste des conseillers du salarié est arrêtée dans chaque département par le préfet et publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture.
Elle est tenue à la disposition des salariés dans chaque section d'inspection du travail et dans chaque mairie.
Le salarié qui souhaite se faire assister par un conseiller du salarié, informe l’employeur de sa démarche.
Article R1232-2
Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
Le salarié qui souhaite se faire assister, lors de l'entretien préalable à son licenciement, par un conseiller du salarié communique à celui-ci la date, l'heure et le lieu de l'entretien.
Le salarié informe l'employeur de sa démarche
L’entretien préalable
Un délai de 5 jours ouvrables doit être respecté entre l’entretien et la convocation (présentation LRAR ou date remise en main propre).
Article L1233-11
(…) L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.
Si le salarié ne se présente pas, ou s’il est malade, l’employeur peut notifier le licenciement. La Cour de cassation a jugé que l’intéressé doit être convoqué à l’entretien « peu important qu’il puisse ou non s’y présenter ».
Pendant l’entretien l’employeur doit exposer au salarié les motifs du licenciement envisagé et il recueille ses explications.
Article L1233-12
Au cours de l'entretien préalable, l'employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié.
Lorsque le délai de « 5 jours » expire un samedi, dimanche ou jour férié, alors il est prorogé au premier jour ouvrable qui suit.
Article R1231-1
Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
Lorsque les délais prévus par les dispositions légales du présent titre expirent un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, ils sont prorogés jusqu'au premier jour ouvrable suivant.
Et si le report émane de l’employeur ?
Commentaire supplémentaire sur la présente affaire, l’arrêt de la Cour de cassation porte sur un entretien préalable reporté à la demande du salarié.
Ne disposant pas de jurisprudence, lorsque le report est demandé à l’employeur, il nous semble prudent d’adresser alors une nouvelle convocation au salarié, afin de ne pas prendre le risque de se trouver confronté à une procédure éventuellement considérée comme irrégulière.