Quand la durée maximale d’un CDD saisonnier conduit à sa requalification en CDI

Jurisprudence
CDD

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Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé en qualité d'ouvrier agricole selon plusieurs contrats saisonniers.

Les 3 premiers contrats, conclus les 31 décembre 2004, 31 mars 2005 et le 1er avril 2006 étaient stipulés comme suit :

  • Le 1er pour la durée de la récolte des greffons et au plus tard le 31 mars 2005 ;
  • Le 2ème pour la durée des travaux de chicotage mécanique et au plus tard le 31 mars 2006 ;
  • Le 3ème pour la durée des travaux de chicotage, coupage et débourage et au plus tard le 31 mai 2006, ce dernier ayant pris fin le 11 avril 2006. 

Un 4ème contrat est conclu le 29 novembre 2006 pour la durée des travaux de chicotage mécanique avec une période minimale de 15 jours et au plus tard le 31 mars 2007, ce contrat fait l'objet d'un renouvellement le 1er avril 2007 pour une durée se terminant au plus tard le 30 avril 2007, le contrat prend finalement fin le 5 avril 2007. 

Le salarié concerné saisit la juridiction prud'homale d'une demande en requalification de chacun de ses contrats en un contrat à durée indéterminée et en paiement d'indemnités subséquentes de requalification et de rupture. 

Dans un premier temps, la cour d’appel déboute le salarié de sa demande, estimant que chacun des contrats CDD comportait l’indication d’un terme précis, n’ayant pas pour effet de prononcer la requalification en contrat CDI

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient que chacun des contrats litigieux contient l'indication d'un terme précis et que les impératifs de l'article L. 1242-12 du code du travail quant aux mentions des contrats à durée déterminée relatives au terme du contrat sont ainsi satisfaits ;

Mais la Cour de cassation ne partage pas le même avis.

Les juges cassent et annulent l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les deux parties devant une nouvelle cour d’appel.

Ils constatent en effet que les contrats CDD incriminés se bornaient à indiquer une durée maximale, du type « à la fin » ou « au plus tard », ne fixant en l’espèce pas de terme précis, ni de durée minimale.

Seul le 4ème contrat qui indiquait une durée minimale répondait selon les juges aux exigences légales.

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les contrats saisonniers des 31 décembre 2004, 31 mars 2005 et 1er avril 2006 se bornaient à indiquer qu'ils se termineraient « à la fin » de certains travaux et « au plus tard » à une certaine date, ce dont il résultait qu'ils ne comportaient ni terme précis, ni durée minimale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Cour de cassation du , pourvoi n°13-13522

Commentaire de LégiSocial

La présente affaire est selon nous à rapprocher d’une autre jurisprudence, ayant conduit récemment à la modification du Code rural et de la pêche maritime.

Le cas particulier du contrat vendanges

Définition légale 

Le contrat vendanges est un contrat CDD particulier, qui appartient à la catégorie des contrats saisonniers.

Le contrat vendange concerne les travaux de préparation, de cueillette, de portage de hutte et d’entretien de machines liées à la vendange.

En revanche, il ne concerne pas la taille ou le traitement des vignes. 

Sa durée est limitée à 1 mois (par contrat) et peut être renouvelé plusieurs fois sans excéder 2 mois sur une période de 12 mois.

Le contrat vendanges constituant une dérogation, tous les salariés, y compris les salariés en congés payés et les fonctionnaires, peuvent être embauchés par le biais de ce contrat.

Article L718-5

Créé par Ordonnance 2007-329 2007-03-12 art. 8 5° JORF 13 mars 2007 en vigueur au plus tard le 1er mars 2008

Le contrat vendanges a une durée maximale d'un mois.

Un salarié peut recourir à plusieurs contrats vendanges successifs, sans que le cumul des contrats n'excède une durée de deux mois sur une période de douze mois.

Jurisprudence du 6/10/2010 

Un contrat vendanges a été requalifié en contrat CDI.

L’affaire concernée est la suivante :

  • Un salarié est engagé dans le cadre d’un contrat vendanges.
  • Son contrat stipule que le contrat prendra fin « à la fin des vendanges ».

Fatale erreur considèrent les juges en la matière, le contrat vendanges est un contrat à durée déterminée et doit comporter un terme précis ou une durée minimale.

Dans cette affaire, la Cour de cassation reprend en l’état l’arrêt de la Cour d’appel et décide que :  

Extrait de l’arrêt :

"En se bornant à indiquer qu'il se terminerait "à la fin des vendanges", ce dont il résultait qu'il ne comportait ni terme précis, ni durée minimale, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il y avait lieu à requalification dudit contrat en un contrat de travail à durée indéterminée".

Cour de cassation du 06/10/2010 arrêt 09-65346 FSPB

Les nouvelles dispositions légales, depuis le 24/03/2012 

En réaction avec cet arrêt de la Cour de cassation, le législateur a souhaité compléter la définition du contrat vendanges par le Code rural et de la pêche maritime.

Faute d’indiquer la durée pour laquelle il est conclu, le contrat est réputé courir jusqu’à la fin des vendanges.

Extrait de la loi

Article 86

Le premier alinéa de l’article L. 718-5 du même code est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Il précise la durée pour laquelle il est conclu. A défaut, il est réputé être établi pour une durée qui court jusqu’à la fin des vendanges. »

La version applicable à compter du 24/03/2012 est désormais la suivante :

Article L718-5

Modifié par LOI n°2012-387 du 22 mars 2012 - art. 86

Le contrat vendanges a une durée maximale d'un mois. Il précise la durée pour laquelle il est conclu. A défaut, il est réputé être établi pour une durée qui court jusqu'à la fin des vendanges.

Un salarié peut recourir à plusieurs contrats vendanges successifs, sans que le cumul des contrats n'excède une durée de deux mois sur une période de douze mois.