Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 23 avril 2001 en qualité de responsable de gamme.
En arrêt de maladie à compter du 8 octobre 2008, il est destinataire le 10 février 2009 d'une demande de restitution immédiate de son véhicule de fonction.
La restitution a lieu le 27 février 2009.
Mais le salarié saisit la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, estimant que la demande de restitution du véhicule de fonction, dont il avait un usage personnel, constituait en fait une modification unilatérale de son contrat de travail.
Dans un premier temps, la cour d’appel déboute le salarié de sa demande.
Les juges relèvent en effet le fait que le contrat de travail prévoyait la possibilité d’une restitution anticipée de la voiture de fonction.
D’autre part, après la restitution, l’entreprise (outre les remerciements qu’elle adressait au salarié de ses diligences) lui précisait que le contrat de leasing du véhicule étant arrivé à son terme, il n'avait pas été affecté à un nouveau collaborateur, mais qu'en tout état de cause, un nouveau véhicule serait à sa disposition dès sa reprise de travail, qu'enfin, la rémunération de l'avantage en nature a été maintenue.
La restitution ne constituait en l’occurrence pas une modification du contrat de travail.
Extrait de l’arrêt :
Aux motifs propres que « Le contrat de travail prévoyait ainsi que le reconnaît le salarié, la possibilité d'une restitution anticipée de la voiture de fonction dont il disposait et qu'il avait également la possibilité d'utiliser à titre privé moyennant le paiement d'une redevance, notamment « en cas d'arrêt de travail prolongé nécessitant le remplacement du salarié, la société pouvant être amenée à confier le véhicule au salarié remplaçant ».
Monsieur X... a été destinataire d'un courrier recommandé du 10 février 2009 sollicitant la remise quasi immédiate (le 13 février suivant) du véhicule alors qu'il était en arrêt de maladie depuis plus de quatre mois. La restitution devait être opérée à la gare de Rennes, proche du domicile du salarié qui habite à La Bosse de Bretagne.
Après transaction la remise a été effectuée le 27 février, et par courrier du 16 mars 2009, la directrice des ressources humaines le remerciait de ses diligences, lui précisait que le contrat de leasing du véhicule étant arrivé à son terme, il n'avait pas été affecté à un nouveau collaborateur, mais qu'en tout état de cause, un nouveau véhicule serait à sa disposition dès sa reprise de travail, qu'enfin, la rémunération de l'avantage en nature a été maintenue.
Force est de constater que l'employeur a fait usage des dispositions contractuelles, que cette demande de remise du véhicule ne constitue pas une modification du contrat de travail pouvant justifier la résiliation aux torts de l'employeur » ;
Les juges de la Cour de cassation ne partagent pas le même avis.
Ils soulignent le fait que le contrat de travail prévoyait « la restitution du véhicule en cas d’arrêt de travail prolongé nécessitant le remplacement du salarié, la société pouvant être amenée à confier le véhicule au salarié remplaçant ».
En l’occurrence, l’absence de nécessité d’affecter le véhicule à un remplaçant, l’employeur ne pouvait pas en demander la restitution, et cette dernière constituait bien une modification unilatérale du contrat de travail.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour dire que la demande de restitution du véhicule ne constituait pas une modification du contrat de travail, l'arrêt retient que l'employeur a précisé au salarié que le véhicule, dont le contrat de leasing était arrivé à son terme, n'avait pas été affecté à un nouveau collaborateur ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le contrat de travail prévoyait la restitution du véhicule en cas d'arrêt de travail prolongé nécessitant le remplacement du salarié, la société pouvant être amenée à confier le véhicule au salarié remplaçant, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Commentaire de LégiSocial
Encore une fois, le présent arrêt invite les entreprises à utiliser la clause de mise à disposition d’un véhicule de fonction avec beaucoup de précautions.
Rappelons quelques notions importantes concernant cette clause particulière du contrat de travail.
Principe et objectif
Ce droit particulier peut être prévu par une clause du contrat de travail, peut être par une disposition de la Convention collective.
Le salarié utilise donc un véhicule de l’entreprise pour réaliser son travail et éventuellement pour un usage personnel (ce qui constituera en l’espèce un avantage en nature considéré comme un élément accessoire de la rémunération).
Conditions de validité ?
Cette clause particulière du contrat de travail est à l’origine de nombreuses affaires jugées par le Conseil de prud’hommes.
Il convient donc d’agir avec prudence et de tenter d’anticiper au mieux les différents cas de figure envisageable.
Clause présente sur le contrat de travail
Cette clause doit obligatoirement être inscrite sur le contrat de travail ou faire l’objet d’un avenant.
Prise en charge des frais d’entretien et d’assurance
Surtout si le véhicule est utilisé à des fins privées, il est nécessaire de préciser si c’est l’employeur qui prend en charge les frais d’entretien (en les détaillant : vidange, changement des pneus, etc.).
Cette précision sera plus que nécessaire pour déterminer la valeur de l’avantage en nature correspondant.
Éviter une sanction pécuniaire prohibée
Une clause permettant de supprimer la mise à disposition d’un véhicule utilisé pour un usage personnel à titre de sanction ne pourra pas être réalisée, cela équivaut à une sanction pécuniaire jugée illicite par le Code du travail.
Article L1331-2
Les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites.
Toute disposition ou stipulation contraire est réputée non écrite.
Prévoir la mise à disposition du véhicule en cas de suspension du contrat de travail
Sauf indication contraire sur le contrat de travail, tout salarié bénéficiant d’un avantage en nature véhicule continue à en bénéficier pendant la suspension de son contrat de travail.
Il peut donc être utile d’insérer une clause de « restitution » éventuelle si le salarié se trouve en suspension de contrat (par exemple : le véhicule sera restitué à l’employeur en cas de suspension du contrat pour une période supérieur à ....)
En cas de rupture du contrat de travail
Il est évident que le salarié doit restituer le véhicule au terme de la période de préavis éventuel.
Si l’employeur souhaite récupérer le véhicule avant le terme du préavis, et que la voiture était utilisée à titre personnel, il doit être versé au salarié une indemnité compensatrice, l’avantage en nature étant un élément de rémunération.
Cour de cassation du 4/03/1998 n° 95-42858