Il n’est pas obligatoirement interdit de diminuer une prime lorsque le salarié fait grève

Jurisprudence
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Contexte de l'affaire

Un salarié saisit la juridiction prud’homale estimant que les agissements de son employeur ne sont pas autorisés.

Le salarié se voit en effet privé du versement de 2 jours d'intéressement et d'un quantième du 13ème mois en raison d'absences pour fait de grève. 

Dans un premier temps, le conseil de prud’hommes donne raison au salarié et condamne l’employeur à verser les sommes litigieuses faisant référence à l’article L 2511-1 du code du travail.

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour condamner la société à payer au salarié les sommes litigieuses, le jugement énonce que l'article L. 2511-1 du code du travail prévoit que l'exercice du droit de grève ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire telle que celle mentionnée à l'article L. 1132-2 du même code notamment en matière de rémunération et d'avantages sociaux ;

Mais ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui casse et annule le jugement. 

Les juges rappellent en effet que l’employeur peut tenir compte des absences, y compris celles motivées par la grève, pour éventuellement diminuer le montant d’une prime.

Bien entendu, doivent être prises en compte toutes les absences (à l’exception de celles qui sont assimilées à du temps de travail effectif).

Dans l’affaire présente, l’entreprise prenait en considération toutes les absences, sauf celles consécutives à un accident du travail, la prise en compte des heures de grève était licite en l’espèce. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu cependant que l'employeur peut tenir compte des absences, même motivées par la grève, pour le paiement d'une prime, dès lors que toutes les absences, hormis celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur son attribution ;

Qu'en statuant comme il l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations qu'à l'exclusion des absences pour accident de travail, légalement assimilées à un temps de travail effectif, toutes les autres absences prévues par l'accord d'entreprise conclu le 2 juin 1982, donnaient lieu à réduction ou suppression de congés supplémentaires, ce dont il résultait que la retenue opérée par l'employeur pour absence pour fait de grève ne revêtait aucun caractère discriminatoire, le conseil de prud'hommes a violé par fausse application le texte susvisé ;

Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile, la Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 24 février 2012, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Charleville-Mézières ;

Cour de cassation du , pourvoi n°12-18125

Commentaire de LégiSocial

Profitons de la présente affaire pour rappeler quelques notions importantes concernant la grève.

Un droit fondamental

Le droit de grève est un droit fondamental et incontestable ; il est inscrit dans la Constitution, ainsi qu’à l’article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne. 

La définition de la grève

Un arrêt de travail est  qualifié de grève si 3 éléments sont cumulativement réunis:

  1. Il y a cessation du travail ;
  2. La grève est le résultat d’une concertation des salariés ;
  3. Elle contient des revendications professionnelles qui peuvent être:
  • À caractère salarial;
  • Relatives aux conditions de travail;
  • Relatives à l’exercice du droit syndical;
  • Portant sur la défense de l’emploi.  

Ainsi, la grève sera considérée comme un cas de suspension du contrat de travail. 

Grève « illicite »

Est considérée grève « illicite » toute grève qui : 

  • Elle est le fait d’un seul individu (à une exception près depuis l’arrêt du 13 décembre 1996 de la Cour de Cassation où un individu qui est le seul employé d’une entreprise s’est vu reconnaître le droit de grève !) ; 

Extrait de l’arrêt :

Attendu cependant que, si la grève est la cessation collective et concertée du travail par des salariés en vue d'appuyer des revendications professionnelles et ne peut, en principe, être le fait d'un salarié agissant isolément, dans les entreprises ne comportant qu'un salarié, celui-ci, qui est le seul à même de présenter et de défendre ses revendications professionnelles, peut exercer ce droit constitutionnellement reconnu ; 

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 13 novembre 1996 N° de pourvoi: 93-42247 

  • Elle est politique, signalons de rares situations pour lesquelles la grève a été reconnue licite : Cour de cassation du 29/05/1979 pourvoi 78-40553 et 15/02/2006 pourvoi 04-45738, dans le cadre d’un mouvement national de mobilisation ;
  • Elle vise à paralyser l’activité de l’entreprise, ce sont alors des grèves qualifiées de « grèves tournantes ou perlées etc.

Quelques règles à observer en matière de gestion de la paie

  • L’absence doit être décomptée selon la méthode des heures réelles du mois ;

 Cour de cassation du 16/06/1999, pourvoi 98-43696 et Cour de cassation du 19/05/1998 pourvoi 97-41900) 

  • Il est interdit a contrario d’indiquer « absence pour grève » sur le bulletin de paie ;
  • Seul le temps réel de l’arrêt de travail doit être pris en compte, et non la mise en route de la grève ;
  • La grève n’est pas assimilable à du travail effectif pour l’acquisition des congés payés ;
  • Le fait de faire grève le 1er mai n’empêche pas l’employeur d’effectuer la retenue sur salaire correspondante éventuelle ;

Extrait de l’arrêt :

Attendu, cependant, que l'exercice du droit de grève suspend l'exécution du contrat de travail pendant toute la durée de l'arrêt de travail en sorte que l'employeur est délivré de l'obligation de payer le salaire ; que le salarié qui s'est associé au mouvement de grève doit être légalement considéré, sauf preuve contraire de sa part, comme gréviste pour toute la durée du mouvement ; qu'il ne peut donc prétendre, fût-ce pour le 1er mai, au paiement de sa rémunération pendant cette période, peu important que certains jours il n'ait eu normalement aucun service à assurer ; que, dès lors, en statuant comme il l'a fait, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs :
DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. X... ; 

Cour de Cassation Chambre sociale du 5 février 2002 pourvoi 99-43898