Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé, en contrat CDI du 25 juin 2009 en qualité de directeur, catégorie cadre, par une association en charge de la gestion d’une maison de retraite.
Son contrat de travail prévoit une période d'essai de 3 mois, suivie d'une période probatoire de même durée.
Au terme de sa 1ère journée de travail, soit le 1er juillet 2009, le salarié se voit remettre une lettre de l'employeur mettant fin à la période d'essai, avec un délai de prévenance de 24 heures.
Le salarié saisit la juridiction prud'homale pour contester cette décision et demander le paiement de diverses sommes.
La cour d’appel, puis la Cour de cassation déboutent le salarié.
Les juges estiment en effet, que rien n’interdit l’employeur de rompre la période d’essai dés le 1er jour de travail, pour autant que cette rupture se fasse dans les conditions légales, comme cela était le cas en l’espèce.
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu d'abord que la cour d'appel, qui a constaté que le contrat de travail avait été rompu à la date du 1er juillet 2009 et que la lettre notifiant la rupture n'était pas motivée, en a exactement déduit que l'employeur avait usé de la faculté légale de rompre le contrat de travail de façon unilatérale et discrétionnaire ;
Attendu ensuite que la cour d'appel, ayant apprécié souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a, sans se contredire, retenu que la rupture était motivée par des considérations professionnelles portant sur l'aptitude professionnelle du salarié à assumer les fonctions de directeur de la maison de retraite et qu'elle n'avait pas été mise en oeuvre de manière abusive ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Commentaire de LégiSocial
Profitons de la présente affaire pour rappeler quelques notions importantes concernant la rupture de la période d’essai.
Rupture de la période d’essai : principes généraux
La rupture de la période d’essai peut intervenir sur l’initiative du salarié ou de l’employeur.
Cette rupture peut être prononcée sans avoir à alléguer de motif que ce soit l’employeur ou le salarié qui procède à cette rupture.
Cour de cassation du 25/03/1985 n° 83-44.938
Nota : dans la présente affaire, la rupture s’est faite sans que l’employeur ait allégué de motif.
Lorsque l’employeur procède à la rupture de la période d’essai, celle-ci doit être en relation avec les performances du salarié, et en aucun cas influencée par un évènement extérieur (baisse d’activité, suppression du poste, etc.).
La rupture risquerait alors d’être considérée comme abusive, et entrainerait le versement de dommages et intérêts.
A titre de rappel, un récent arrêt de la Cour de cassation concernant la rupture de la période d’essai pour ...manque de neige !
Cour de cassation du 15/12/2010 pourvoi K 09-42.773 n° arrêt 2536 F-D
La rupture de la période d’essai n’est soumise à aucun formalisme légal, mais certaines conventions collectives peuvent prévoir néanmoins l’information par lettre recommandée, et parfois l’obligation de motiver la rupture de la période d’essai.
La rupture de la période d’essai n’entraîne le versement d’aucune indemnité (à part l’éventuelle indemnité compensatrice de congés payés si le temps de présence est suffisant).
Par contre, l’employeur doit remettre au salarié (quelle que soit la partie qui est à l’initiative de la rupture) tous les documents prévus dans le cas d’une rupture du contrat de travail à savoir :
- Reçu pour solde de tout compte ;
- Attestation Pôle emploi (en 2 exemplaires dont 1 pour le salarié) ;
- Certificat de travail (avec mention droit au DIF éventuellement) ;
- Dernier bulletin de salaire avec son paiement.
Rupture de la période d’essai : formalisme obligatoire dans certains cas
Il existe des cas particuliers pour lesquels la rupture de la période d’essai doit obligatoirement obéir à un formalisme.
Rupture pour faute :
Dans ce cas, la rupture doit être précédée d’un entretien préalable.
Salarié protégé :
L’employeur doit demander l’autorisation à l’inspection du travail avant de rompre la période d’essai d’un salarié protégé.
Rupture de la période d’essai : respect du délai de prévenance
La loi LMMT instaure un délai de prévenance à respecter par chaque partie concernée.
Avant la loi, la période d’essai pouvait être rompue sans délai !
Depuis le 27 juin 2008, salariés et employeurs doivent respecter un certain délai, baptisé « délai de prévenance ».
Les délais de prévenance dépendent du temps de présence du salarié dans l’entreprise.
Présence dans l’entreprise | Délai prévenance | |
---|---|---|
Rupture de l’employeur | Rupture du salarié | |
7 jours maxi | 24 heures | 24 heures |
8jours à 1 mois | 48 heures | 48 heures |
Après 1 mois | 2 semaines | 48 heures |
Après 3 mois | 1 mois | 48 heures |
Article L1221-25
Créé par LOI n°2008-596 du 25 juin 2008 - art. 2 (V)
Lorsqu'il est mis fin, par l'employeur, au contrat en cours ou au terme de la période d'essai définie aux articles L. 1221-19 à L. 1221-24 ou à l'article L. 1242-10 pour les contrats stipulant une période d'essai d'au moins une semaine, le salarié est prévenu dans un délai qui ne peut être inférieur à :
1° Vingt-quatre heures en deçà de huit jours de présence ;
2° Quarante-huit heures entre huit jours et un mois de présence ;
3° Deux semaines après un mois de présence ;
4° Un mois après trois mois de présence.
La période d'essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance
Concernant ce délai de prévenance, le ministère du Travail apporte des précisions:
- Lorsque des délais de prévenance conventionnelle existent, le ministère indique que le délai de prévenance légal s’applique même dans le cas où celui qui était prévu conventionnellement était plus court ou plus long;
- Le délai de prévenance ne doit pas avoir pour effet de prolonger la période d’essai au-delà des maxima prévus pour l’employeur;
- Lorsque c’est le salarié qui prend l’initiative de la rupture, le délai de prévenance pourra avoir pour effet de dépasser la durée maximale de la période d’essai.
Le délai de prévenance se décompte à compter de la date d’envoi de la lettre recommandée (réponse ministérielle 15/04/2008) ou bien à la date de remise de la lettre si elle donnée en main propre au salarié.
Il est important de signaler que ce délai de prévenance s’applique aux contrats CDI et CDD comprenant une période d’essai d’au moins une semaine.
Non respect du délai de prévenance : il faut payer (épisode 1)
- Dans cette affaire, un salarié était engagé le 12/12/2008 comme agent de sécurité ;
- Une période d’essai de 2 mois renouvelable était prévue ;
- C’est ainsi que la période d’essai était renouvelée le 28/01/2009 jusqu’au 12/03/2009 ;
- Le salarié s’était ensuite trouvé en arrêt de maladie du 3 au 28/02/2009 ;
- L’employeur avait alors décidé le 3/03/2009 que la période d’essai serait rompue à réception du courrier, soit le 5/03/2009.
Funeste erreur de l’employeur qui se devait de respecter le délai de prévenance légal.
Dans l’affaire présente, un délai de 2 semaines devait donc être respecté.
Le salarié demandait la requalification de son contrat pour une rupture faite dans le non respect du délai de prévenance.
Les juges de la Cour d’appel déboutent le salarié de sa demande et indiquent :
- Que le non respect du délai de prévenance ne permet pas de requalifier la rupture de la période d’essai en une rupture d’un contrat CDI sans cause réelle et sérieuse ;
- Que le non respect du délai de prévenance pouvait permettre au salarié d’obtenir des dommages et intérêts compensant le salaire brut correspondant au délai de prévenance qui aurait dû être respecté (demande qui n’a pas été formulée par le salarié en l’occurrence).
Cour d’Appel de Montpellier du 11/05/2011 (arrêt 11/5/2011 RG 09/00596).
Vous pouvez retrouver cet arrêt en détails en cliquant ici.
Lire aussi : Non respect du délai de prévenance : il faut payer Actualité
La loi de Modernisation du Marché du Travail (LMMT) du 25/06/2008 (loi 2008-596) a instauré un délai de prévenance concernant la rupture de la période d’essai par l’employeur ou le ...
Non respect du délai de prévenance : il faut payer (épisode 2)
La Cour de cassation, dans un arrêt récent du 23/01/2013, confirme l’arrêt de la cour d’appel du 11/05/2011.
La présente affaire concerne une salariée engagée le 15 octobre 2008 en qualité de consultant junior, avec une période d’essai de 3 mois renouvelée pour la même durée.
Finalement, l’employeur met fin à l’essai le 14 avril 2009, avisant la salariée qu'elle :
- Bénéficierait d'un délai de prévenance d'un mois à compter de cette date ;
- Cesserait son activité dès le 14 avril 2009 ;
- Mais percevrait son salaire jusqu'au 14 mai 2009.
Malgré cela la salariée décide de saisir la juridiction prud’homale, estimant que son contrat de travail a été rompu de façon abusive, et que le non respect du délai de prévenance devait s’analyser en un licenciement.
La Cour de cassation, tout comme l’avait fait auparavant la cour d’appel déboute la salariée de sa demande.
Le non respect du délai de prévenance n’ayant pas pour effet de « transformer » la rupture de la période d’essai en un licenciement.
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu que la cour d'appel ayant constaté que l'employeur avait mis fin à la période d'essai avant son terme, en a exactement déduit que la rupture ne s'analysait pas en un licenciement, alors même que cet employeur n'avait pas respecté le délai de prévenance ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoiCour de cassation du 23/01/2013 pourvoi no T 11-23428
Rupture de la période d’essai : petit résumé
2 cas peuvent être envisagés :
Rupture de la période d’essai sans respect du délai de prévenance
L’employeur qui met fin au contrat de travail avant l’expiration de la période d’essai ne procède pas à un licenciement.
Le non-respect du délai de prévenance se solutionne alors par le paiement d’une indemnité compensatrice correspondant à la période non respectée.
Remarquons que c’est le cas dans l’affaire présente.
Le non-respect du délai de prévenance n’ayant pas pour effet de considérer que la rupture est alors un licenciement.
Rupture alors que la période d’essai est terminée
Aucun doute n’est alors possible, la rupture s’analyse comme un licenciement.