Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée le 1er août 2008 en qualité de femme toutes mains à temps complet par un exploitant d’un fonds de commerce de bar, meublé et restauration rapide.
La salariée est en arrêt de travail du 14 au 23 janvier 2009 puis du 30 janvier 2009 au 12 mars 2009.
Il est mis fin au contrat de travail, le 3 avril 2009, en vertu d'un document signé des deux parties.
Mais la salariée saisit la juridiction prud'homale pour faire juger que la rupture s'analysait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et pour demander le paiement de diverses sommes dont une indemnité de rupture et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La cour d’appel tout comme la Cour de cassation par la suite donnent raison à la salariée.
Il est ainsi indiqué que, sauf dispositions légales contraires, la rupture du contrat de travail par accord des parties ne peut intervenir que dans les conditions prévues par la rupture conventionnelle.
Dans le cas présent, le document signé par les parties ne satisfaisait pas aux exigences de l’article L 1237-11 (article qui concerne la rupture conventionnelle), et que la rupture devait alors s’analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 1231-1 du code du travail le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié ou d'un commun accord dans les conditions prévues par le présent titre ; que selon les dispositions de l'article L. 1237-11 du même code, la rupture d'un commun accord qualifiée rupture conventionnelle résulte d'une convention signée par les parties au contrat qui est soumise aux dispositions réglementant ce mode de rupture destinées à garantir la liberté du consentement des parties ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes que, sauf dispositions légales contraires, la rupture du contrat de travail par accord des parties ne peut intervenir que dans les conditions prévues par le second relatif à la rupture conventionnelle ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que le document signé par les parties ne satisfaisait pas aux exigences de l'article L. 1237-11 du code du travail, a décidé à bon droit que la rupture s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Commentaire de LégiSocial
C’est un arrêt à notre sens très important que prononce présentement la Cour de cassation.
Ainsi, sans remettre totalement en cause la possibilité de conclure une rupture amiable, les entreprises doivent privilégier le mode de rupture conventionnelle.
Rupture amiable : une rupture atypique
La direction de l’information légale et administrative, dans sa publication du 17/10/2012 envisage la rupture du contrat de travail à l’amiable.
Elle indique que ce mode de rupture ne doit pas être confondu avec la rupture conventionnelle.
Il est précisé que ce mode de rupture n’est pas envisageable pour les situations suivantes :
- Si le salarié est protégé ;
- Si le salarié a été déclaré inapte ;
- Si la rupture intervient alors que le contrat est suspendu pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle ;
- Si la salariée est enceinte.
Extrait de la publication au 17/10/2012
Le salarié et l’employeur souhaitant rompre la relation contractuelle peuvent conclure une rupture amiable du contrat de travail (à ne pas confondre avec la rupture conventionnelle homologuée). Établie librement, elle peut être prévue pour motif économique (notamment dans le cadre d’un plan de départs volontaires) ou pour motif personnel.
Rupture amiable dans le cadre d’un départ négocié pour raisons économiques
Par la suite, dans une publication cette fois du 31 mai 2013, la Direction de l'information légale et administrative (Premier ministre) envisage cette rupture à l’amiable (dénommée départ négocié) dans le cadre de difficultés économiques.
Extrait de la publication du 31/05/2013
Départ négocié en cas de difficultés économiques
Mise à jour le 31.05.2013 - Direction de l'information légale et administrative (Premier ministre)
Principe
Le salarié peut envisager un départ librement négocié avec l'employeur, en cas de difficultés économiques. Même si le salarié n'est pas licencié, il bénéficie de nombreuses garanties.
Bénéficiaires
Tout salarié peut librement négocier son départ, dans le cadre d'un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) ou d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). Elle peut notamment être envisagée lors de la mise en place d'un plan de départs volontaires (PDV).
Le salarié ne peut pas bénéficier de la rupture conventionnelle en raison des difficultés économiques de l'entreprise.
Conditions
Le départ négocié ne peut pas être l'occasion, pour l'employeur, de déroger aux obligations légales prévues en matière de licenciement économique (sauf critères d'ordre et notification du licenciement lui-même).
Le salarié bénéficie de l'ensemble des mesures prévues par le PSE.
Il bénéficie des mesures de reclassement si le PSE prévoit des licenciements économiques.
Démarches
Aucun formalisme n'est prévu. La proposition de départ négocié peut être faite aussi bien par le salarié que par l'employeur.
Il est préférable, pour des raisons de preuve en cas de litige, de prévoir un accord écrit.
À noter : la rupture amiable ne doit pas être confondue avec la transaction. En effet, celle-ci ne peut être conclue qu'après la date de rupture du contrat.
La rupture conventionnelle était possible et une rupture amiable a été réalisée
Si l’on s’en tient au présent arrêt, la rupture doit alors s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sauf dispositions contraires, la rupture conventionnelle est à privilégier
Sans interdire totalement la rupture à l’amiable, la rupture conventionnelle doit être le mode de rupture utilisé, sauf dispositions légales contraires.
Extrait de l’arrêt :
qu'il résulte de la combinaison de ces textes que, sauf dispositions légales contraires, la rupture du contrat de travail par accord des parties ne peut intervenir que dans les conditions prévues par le second relatif à la rupture conventionnelle ;
Quels sont les cas permettant la rupture amiable ?
Restent possibles les ruptures amiables, selon nous, les ruptures envisagées avec accord des parties pour les situations suivantes :
- Le contrat concerné est un CDD (la rupture conventionnelle ne concernant que les contrats CDI) ;
Article L1237-11
Créé par LOI n°2008-596 du 25 juin 2008 - art. 5
L'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties.
Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.
- Départ dans le cadre d’un PSE ou d’une GPEC (article L 1237-16 et Circulaire DGT 2009-04 du 17/03/09) ;
Article L1237-16
Créé par LOI n°2008-596 du 25 juin 2008 - art. 5
La présente section n'est pas applicable aux ruptures de contrats de travail résultant :
1° Des accords collectifs de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans les conditions définies par l'article L. 2242-15 ;
2° Des plans de sauvegarde de l'emploi dans les conditions définies par l'article L. 1233-61. »
- Rupture d’un contrat d’apprentissage (au regard de l’article L 6222-18 du code du travail).
Article L6222-18
Modifié par Ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 - art. 114
Le contrat d'apprentissage peut être rompu par l'une ou l'autre des parties durant les deux premiers mois de l'apprentissage.
Passé ce délai, la rupture du contrat, pendant le cycle de formation, ne peut intervenir que sur accord écrit signé des deux parties. A défaut, la rupture du contrat conclu pour une durée limitée ou, pendant la période d'apprentissage, du contrat conclu pour une durée indéterminée, ne peut être prononcée que par le conseil de prud'hommes, statuant en la forme des référés, en cas de faute grave ou de manquements répétés de l'une des parties à ses obligations ou en raison de l'inaptitude de l'apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer.
En cas de liquidation judiciaire sans maintien de l'activité ou lorsqu'il est mis fin au maintien de l'activité en application du dernier alinéa de l'article L. 641-10 du code de commerce et qu'il doit être mis fin au contrat d'apprentissage, le liquidateur notifie la rupture du contrat à l'apprenti. Cette rupture ouvre droit pour l'apprenti à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat.
Les articles L. 1221-19 et L. 1242-10 sont applicables lorsque après la rupture d'un contrat d'apprentissage, un nouveau contrat est conclu entre l'apprenti et un nouvel employeur pour achever la formation.