Licenciement pour faute grave en raison d’un faux titre de séjour

Jurisprudence
Licenciement

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Contexte de l'affaire

Un salarié d’origine étrangère est engagé le 6 février 2001 d’abord en CDD puis en CDI à compter du 27 juillet 2001 par un hôtel, en qualité de commis de salle tournant.

Lors de son embauche, l’employeur avait demandé la vérification de sa carte de séjour, ce que la préfecture avait refusé.  

Extrait de l’arrêt :

(…) que si le Préfet avait à l'origine refusé de procéder à la vérification de sa carte de séjour,

Lors du renouvellement de la carte de résident du salarié, l'employeur demande à nouveau la vérification du document par la préfecture.

Il s’avère que le titre de séjour est un faux.

Le salarié est alors licencié pour faute grave par lettre du 13 décembre 2007 pour avoir fourni un faux titre de séjour lors de son embauche et pour se maintenir dans l'emploi. 

Le salarié saisit la juridiction prud’homale. 

La Cour de cassation, tout comme la cour d’appel, déboutent le salarié de sa demande.

Les juges reconnaissent d’une part l’absence de toute faute de l'employeur dans la vérification du titre apparemment régulier et dont la fausseté n'est apparue que lors de la demande de confirmation du caractère régulier de son titre de séjour après renouvellement, et d’autre part que la fraude du salarié constituait un motif pouvant être invoqué pour son licenciement pour faute grave. 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu qu'ayant retenu l'absence de toute faute de l'employeur dans la vérification du titre apparemment régulier et dont la fausseté n'est apparue que lors de la demande de confirmation du caractère régulier de son titre de séjour après renouvellement, la cour d'appel a pu en déduire que la fraude du salarié constituait une faute grave privative des indemnités de rupture et qu'elle le privait également du bénéfice de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 8252-2 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; 

Cour de cassation du , pourvoi n°12-19214

Commentaire de LégiSocial

La Cour de cassation, dans la présente affaire, rend un arrêt important concernant les salariés étrangers en situation irrégulière. 

Une indemnité forfaitaire de 3 mois

En cas de rupture de la relation de travail, le salarié étranger en situation irrégulière bénéficie d’une indemnité forfaitaire égale à 3 mois de salaire, ou à l'indemnité de licenciement et de préavis, si celle-ci leur est plus favorable. 

Article L8252-2

Modifié par LOI n°2011-672 du 16 juin 2011 - art. 76

Le salarié étranger a droit au titre de la période d'emploi illicite :

1° Au paiement du salaire et des accessoires de celui-ci, conformément aux dispositions légales , conventionnelles et aux stipulations contractuelles applicables à son emploi, déduction faite des sommes antérieurement perçues au titre de la période considérée. A défaut de preuve contraire, les sommes dues au salarié correspondent à une relation de travail présumée d'une durée de trois mois. Le salarié peut apporter par tous moyens la preuve du travail effectué ;

2° En cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire, à moins que l'application des règles figurant aux articles L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1243-4 et L. 1243-8 ou des stipulations contractuelles correspondantes ne conduise à une solution plus favorable.

3° Le cas échéant, à la prise en charge par l'employeur de tous les frais d'envoi des rémunérations impayées vers le pays dans lequel il est parti volontairement ou a été reconduit.
Lorsque l'étranger employé sans titre l'a été dans le cadre d'un travail dissimulé, il bénéficie soit des dispositions de l'article L. 8223-1, soit des dispositions du présent chapitre si celles-ci lui sont plus favorables.

Le conseil de prud'hommes saisi peut ordonner par provision le versement de l'indemnité forfaitaire prévue au 2°.

Ces dispositions ne font pas obstacle au droit du salarié de demander en justice une indemnisation supplémentaire s'il est en mesure d'établir l'existence d'un préjudice non réparé au titre de ces dispositions.

  

Situation irrégulière= faute grave automatiquement ?

Un arrêt de la Cour de cassation du 4 juillet 2012 permet de répondre à cette question. 

L’affaire concernait un conducteur d'engins, licencié pour faute grave car son employeur s'était rendu compte qu’il ne disposait pas d'une autorisation de travail valable sur le territoire français.

La Cour de cassation avait indiqué que le licenciement pour faute grave devait être rejeté, seule la cause réelle et sérieuse pouvait être invoquée, la procédure de licenciement n’ayant pas été respectée en l’espèce.  

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu que l'employeur qui s'est placé sur le terrain disciplinaire en licenciant pour faute grave un salarié en situation irrégulière doit respecter les dispositions relatives à la procédure disciplinaire ; que la cour d'appel, qui a constaté qu'il n'était pas établi que l'entretien préalable ait eu lieu dans les délais légaux, n'encourt pas le grief du moyen ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen subsidiaire du pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de paiement de salaire pour la période de mise à pied conservatoire et d'indemnités de rupture, l'arrêt rendu le 27 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 4 juillet 2012 N° de pourvoi: 11-18840 

  

Situation irrégulière= clause objective de rupture du contrat !

Le même arrêt du 4 juillet 2012 confirme que l’irrégularité de la situation d’un travailleur étranger constitue nécessairement une cause objective justifiant la rupture de son contrat de travail exclusive de l'application des dispositions relatives aux licenciements et de l'allocation de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En d’autres termes, les employeurs doivent savoir que :

  • La situation irrégulière du salarié permet la rupture des relations contractuelles ;
  • Et que cette rupture n’entraine pas l’application de la procédure de licenciement, soit l’entretien préalable suivi de la notification du licenciement. 

Extrait de l’arrêt : 

Attendu cependant que si l'irrégularité de la situation d'un travailleur étranger constitue nécessairement une cause objective justifiant la rupture de son contrat de travail exclusive de l'application des dispositions relatives aux licenciements et de l'allocation de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle n'est pas constitutive en soi d'une faute privative des indemnités de rupture ; que l'employeur qui entend invoquer une faute grave distincte de la seule irrégularité de l'emploi doit donc en faire état dans la lettre de licenciement ;

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 4 juillet 2012 N° de pourvoi: 11-18840 

Et pour la présente affaire ?

La Cour de cassation apporte plusieurs précisions importantes :

  1. Le licenciement pour faute grave d’un salarié qui produit un faux titre de séjour est licite ;
  2. Et dans de cas, le licenciement prive le salarié du paiement de l’indemnité forfaitaire prévue à l’article L8252-2 du code du travail. 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu qu'ayant retenu l'absence de toute faute de l'employeur dans la vérification du titre apparemment régulier et dont la fausseté n'est apparue que lors de la demande de confirmation du caractère régulier de son titre de séjour après renouvellement, la cour d'appel a pu en déduire que la fraude du salarié constituait une faute grave privative des indemnités de rupture et qu'elle le privait également du bénéfice de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 8252-2 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;