Contexte de l'affaire
Un salarié signe avec son employeur un avenant à son contrat de travail fixant, pour l'année 2008, un salaire annuel théorique de référence et un salaire variable selon des objectifs contractuellement fixés.
Le 23 décembre 2008, le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail, au motif que la part variable de sa rémunération avait été supprimée après son refus de signer une lettre d'objectifs pour le second semestre 2008.
Le salarié saisit la juridiction prud'homale estimant que les documents fixant les objectifs permettant de déterminer la valeur de la rémunération variable ne lui sont pas opposables car rédigés en anglais.
Dans un premier temps, la cour d’appel déboute le salarié de sa demande, relevant qu’effectivement les documents étaient rédigés en anglais mais que le salarié travaillait dans les deux langues, et qu’il avait précédemment accepté la lettre d’objectifs elle-même établie en anglais.
Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel renvoyant les deux parties devant une nouvelle cour d’appel.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que, pour décider que la prise d'acte de rupture s'analyse en une démission, l'arrêt énonce notamment que les arguments tirés de ce que la lettre d'objectifs seraient inopposables car rédigés en anglais ne sauraient être retenus, M. X... ayant accepté la lettre d'objectifs précédente rédigée dans la même langue et les documents de travail produits au dossier démontrant que le salarié travaillait dans les deux langues ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les documents fixant les objectifs nécessaires à la détermination de la rémunération variable contractuelle étaient rédigés en anglais, en sorte que le salarié pouvait se prévaloir devant elle de leur inopposabilité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 août 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
Le présent arrêt de la Cour de cassation permet de rappeler des notions importantes concernant la rédaction du contrat de travail.
Contrat en français ou en étranger ?
Lorsqu'il est conclu en France, le contrat doit être rédigé en français. Il peut toutefois comporter des termes étrangers, sans correspondance en français, s'ils sont clairement expliqués.
Le salarié étranger peut demander la traduction de son contrat dans sa langue d'origine.
Article L1221-3
Le contrat de travail établi par écrit est rédigé en français.
Lorsque l'emploi qui fait l'objet du contrat ne peut être désigné que par un terme étranger sans correspondant en français, le contrat de travail comporte une explication en français du terme étranger.
Lorsque le salarié est étranger et le contrat constaté par écrit, une traduction du contrat est rédigée, à la demande du salarié, dans la langue de ce dernier. Les deux textes font également foi en justice. En cas de discordance entre les deux textes, seul le texte rédigé dans la langue du salarié étranger peut être invoqué contre ce dernier.
L'employeur ne peut se prévaloir à l'encontre du salarié auquel elles feraient grief des clauses d'un contrat de travail conclu en méconnaissance du présent article.
Règlement intérieur et autres documents
La Cour de cassation dans le présent arrêt se réfère également à l’article L 1321-6 di code du travail, précisant qu’outre le contrat de travail, doivent également être rédigé en français :
- Le règlement intérieur ;
- Tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail.
Article L1321-6
Le règlement intérieur est rédigé en français. Il peut être accompagné de traductions en une ou plusieurs langues étrangères.
Il en va de même pour tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail.
Ces dispositions ne sont pas applicables aux documents reçus de l'étranger ou destinés à des étrangers.
Les conséquences en cas de non-respect
L’affaire présente permet de conclure que le non-respect des dispositions précités a permis au salarié de prendre acte de la rupture du contrat de travail, et que celle-ci produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.