Contexte de l'affaire
L’affaire concerne une entreprise qui a conclu, le 16 octobre 2009, un contrat d'apprentissage pour une durée de 2 ans en vue de la préparation d'un BTS de coiffure avec une salariée.
A la suite de la rupture du contrat intervenue le 31 décembre 2009, l'apprentie, soutenant que cette rupture était imputable à l'employeur, saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes à caractère salarial et indemnitaire.
Dans un premier temps, la Cour d’appel de Besançon, dans son arrêt du 16 septembre 2011, déboute l’apprentie de sa demande.
Les juges considèrent en effet que le contrat d'apprentissage a été rompu d'un commun accord, relevant que l’apprentie a dû faire face à des difficultés personnelles, l'ayant conduit à prendre un traitement anti-dépresseur et ayant entraîné une dégradation de sa prestation de travail.
Ces difficultés personnelles, toujours selon la cour d’appel, ne peuvent être imputées à l'employeur, décrit par les témoins comme une personne attentive à ses apprentis et employés.
Enfin, la cour d’appel relève le fait que l’apprentie avait adressé une lettre à son employeur et dans laquelle elle indiquait « A l'expiration de mon contrat de travail au 31 décembre 2009, vous auriez du me délivrer ... », confirmant ainsi que la salariée était en pleine connaissance de la rupture de son contrat par accord des deux parties.
Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis.
Elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les parties devant une nouvelle cour d’appel.
Les juges rappellent en effet, que toute rupture du contrat de travail par accord des parties nécessite non seulement un écrit mais également un accord exprès de l’apprenti (ou, s’il est mineur, de son représentant légal).
Faute d’avoir obtenu cet accord écrit, la rupture du contrat n’intervient pas dans les conditions légalement admises.
Extrait de l’arrêt :
Attendu cependant que lorsque la rupture du contrat d'apprentissage intervient sur accord des parties, elle doit être constatée par écrit signé par l'employeur, par l'apprenti ainsi que, s'il est mineur, par son représentant légal ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, sans constater l'existence d'un écrit répondant aux prescriptions de l'article R. 6222-21 du code du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Commentaire de LégiSocial
Profitons de la présente affaire pour rappeler quelques principes important entourant la rupture du contrat d’apprentissage.
Principe majeur
Durant les 2 premiers mois du contrat d’apprentissage, la résiliation peut en principe intervenir à l’initiative de l’employeur ou de l’apprenti.
Lorsque ce délai de 2 mois est expiré, seule la rupture avec accord des 2 parties est alors autorisée, à défaut elle ne peut être prononcée que par le conseil de prud'hommes, statuant en la forme des référés, en cas de faute grave ou de manquements répétés de l'une des parties à ses obligations ou en raison de l'inaptitude de l'apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer.
2 mois aussi pour le CDI apprentissage
La nouvelle rédaction de l’article L 6222-18 (que nous proposons ci-après), permet de préciser que ce délai de 2 mois concerne :
- Le contrat d’apprentissage conclu pour une durée limitée ;
- Le contrat CDI apprentissage, pendant la période d’apprentissage.
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Article L6222-18
Modifié par Ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 - art. 114
Le contrat d'apprentissage peut être rompu par l'une ou l'autre des parties durant les deux premiers mois de l'apprentissage.
Passé ce délai, la rupture du contrat, pendant le cycle de formation, ne peut intervenir que sur accord écrit signé des deux parties. A défaut, la rupture du contrat conclu pour une durée limitée ou, pendant la période d'apprentissage, du contrat conclu pour une durée indéterminée, ne peut être prononcée que par le conseil de prud'hommes, statuant en la forme des référés, en cas de faute grave ou de manquements répétés de l'une des parties à ses obligations ou en raison de l'inaptitude de l'apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer.
En cas de liquidation judiciaire sans maintien de l'activité ou lorsqu'il est mis fin au maintien de l'activité en application du dernier alinéa de l'article L. 641-10 du code de commerce et qu'il doit être mis fin au contrat d'apprentissage, le liquidateur notifie la rupture du contrat à l'apprenti. Cette rupture ouvre droit pour l'apprenti à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat.
Les articles L. 1221-19 et L. 1242-10 sont applicables lorsque après la rupture d'un contrat d'apprentissage, un nouveau contrat est conclu entre l'apprenti et un nouvel employeur pour achever la formation.
Effet d’un arrêt de travail
Un arrêt de travail au titre de la maladie ou d’un accident du travail aura pour effet de suspendre le délai de 2 mois.
Cour de cassation chambre sociale
Audience publique du mardi 16 mars 2004 N° de pourvoi: 01-44456
Date appréciation rupture du contrat
La date de rupture est appréciée au moment de l’envoi de la lettre de rupture (que nous conseillons d’adresser en lettre recommandé avec avis de réception).
Une rupture sans indemnité
Sauf stipulation contraire du contrat, la rupture pendant les 2 premiers mois n’ouvre pas droit au versement d’une indemnité.
Article L6222-21
Modifié par LOI n°2013-595 du 8 juillet 2013 - art. 56
La rupture pendant les deux premiers mois d'apprentissage ne peut donner lieu à indemnité à moins d'une stipulation contraire dans le contrat.
Rupture par écrit
Le code du travail oblige la partie qui rompt le contrat à le faire par écrit.
D’autre part, cette rupture est notifié au directeur du CFA (ou, dans le cas d'une section d'apprentissage, au responsable d'établissement), ainsi qu'à l'organisme ayant enregistré le contrat.
L'organisme la transmet sans délai à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du lieu d'exécution du contrat d'apprentissage.
Article R6222-21
Modifié par Décret n°2009-1377 du 10 novembre 2009 - art. 11 (V)
La rupture unilatérale du contrat d'apprentissage par l'une des parties pendant les deux premiers mois de son exécution ou la rupture convenue d'un commun accord est constatée par écrit.
Elle est notifiée au directeur du centre de formation d'apprentis ou, dans le cas d'une section d'apprentissage, au responsable d'établissement, ainsi qu'à l'organisme ayant enregistré le contrat.
L'organisme la transmet sans délai à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du lieu d'exécution du contrat d'apprentissage.
Rupture non conforme
Rappelons qu’à défaut de résiliation amiable dans les formes, l'apprenti a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération due jusqu'au terme du contrat.
Arrêt Cour d’appel de Douai du 31/03/2000