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Contexte de l'affaire

C’est une affaire peu banale que nous abordons.

Un salarié conclut, avec un club de rugby, un « pré-contrat de travail » par lequel il est engagé en qualité de joueur de rugby à compter du 1er juillet 2007 pour une durée correspondant à deux saisons de rugby et prenant fin le 30 juin 2009, moyennant une rémunération mensuelle nette de 17.000 euros outre le remboursement de billets d'avion, la prise en charge d'un logement à hauteur de 1.000 euros maximum et la mise à disposition d'un véhicule. 

Finalement, par contrat du 13 juillet 2007 à effet du 1er juillet, il est engagé en qualité de joueur de rugby pour les deux mêmes saisons sportives, moyennant un salaire mensuel brut de 9.915 euros, outre des avantages en nature, dont une prise en charge du loyer à hauteur de 880 euros, d'un véhicule à hauteur de 525 euros, 8.000 euros annuels pour les billets d'avion. 

Par avenant du 31 mai 2009, le club de rugby et le joueur conviennent de rompre le contrat du 13 juillet 2007. 

Mais le salarié décide de saisir la juridiction prud'homale, rappelant qu’un contrat CDD doit être transmis au salarié dans les 2 jours ouvrables et demandant de ce fait la requalification de son contrat en contrat CDI. 

L’employeur, de son côté, rappelle que la convention collectif du rugby professionnel impose le recrutement des joueurs par voie de CDD.

Il considéré qu’il y là une totale impossibilité de requalifier le contrat en CDI, un contrat « naturellement » CDD ! 

Extrait de l’arrêt :

(…) qu'il résulte de l'article 1.3 de la convention collective du rugby professionnel que les contrats de travail ne peuvent être conclus que pour une durée déterminée ne pouvant excéder 5 saisons 

Mais la Cour de cassation n’est pas sensible aux arguments de l’employeur.

Les juges précisent en outre, qu'une convention collective ne peut déroger, de façon défavorable pour le salarié, aux dispositions d'ordre public relatives aux conditions de recours et de forme du contrat de travail à durée déterminée. 

C’est ainsi que les dispositions illicites de l'article 1.3 de la convention collective du rugby professionnel, qui imposent le recrutement des joueurs professionnels par voie de contrat de travail à durée déterminée ne pouvant excéder 5 saisons, ne peuvent faire obstacle à la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée remis au salarié après l'expiration du délai de 2 jours prévu à l'article L. 1242-13 du code du travail. 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu qu'une convention collective ne peut déroger, de façon défavorable pour le salarié, aux dispositions d'ordre public relatives aux conditions de recours et de forme du contrat de travail à durée déterminée ; que les dispositions illicites de l'article 1.3 de la convention collective du rugby professionnel, qui imposent le recrutement des joueurs professionnels par voie de contrat de travail à durée déterminée ne pouvant excéder cinq saisons, ne peuvent faire obstacle à la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée remis au salarié après l'expiration du délai de deux jours prévu à l'article L. 1242-13 du code du travail ; que par ce motif de pur droit substitué, le moyen se trouve légalement justifié ; 

Attendu que pour condamner le club à payer certaines sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents et pour rupture abusive du contrat, l'arrêt retient qu'il n'est pas sérieusement discuté qu'à la date du 31 mai 2009, en l'état du contrat à durée indéterminée dont le salarié peut rétroactivement se prévaloir, le club ne lui a plus fourni aucun travail et a rompu de fait la relation de travail avec le joueur, sans lui avoir adressé une quelconque lettre de licenciement énonçant la cause réelle et sérieuse de la rupture ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du club soutenant que la rupture était intervenue d'un commun accord le 31 mai 2009, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Rugby… à payer à M. X... les sommes de 100 000 euros en application de la clause pénale, 25 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive, 12 170 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 217 euros au titre des congés afférents, l'arrêt rendu le 30 août 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Cour de cassation du , pourvoi n°11-25442

Commentaire de LégiSocial

L’arrêt de la Cour de cassation, au-delà des grandes particularités liées au milieu du sport professionnel, rappelle un principe majeur selon lequel une convention collective ne peut déroger, de façon défavorable, aux conditions de recours et de forme du contrat CDD.

La remise du contrat

Le contrat CDD doit être transmis au salarié, dans les deux jours OUVRABLES suivant l’embauche.

Article L1242-13

Le contrat de travail est transmis au salarié, au plus tard, dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche.

Jour de l’embauche n’est pas compté

A ce propos, une jurisprudence du 29/10/2008 indique que le jour d’embauche n’est pas compté dans les 2 jours ouvrables à respecter.

Exemple :

  • Embauche d’un salarié le samedi ;
  • Remise du contrat au plus tard le mardi ;
  • Si le contrat est remis le mercredi, le salarié ouvre droit à la requalification du contrat en CDI.

Un contrat… écrit

Le contrat doit être écrit à défaut il est réputé conclu pour une durée indéterminée, soit en contrat CDI de droit commun.

Dans le cas d’un CDD conclu pour un remplacement, il doit indiquer le nom et la qualification du salarié remplacé, l’absence de l’une de deux mentions entraîne obligatoirement la requalification en contrat CDI.

Article L1242-12

Le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit (…)

 A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

Un contrat signé

Le contrat CDD doit être signé par les deux parties, l’absence de l’une des deux signatures (employeur ou salarié) transforme le contrat CDD en contrat CDI.

Motif précis

Le contrat CDD ne doit indiquer qu’un seul motif sous peine d’être requalifié en contrat CDI.

Article L1242-12

Le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

On rappellera le cas d’un contrat CDD qui comportait plusieurs motifs, et requalifié en CDI par la Cour de cassation dans un arrêt récent de janvier 2008.

Extrait de l’arrêt :

qu'en l'espèce, il était constant qu'un acte du 25 février 2002 stipulait que Mme X... était engagée en qualité de comptable à compter du 26 février 2002 afin de remplacer, pendant six mois, une salariée en congé maternité puis, durant six autres mois, afin d'occuper les fonctions de chef comptable pour faire face à un surcroît temporaire d'activité (…)

Mais attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles L.122-1, L. 122-3-1 et L.122-3-11 du code du travail que le contrat à durée déterminée ne peut comporter qu'un seul motif ; que, la cour d'appel qui a retenu que le contrat à durée déterminée signé par Mme X... ne pouvait être conclu pour deux motifs distincts, a statué à bon droit ;

Arrêt de la Cour de Cassation du 23/01/2008, pourvoi 06-41536