Contexte de l'affaire
C’est une affaire peu ordinaire que nous abordons présentement, qui concerne un salarié engagé le 20 janvier 2003 en qualité de vérificateur, et dans laquelle les faits doivent être présentés de façon chronologique comme suit :
- Le salarié est convoqué le 2 mars 2007 à un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement ;
- Par lettre du 4 avril 2007, l'employeur lui notifie sa décision de le muter à titre disciplinaire dans une autre agence ;
- Le salarié refuse cette mutation ;
- Le 14 avril 2007, l'employeur est informé par le syndicat auquel était affilié le salarié, de la candidature de ce dernier aux élections des délégués du personnel dont le premier tour était fixé au 29 mai 2007 ;
- Suite au refus de mutation, l’employeur convoque à nouveau le salarié à un entretien préalable par lettre du 18 avril 2007 ;
- Finalement, le salarié est licencié pour faute grave par lettre du 14 mai 2007.
Estimant son licenciement nul, du fait qu’aucune autorisation préalable n’a été demandée à l’inspection du travail, le salarié saisit la juridiction prud’homale.
De son côté, l’employeur considère que le licenciement ne constituait qu’une « substitution » de sanction (mutation refusée par le salarié) qui avait été prononcée avant que le salarié ne se porte candidat et accède au statut de protection obligeant le respect d’une procédure particulière quand un licenciement est envisagé.
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel dans cette affaire, donnant raison au salarié.
Les juges soulignent le fait que l'employeur était informé de la qualité de salarié protégé du salarié, lors de l’envoi du 14/04/2007 (2ème convocation entretien préalable), il devait donc recueillir l’autorisation de l’inspection du travail pour prononcer le licenciement le 14/05/2007, le licenciement est nul en l’espèce.
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu d'abord que la cour d'appel, qui a constaté qu'au jour de l'envoi de la seconde convocation du salarié à un entretien préalable au licenciement, l'employeur était informé de la qualité de salarié protégé de l'intéressé, a décidé à bon droit qu'en l'absence d'autorisation de l'administration du travail, le licenciement était nul
Commentaire de LégiSocial
Nous vous proposons de vous rappeler quelques notions importantes concernant le licenciement nul.
Les cas de nullité
Il existe de nombreux cas pour lesquels le juge peut prononcer la nullité du licenciement :
- Licenciement pour victimes de harcèlement, de discrimination ou personnes ayant relaté ou témoigné de tels agissements (articles L 1132-1 à L 1132-4, L 1152-2 et L 1152-3, L 1153-2 à L 1153-4 du Code du travail) ;
- Violation du principe d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (article L 1144-3 du Code du travail) ;
- Licenciement prononcé en méconnaissance du droit de grève (articles L 1132-2 et L 1132-4 du Code du travail) ;
- Licenciement prononcé pendant un arrêt de travail consécutif à un accident du travail ou maladie professionnelle (sauf faute grave sans rapport avec l’arrêt de travail) (articles L 1226-13, L 1226-9 et L 1226-18 du Code du travail) ;
- Licenciement prononcé en méconnaissance de la protection des représentants du personnel, représentants syndicaux (articles L 1132-1 à L 1132-4 du Code du travail) ;
- Licenciement prononcé en méconnaissance de la protection des femmes enceintes (articles L 1225-4 et L 1225-5 du Code du travail) ;
- Licenciement prononcé pour des opinions religieuses, syndicales, situation de famille (articles L 1132-1 à L 1132-4, du Code du travail).
Première conséquence : la réintégration
Droit à la réintégration
A la différence du licenciement sans cause réelle et sérieuse, le droit à la réintégration du salarié dans l’entreprise est ouvert sans condition d’ancienneté ou d’effectif de l’entreprise.
Cette réintégration s’impose à l’employeur.
Salaires dus en cas de réintégration
Lorsque le salarié est réintégré dans l’entreprise, il doit percevoir l’intégralité des salaires « perdus » entre son licenciement et sa réintégration dans l’entreprise.
Cour de cassation du 25/01/2006 pourvoi 03-47517
Deuxième conséquence : paiement indemnités en l’absence de réintégration
Lorsque le salarié ne demande pas sa réintégration, ou si celle-ci n’est pas matériellement possible, doivent alors être versées les indemnités qui suivent.
Indemnité égale à 6 mois de salaire
Au regard de l’article L 1134-4 du code du travail, le salarié doit percevoir des dommages et intérêts visant à réparer le préjudice subi.
Le montant des sommes à verser est souverainement apprécié par les juges, sans toutefois que sa valeur ne soit inférieure aux salaires des 6 derniers mois.
Article L1134-4
Modifié par LOI n°2008-126 du 13 février 2008 - art. 16
Est nul et de nul effet le licenciement d'un salarié faisant suite à une action en justice engagée par ce salarié ou en sa faveur, sur le fondement des dispositions du chapitre II, lorsqu'il est établi que le licenciement n'a pas de cause réelle et sérieuse et constitue en réalité une mesure prise par l'employeur en raison de cette action en justice. Dans ce cas, la réintégration est de droit et le salarié est regardé comme n'ayant jamais cessé d'occuper son emploi.
Lorsque le salarié refuse de poursuivre l'exécution du contrat de travail, le conseil de prud'hommes lui alloue :
1° Une indemnité ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois ;
2° Une indemnité correspondant à l'indemnité de licenciement prévue par l'article L.1234-9 ou par la convention ou l'accord collectif applicable ou le contrat de travail.
L'article L.1235-4, relatif au remboursement à l'institution mentionnée à l'article L.5312-1, pour le compte de l'organisme mentionné à l'article L.5427-1, des indemnités de chômage payées au salarié en cas de licenciement fautif, est également applicable.
Cette somme est due, quelle que soit l’ancienneté du salarié et effectif de l’entreprise.
Cour de cassation du 14/04/2010, pourvoi 09-40486
Indemnité due dans le cas d’une absence ou nullité d’un PSE
La valeur minimale de l’indemnité due est alors portée à :
- 12 mois de salaires si le salarié a au moins 2 ans d’ancienneté ;
- Ou à la réparation du préjudice subi si l’ancienneté du salarié est inférieure à 2 ans.
Article L1235-11
Modifié par LOI n° 2013-504 du 14 juin 2013 - art. 18 (V)
Lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions des deux premiers alinéas de l'article L. 1235-10, il peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.
Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois
Article L1235-14
Ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré par un employeur employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives à la sanction :
1° De la nullité du licenciement, prévues à l'article L. 1235-11 ;
2° Du non-respect de la procédure de consultation des représentants du personnel et d'information de l'autorité administrative, prévues à l'article L. 1235-12 ;
3° Du non-respect de la priorité de réembauche, prévues à l'article L. 1235-13.
Le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.
Indemnité due pour un salarié protégé
Dans ce cas, l’indemnité correspond à l’intégralité de la rémunération que le salarié aurait perçue entre le licenciement et la fin de la période de protection.
Troisième conséquence : paiement de l’indemnité compensatrice de préavis
Lorsque le juge prononce la nullité du licenciement, celle-ci entraîne le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis.
Cas particulier
La Cour de cassation en prononçant la nullité d’une mise à la retraite, confirme que celle-ci n’ouvre pas droit au versement d’une indemnité compensatrice lorsque la rupture du contrat a été précédée d’un délai de préavis au moins égale à celle du préavis de licenciement.
Cour de cassation du 30/06/2010 pourvoi 09-41349
Quatrième conséquence : paiement de l’indemnité de licenciement
Même si cela semble évident, le salarié doit percevoir l’indemnité de licenciement légale ou conventionnelle (en retenant la valeur la plus favorable des deux).
Cinquième et dernière conséquence : remboursement des allocations chômage
Lorsque le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, l’employeur peut être alors condamné à rembourser les allocations chômage dans la limite de 6 mois.
Cette possibilité n’est pas ouverte dans le cas d’un licenciement nul, sauf pour 2 cas particuliers prévus par le Code du travail :
- Licenciement d’un salarié suite à une action en justice engagée sur le fondement du principe de non-discrimination ;
- Licenciement d’un salarié suite à une action en justice engagée sur le fondement du principe des dispositions relatives à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Remarque concernant l’affaire présente
Dans l’affaire présente, la cour d’appel avait condamné l’entreprise au remboursement des indemnités chômage, dans la limite de 6 mois.
Cet arrêt est cassé et annulé par la Cour de cassation qui rappelle qu’en cas de licenciement nul, le remboursement des indemnités chômage ne pouvait être ordonné.
Extrait de l’arrêt :
Attendu qu'après avoir prononcé la nullité du licenciement, la cour d'appel a condamné la société au remboursement des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le remboursement des indemnités de chômage ne pouvait être ordonné en cas de nullité du licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne le remboursement par la société D… des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois, l'arrêt rendu le 1er février 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Caen