Vie personnelle du salarié et licenciement : la Cour de cassation rappelle les limites

Jurisprudence
Vie privée

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Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé le 2 avril 1991 en qualité de VRP au sein d’une concession d’engins agricoles, occupe en dernier lieu les fonctions de manager commercial et responsable occasion.

Il est licencié pour faute grave le 1er février 2010, au motif qu’il avait, hors du cadre professionnel, réalisé une opération d’achat-revente d’un tracteur dont la marque se trouvait également être commercialisée par son actuel employeur.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, le salarié saisit la juridiction prud'homale. 

La cour d’appel puis la Cour de cassation donnent raison au salarié, rappelant :

  • Qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire ;
  • Sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.

Dans le cas présent, l'unique opération d'achat-revente d'un tracteur de la marque commercialisée par son employeur reprochée au salarié avait été réalisée dans le cadre de sa vie personnelle, sans utilisation de la dénomination sociale de l'entreprise et n'avait eu aucune répercussion sur celle-ci.

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ;
Et attendu qu'ayant relevé que l'unique opération d'achat-revente d'un tracteur de la marque commercialisée par son employeur reprochée au salarié avait été réalisée dans le cadre de sa vie personnelle, sans utilisation de la dénomination sociale de l'entreprise et n'avait eu aucune répercussion sur celle-ci, la cour d'appel a retenu que le salarié n'avait manqué à aucune de ses obligations contractuelles ; qu'elle a pu en déduire que la faute grave n'était pas caractérisée et, exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, a décidé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ; que le moyen, qui critique un motif surabondant en ses troisième et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du , pourvoi n°13-10249

Commentaire de LégiSocial

Lorsqu’un licenciement est motivé par un fait qui se produit durant la vie privée du personnel, 2 conditions doivent être cumulativement respectées, à savoir : 

  1. L’événement est tiré de la vie privée ;
  2.  ET il est  responsable d’un trouble au sein de l’entreprise.

Il convient dans cette situation particulière d’agir avec prudence comme le rappelle le présent arrêt mais aussi de précédentes affaires :

Licenciement pour un fait tiré de la vie personnelle du salarié : méfiance !

Vous pouvez retrouver cet arrêt en détails en cliquant ici.

Un salarié est engagé le 16/06/2004, en qualité de directeur général adjoint par une grande société de radio relevant du secteur audiovisuel public.

Il  publie un livre et une polémique nait des propos que le salarié aurait tenus lors de la promotion de son ouvrage.

S’estimant calomnié par un grand quotidien d’informations, le salarié adresse un courrier sous forme de « droit de réponse », transmise à ses collègues de radio aux moyens de courriels adressés depuis son ordinateur professionnel.

Les mails ajoutés aux articles de presse créent un certain remous au sein de l’entreprise, motivant selon l’entreprise son licenciement pour faute grave, ce que le salarié conteste devant le Conseil de prud’hommes. 

La Cour de cassation donne raison au salarié, estimant que le trouble au sein de l’entreprise n’était pas réellement prouvé.

Cour de cassation du 9/03/2011, pourvoi 09-42150

Les faits relèvent de la vie personnelle mais sans rapport avec la vie professionnelle ≠ licenciement disciplinaire

Lorsque les faits reprochés se sont produits dans la sphère personnelle mais ne se rattache pas à la vie professionnelle, l’employeur ne peut mettre en œuvre qu’un licenciement « non disciplinaire ».

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour statuer comme elle a fait, la cour d'appel a retenu qu'il est patent que le document litigieux, particulièrement obscène, avait provoqué un trouble dans l'entreprise, porté atteinte à son image de marque et eu immanquablement un retentissement certain sur la personne même de son directeur dont M. X... était le chauffeur et donc un proche collaborateur ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, qu'un trouble objectif dans le fonctionnement de l'entreprise ne permet pas en lui-même de prononcer une sanction disciplinaire à l'encontre de celui par lequel il est survenu, d'autre part, que la réception par le salarié d'une revue qu'il s'est fait adresser sur le lieu de son travail ne constitue pas un manquement aux obligations résultant de son contrat, et enfin, que l'employeur ne pouvait, sans méconnaître le respect dû à la vie privée du salarié, se fonder sur le contenu d'une correspondance privée pour sanctionner son destinataire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 décembre 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour faire droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims ; 

Cour de cassation chambre mixte Audience publique du vendredi 18 mai 2007 N° de pourvoi: 05-40803