Contexte de l'affaire
La présente affaire concerne un salarié engagé, en qualité d'ouvrier agricole, à compter du 30 mars 1981 puis à partir de l'année 1995 jusqu'au 8 décembre 2009, dans le cadre d'une succession de contrats CDD saisonniers, signés sous l'égide de l'Office des Migrations Internationales (OMI) en tant que travailleur étranger.
Le salarié saisit la juridiction prud'homale pour obtenir entre autres la requalification des contrats CDD en un contrat CDI, faisant valoir qu’il avait en réalité occupé durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
Dans un premier temps, la cour d’appel déboute le salarié de sa demande, indiqué qu'il ne peut être contesté le caractère saisonnier des tâches confiées au salarié, manœuvre agricole, tâches appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes en fonction du rythme des saisons, l'intéressé n'ayant jamais été employé pendant toute la période d'ouverture de l'entreprise, soit l'année entière.
La requalification des différents contrats CDD en un contrat CDI n’est donc pas acceptable en l’espèce.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour rejeter la demande en requalification des contrats de travail à caractère saisonnier en contrat de travail à durée indéterminée, l'arrêt retient qu'il ne peut être contesté le caractère saisonnier des tâches confiées au salarié, manoeuvre agricole, tâches appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes en fonction du rythme des saisons, l'intéressé n'ayant jamais été employé pendant toute la période d'ouverture de l'entreprise, soit l'année entière ;
Mais ce n’est pas du tout l’avis de la Cour de cassation, qui indique de son côté que l’appartenance à un secteur vivant au rythme des saisons et le métier du salarié (ouvrier agricole) ne suffisent pas à démontrer le caractère saisonnier des tâches confiées.
En d’autres termes, la rédaction des contrats CDD était insuffisante, il aurait été souhaitable que soient précisées concrètement la nature et la date des différents emplois ayant donné lieu à la conclusion des contrats saisonniers litigieux, permettant ainsi de vérifier que le salarié était réellement affecté à des tâches saisonnières et non durables.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser concrètement la nature et la date des différents emplois ayant donné lieu à la conclusion des contrats saisonniers litigieux ni vérifier si le salarié avait été affecté à l'accomplissement de tâches à caractère strictement saisonnier et non durables, appelées à se répéter chaque année à une époque voisine, en fonction du rythme des saisons, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen
Commentaire de LégiSocial
Profitons de la présente affaire pour rappeler quelques notions concernant les contrats CDD saisonniers, et rappeler quelques arrêts de la Cour de cassation à ce sujet.
Principes de base
Les travaux saisonniers sont des travaux qui sont normalement appelés à se répéter chaque année, à date à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs.
Dans le secteur agricole, il s'agit de travaux liés à l'activité de récolte, au conditionnement.
Dans le secteur du tourisme, cela peut concerner les centres de loisirs, commerces des stations touristiques
Article L1242-2
Modifié par Ordonnance n°2010-462 du 6 mai 2010 - art. 1
Sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants : (...)
3° Emplois à caractère saisonnier
Jurisprudence « Tour Eiffel »
La Cour de cassation admet le caractère saisonnier du contrat d’un employé à la caisse de la Tour Eiffel.
La Cour de cassation reconnait en l’espèce l'existence d'une activité saisonnière soit pendant les vacances scolaires, soit pendant les 5 mois de grande activité du tourisme.
Extrait de l’arrêt :
Attendu, cependant, que le caractère saisonnier d'un emploi concerne des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que l'activité touristique de l'employeur était caractérisée par un accroissement du nombre de visiteurs, chaque année, à des dates à peu près fixes, et que les contrats conclus avec la salariée couvraient les cinq ou six mois de l'année pendant lesquels la Tour Eiffel recevait le plus grand nombre de visiteurs, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 janvier 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.
Cour de cassation du 12/10/1999, pourvoi 97-40915
La production de pizzas surgelées n’admet pas d’activité saisonnière
Dans cette affaire, une salariée avait été engagée, entre le 6 janvier 1997 et le 14 juillet 2003, en qualité d'ouvrière de production, par une société commercialisant des pizzas surgelées.
L’engagement s’était fait sous contrat CDD à caractère saisonnier.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant comme elle a fait, alors que la société X…, qui fabriquait et commercialisait des pizzas surgelées en toutes saisons et connaissait seulement un accroissement périodique de production, n'avait pas d'activité saisonnière,
Cour de cassation du 5/12/2007, pourvoi 06-41313
Contrat saisonnier dans un magasin de sport
Dans une autre affaire, une salariée avait été engagée en qualité de vendeuse étalagiste, au sein d’un magasin de sport, sous contrat CDD à caractère saisonnier.
La Cour de cassation ne reconnait pas en l’espèce l’existence d’une activité saisonnière, permettant le recours à un contrat CDD du même type.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour requalifier en contrat de travail à durée indéterminée le contrat de travail à durée déterminée du 3 mars 2003 et condamner l'employeur au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité de requalification, d'indemnité compensatrice de préavis, avec congés payés afférents et de dommages-intérêts pour rupture abusive, la cour d'appel a retenu que, dès lors que l'augmentation des ventes d'articles de sport et d'équipements de loisirs était en corrélation directe avec le rythme des saisons, l'accroissement d'activité qui en résultait et qui était amenée à se renouveler chaque année pendant la même période présentait un caractère saisonnier et qu'ainsi, le contrat conclu pour surcroît d'activité était irrégulier ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur, qui exerçait son activité tout au long de l'année et connaissait seulement un accroissement temporaire de production pendant la période considérée, n'avait pas d'activité saisonnière, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a requalifié en contrat de travail à durée indéterminée le contrat de travail à durée déterminée du 3 mars 2003 et condamné l'employeur au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité de requalification, d'indemnité compensatrice de préavis, avec congés payés afférents et de dommages-intérêts pour rupture abusive, l'arrêt rendu le 22 février 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon
Cour de cassation du 21/03/2007, pourvoi 05-44967
Quand 16 ans de CDD ne conduisent pas à un CDI !
Cette affaire peu banale concerne une salariée engagée chaque année pendant 16 ans en qualité de saisonnière pour le conditionnement du maïs doux, pour la période de mi-juillet à mi-septembre jusqu’à la saison 2005.
Par courrier du 14/01/2005, son employeur l’informe qu’il mettait fin à leur collaboration pour les années à venir.
La salariée décide de saisir la juridiction prud’homale afin de requalifier ses contrats CDD en contrats CDI.
La Cour d’appel déboute la salariée de sa demande, estimant en l’espèce que l’employeur concluait des contrats saisonniers et que pour ce type de contrat il n’existait aucune limite au-delà de laquelle, les contrats CDD devaient être requalifiés en CDI.
Extrait de l’arrêt de la Cour d’appel
Mais attendu que la faculté pour un employeur de conclure des contrats à durée déterminée successifs avec le même salarié afin de pourvoir un emploi saisonnier n'est assortie d'aucune limite au-delà de laquelle s'instaurerait entre les parties une relation de travail globale à durée indéterminée
La salariée insiste dans sa demande et se pourvoit en cassation.
Les juges de la Cour de cassation confirment l’arrêt de la Cour d’appel et déboutent la salariée de sa demande.
Le pourvoi est donc rejeté et les contrats CDD saisonniers ne sont pas requalifiés en contrats CDI.
Extrait de l’arrêt
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'emploi occupé correspondait à des tâches appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes en fonction de la maturité du produit de saison, et que ces tâches confiées à la salariée étaient liées à cet accroissement cyclique, a exactement décidé que l'emploi était saisonnier ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;Cour de cassation 26/10/2011 pourvoi 09-43205 FSPB