Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée le 2 novembre 1992 en qualité de gestionnaire de rayon-vendeuse.
En arrêt de travail à compter du 3 septembre 2009, elle est déclarée inapte à son poste de travail par le médecin du travail, à l'issue d'un second examen du 6 mai 2010.
Elle est licenciée le 16 août 2010, mais saisit la juridiction prud'homale afin d’obtenir le paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés au titre de l’indemnité compensatrice de préavis.
Dans un premier temps, la cour d’appel donne raison à la salariée.
Les juges considèrent que la salariée doit obtenir le paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés de 345,20€ au titre de l’indemnité compensatrice de préavis chiffrée de son côté à 3.452,70 €.
Mais la Cour de cassation n’est pas du tout du même avis, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, précisant même que le présent arrêt ne donne lieu à aucun renvoi devant une nouvelle cour d’appel.
Les juges rappellent en effet qu’en cas de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement :
- Le salarié obtient le paiement d’une indemnité dont la valeur est identique à la valeur légale de l’indemnité compensatrice de préavis ;
- Mais que cette indemnité n’a pas valeur d’indemnité compensatrice de préavis ;
- Et n’ouvre dont pas droit à ICCP.
Extrait de l’arrêt :
Attendu qu'après avoir relevé que l'inaptitude était d'origine professionnelle et condamné l'employeur au paiement de sommes à titre de dommages-intérêts et d'indemnité compensatrice de préavis en application de l'article L. 1226-14 du code du travail, l'arrêt condamne l'employeur à payer à la salariée une somme à titre de congés payés afférents à cette indemnité ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnité prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, au paiement de laquelle l'employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, et dont le montant est égal à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-5 du code du travail, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu que conformément à l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile, la Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Y…à payer à Mme X... la somme de 345,20 euros à titre d'indemnité de congés payés ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;
Commentaire de LégiSocial
Dans le cadre d’un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, il convient de bien respecter les dispositions légales suivantes, qui différent selon la nature de l’inaptitude, vis-à-vis du préavis.
Une règle commune
Compte tenu de l’inaptitude du salarié et de l’impossibilité de reclassement (ou de refus) aucun préavis n’est à effectuer par le salarié, que cette inaptitude soit d’origine professionnelle ou non.
Inaptitude résultant d’une maladie professionnelle ou consécutive à un accident du travail
Versement d’une indemnité compensatrice
Dans cette situation particulière, le salarié ouvre droit au paiement d’une indemnité compensatrice dont la valeur est identique à l’indemnité compensatrice légalement prévue.
Article L1226-14
La rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.
Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.
Les dispositions du présent article ne se cumulent pas avec les avantages de même nature prévus par des dispositions conventionnelles ou contractuelles en vigueur au 7 janvier 1981 et destinés à compenser le préjudice résultant de la perte de l'emploi consécutive à l'accident du travail ou à la maladie professionnelle.
Article L1226-16
Les indemnités prévues aux articles L. 1226-14 et L. 1226-15 sont calculées sur la base du salaire moyen qui aurait été perçu par l'intéressé au cours des trois derniers mois s'il avait continué à travailler au poste qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail provoquée par l'accident du travail ou la maladie professionnelle.
Pour le calcul de ces indemnités, la notion de salaire est définie par le taux personnel, les primes, les avantages de toute nature, les indemnités et les gratifications qui composent le revenu.
Indemnité ≠ indemnité compensatrice de préavis
Comme le confirme le présent arrêt, cette indemnité n’a pas la nature d’une indemnité compensatrice de préavis.
Un autre arrêt l’avait précédemment indiqué.
Cour de cassation du 15/06/1999 arrêt 97-15328
Indemnité ≠ ouverture droit à ICCP
Toujours dans la droite ligne du présent arrêt, le montant de cette indemnité ne doit pas être pris en compte dans le calcul de l’indemnité compensatrice de congés payés.
Cas particuliers :
Les seuls cas pour lesquels le salarié pourrait bénéficier d’une indemnité compensatrice de préavis (et pas d’une indemnité dont le montant est égal au montant de l’indemnité légale de préavis) sont :
- L’employeur n’a pas satisfait à son obligation de reclassement ;
- L’employeur n’a pas repris le paiement du salaire alors que le délai d’un mois est écoulé.
Inaptitude résultant d’une maladie ou d’un accident non-professionnel
Les nouvelles conditions sont applicables depuis le 24/03/2012.
LOI no 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, JO 23 mars 2012
Ainsi, lorsqu’un salarié fait l’objet d’un licenciement pour une inaptitude qui n’a pas d’origine professionnelle, le Code du travail indique que :
- Le préavis n’est pas exécuté ;
- Le contrat de travail est donc rompu à la notification du licenciement ;
- Le préavis est néanmoins pris en compte pour le calcul de l’indemnité ;
- Aucune indemnité compensatrice de préavis n’est versée.
Article L1226-4
Modifié par LOI n°2012-387 du 22 mars 2012 - art. 47
Lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.
Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail.
En cas de licenciement, le préavis n'est pas exécuté et le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement. Le préavis est néanmoins pris en compte pour le calcul de l'indemnité mentionnée à l'article L. 1234-9. Par dérogation à l'article L. 1234-5, l'inexécution du préavis ne donne pas lieu au versement d'une indemnité compensatrice.