Un dispositif de modulation sans programme indicatif n’est pas valable

Jurisprudence
Aménagement temps travail

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Contexte de l'affaire

Une société met en œuvre un dispositif de modulation du temps de travail en application d'un accord d'entreprise du 22 mars 2000 relatif à l'aménagement et la réduction du temps de travail.

Un salarié est engagé en qualité d'automaticien régleur et membre titulaire du comité d'entreprise.

Il saisit la juridiction prud'homale pour obtenir paiement d'un rappel de salaires à titre d'heures supplémentaires en faisant valoir que l'obligation de mise en place d'un programme indicatif de la modulation prévu par l'accord d'entreprise n'avait pas été respectée.

Plus précisément, le salarié indique que, contrairement à ce qui était prévu de façon conventionnelle, aucun programme indicatif n’était communiqué au 1er avril sur les 12 mois suivants. 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu qu'il résulte des articles 2 de l'accord d'entreprise du 22 mars 2000 sur l'aménagement et la réduction du temps de travail et 4.2.3. de l'accord de branche du 19 septembre 2000 relatif à la réduction du temps de travail et à l'organisation du travail que pour le personnel sédentaire de production soumis à une modulation de la durée hebdomadaire de travail en fonction des variations de l'activité de l'entreprise, l'employeur doit établir chaque année avant le 1er avril pour l'année suivante la programmation indicative sur douze mois du volume de production et de la charge de travail qui lui correspond mentionnant les périodes de l'année où le dispositif de modulation hebdomadaire est mobilisé, cette programmation étant communiquée aux salariés, après consultation des représentants du personnel au moins sept jours avant le début de la période sur laquelle est calculé l'horaire ;

La cour d’appel puis la Cour de cassation donnent raison au salarié.

Sans communication d’un programme indicatif, l’accord de modulation était privé d’effet permettant aux salariés de prétendre au paiement d’heures supplémentaires décomptées sur la base de 35h hebdomadaires.

Extrait de l’arrêt :

Et attendu qu'ayant relevé que contrairement à cette prévision aucun programme indicatif de la répartition de la durée du travail n'avait été établi et soumis aux institutions représentatives du personnel, pas plus que communiqué aux salariés de l'entreprise au cours de la période considérée, la cour d'appel en a exactement déduit que l'accord de modulation était privé d'effet et que le salarié pouvait prétendre au paiement d'heures supplémentaires décomptées sur la base de 35 heures hebdomadaires ; 
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ; 
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Commentaire de LégiSocial

Profitons de la présente affaire pour rappeler quelques notions importantes concernant le dispositif de modulation.

Un dispositif abrogé mais qui peut encore être en vigueur

Depuis la loi LDSTT (loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, JO du 21 août 2008), les entreprises ne peuvent conclure d’accord collectif permettant la mise en place d’un dispositif de modulation.

En lieu et place de ce dispositif, existe désormais ce que l’on dénomme « l’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année ». 

Néanmoins, les entreprises peuvent continuer à appliquer les anciens dispositifs, tant que l’accord collectif ou la convention n’a pas été dénoncée.

Principes majeurs de la modulation

Le premier principe de la modulation est que le temps de travail peut varier sur tout ou partie de l’année, alternant ainsi des périodes « basses » (inférieures à 35h/semaine) avec des périodes « hautes » (supérieures à 35h/semaine) sous réserve toutefois que la durée annuelle n’excède pas le plafond de 1.607 heures. 

Les périodes « basses » et « hautes » définissent ainsi ce qu’il est d’usage d’appeler le « tunnel ».

Article L3122-9

Abrogé par LOI n°2008-789 du 20 août 2008 - art. 20 (V)

Une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, cette durée n'excède pas un plafond de 1 607 heures.

La convention ou l'accord peut fixer un plafond inférieur.

La convention ou l'accord précise les données économiques et sociales justifiant le recours à la modulation.

La convention ou l'accord doit respecter les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail définies au chapitre Ier.

NOTA : Loi n° 2008-789 du 20 août 2008 JORF du 21 août 2008 art. 20 V : Les accords conclus en application des articles L. 3122-3, L. 3122-9, L. 3122-19 et L. 3123-25 du code du travail ou des articles L. 713-8 et L. 713-14 du code rural dans leur rédaction antérieure à la publication de la présente loi restent en vigueur.

Mise en place

La modulation ne peut résulter que :

  • D’une convention ou accord collectif étendu ;
  • Accord d’entreprise ou établissement. 

Décompte des heures supplémentaires

Plusieurs situations sont envisageables.

Dépassement de la seule limite supérieure hebdomadaire :

Exemple :

  • En N, une entreprise choisit de moduler son temps de travail dans la limite de 42 heures ;
  • Au cours d’une semaine, les salariés effectuent 44 heures, 2 heures supplémentaires seront rémunérées sur le salaire du mois.

Dépassement de la seule limite du plafond annuel 

Exemple : 

  • En N, une entreprise choisit de moduler son temps de travail dans la limite de 42 heures et de 1.607 heures annuelles ;
  • Cette entreprise maintient le régime de haute activité pendant 7 mois (au lieu de 6 comme initialement prévu) ;
  • Au cours du bilan de modulation, les salariés ont effectué une durée annuelle de 1.617 heures ;
  • 10 heures supplémentaires devront être rémunérées lors du bilan de modulation. 

Dépassement des deux plafonds :

Exemple : 

  • Une entreprise applique un accord collectif permettant la modulation du temps de travail ;
  • L’entreprise fixe des périodes basse de 32h et des périodes de forte activité de 42 heures ;
  • En cours d’année, les salariées travaillent durant 2 semaines à raison de 44 heures ;
  • Au bilan de modulation, le décompte du temps de travail donne un résultat de 1.617 heures. 

Paiement des heures supplémentaires : 

  • 4 heures supplémentaires donneront lieu, en cours d’année, à paiement sur le mois concerné (2 semaines à 44 heures) ;
  • Sur les 10 heures constatées lors du bilan de modulation, 4 heures seront à décompter, 6 heures supplémentaires resteront dues.
Cour de cassation du , pourvoi n°13-14216

Profitons de la présente affaire pour rappeler quelques notions importantes concernant le dispositif de modulation.

Un dispositif abrogé mais qui peut encore être en vigueur

Depuis la loi LDSTT (loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, JO du 21 août 2008), les entreprises ne peuvent conclure d’accord collectif permettant la mise en place d’un dispositif de modulation.

En lieu et place de ce dispositif, existe désormais ce que l’on dénomme « l’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année ». 

Néanmoins, les entreprises peuvent continuer à appliquer les anciens dispositifs, tant que l’accord collectif ou la convention n’a pas été dénoncée.

Principes majeurs de la modulation

Le premier principe de la modulation est que le temps de travail peut varier sur tout ou partie de l’année, alternant ainsi des périodes « basses » (inférieures à 35h/semaine) avec des périodes « hautes » (supérieures à 35h/semaine) sous réserve toutefois que la durée annuelle n’excède pas le plafond de 1.607 heures. 

Les périodes « basses » et « hautes » définissent ainsi ce qu’il est d’usage d’appeler le « tunnel ».

Article L3122-9

Abrogé par LOI n°2008-789 du 20 août 2008 - art. 20 (V)

Une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, cette durée n'excède pas un plafond de 1 607 heures.

La convention ou l'accord peut fixer un plafond inférieur.

La convention ou l'accord précise les données économiques et sociales justifiant le recours à la modulation.

La convention ou l'accord doit respecter les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail définies au chapitre Ier.

NOTA : Loi n° 2008-789 du 20 août 2008 JORF du 21 août 2008 art. 20 V : Les accords conclus en application des articles L. 3122-3, L. 3122-9, L. 3122-19 et L. 3123-25 du code du travail ou des articles L. 713-8 et L. 713-14 du code rural dans leur rédaction antérieure à la publication de la présente loi restent en vigueur.

Mise en place

La modulation ne peut résulter que :

  • D’une convention ou accord collectif étendu ;
  • Accord d’entreprise ou établissement. 

Décompte des heures supplémentaires

Plusieurs situations sont envisageables.

Dépassement de la seule limite supérieure hebdomadaire : 

Exemple :

  • En N, une entreprise choisit de moduler son temps de travail dans la limite de 42 heures ;
  • Au cours d’une semaine, les salariés effectuent 44 heures, 2 heures supplémentaires seront rémunérées sur le salaire du mois.

Dépassement de la seule limite du plafond annuel  

Exemple : 

  • En N, une entreprise choisit de moduler son temps de travail dans la limite de 42 heures et de 1.607 heures annuelles ;
  • Cette entreprise maintient le régime de haute activité pendant 7 mois (au lieu de 6 comme initialement prévu) ;
  • Au cours du bilan de modulation, les salariés ont effectué une durée annuelle de 1.617 heures ;
  • 10 heures supplémentaires devront être rémunérées lors du bilan de modulation. 

Dépassement des deux plafonds : 

Exemple : 

  • Une entreprise applique un accord collectif permettant la modulation du temps de travail ;
  • L’entreprise fixe des périodes basse de 32h et des périodes de forte activité de 42 heures ;
  • En cours d’année, les salariées travaillent durant 2 semaines à raison de 44 heures ;
  • Au bilan de modulation, le décompte du temps de travail donne un résultat de 1.617 heures. 

Paiement des heures supplémentaires : 

  • 4 heures supplémentaires donneront lieu, en cours d’année, à paiement sur le mois concerné (2 semaines à 44 heures) ;
  • Sur les 10 heures constatées lors du bilan de modulation, 4 heures seront à décompter, 6 heures supplémentaires resteront dues.