Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée le 4 octobre 1999.
Elle est déclarée apte avec réserves par la médecine du travail en janvier, puis en juin et août 2010.
Son employeur lui notifie, le 26 octobre 2010 une mise à pied disciplinaire de 2 jours, notamment pour agressivité et manque de respect à l’égard d’un supérieur hiérarchique.
La salariée saisit la juridiction prud'homale, estimant sa mise à pied non licite, du fait que le règlement intérieur en vigueur dans l’entreprise n’indiquait pas la durée maximale d’une mise à pied disciplinaire.
Extrait de l’arrêt :
AUX MOTIFS QUE sur la sanction disciplinaire, le 14 octobre 2010, Madame X... a été convoquée pour une sanction disciplinaire à un entretien fixé au 21 octobre suivant et sanctionnée par courrier du 26 octobre 2010 par une mise à pied de deux jours pour agressivité et manque de respect à l'égard d'un supérieur hiérarchique, mauvaise exécution du contrat de travail, absence d'esprit d'équipe et comportement caractériel ; que la salariée impute cette sanction à ses demandes répétées de modification de son poste de travail après l'avis d'aptitude partielle émis par le médecin du travail dès janvier 2010 et renouvelée en juin, et en août 2010 ; que de plus l'employeur ne pouvait lui infliger cette sanction au regard du règlement intérieur qui n'a pas prévu la durée de la mise à pied de sorte que cette sanction doit être annulée même si la sanction est justifiée ;
De son côté, l’employeur considérait être dans son bon droit, se référant pour cela au fait que la convention collective applicable à l’entreprise indiquait une durée maximale, d’ailleurs fixée à 10 jours ouvrables.
Extrait de l’arrêt :
(…) que la Convention Collective de la… évoque expressément comme sanction " la mise à pied sans traitement pendant 10 jours maximum "
Dans un premier temps, la cour d’appel déboute la salariée, retenant l’argument de l’employeur selon lequel la durée maximale était indiquée sur la convention collective et rendait de fait la mise à pied licite.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes en annulation de la mise à pied disciplinaire du 26 octobre 2010 et en paiement de sommes à titre de salaire et congés payés, l'arrêt retient que peu importe l'absence de durée de la mise à pied dans le règlement intérieur puisque la convention collective de la mutualité applicable au contrat de travail prévoit que la sanction de mise à pied sans traitement peut aller jusqu'à une durée de dix jours ouvrables, que la lettre notifiant cette sanction est suffisamment caractérisée et matériellement vérifiable et que l'employeur justifie les reproches indiqués dans ce courrier ;
Mais la Cour de cassation ne partage pas l’avis de la cour d’appel, casse et annule son arrêt.
Les juges confirment ainsi que la durée maximale de la mise à pied doit obligatoirement figurer dans le règlement intérieur de l’entreprise, faute de quoi la mise à pied disciplinaire n’est pas licite.
Extrait de l’arrêt :
Vu les articles L. 1321-1 et L. 1331-1 du code du travail ; (…)
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X... de ses demandes en annulation de la mise à pied disciplinaire du 26 octobre 2010 et en paiement de sommes à titre de salaire et congés payés, l'arrêt rendu le 20 février 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Commentaire de LégiSocial
Confirmation de jurisprudence
Le présent arrêt de la Cour de cassation confirme un précédent arrêt de 2010, dans lequel la Cour de cassation indiquait que la mise à pied disciplinaire n’était licite que si :
- Elle était prévue par le règlement intérieur ;
- Le règlement intérieur en prévoyait la durée maximale.
Cour de cassation 26/10/2010 n° 09-42740
La mise à pied du salarié : principes généraux
Un salarié peut se voir prononcer 2 sortes de mise à pied.
La mise à pied conservatoire
Elle est prononcée dans l’attente d’une sanction (fréquemment un licenciement pour faute grave ou lourde).
Cette période de suspension du contrat de travail n’est pas rémunérée, sauf bien entendu si aucune sanction n’est prononcée au terme de la mise à pied.
Il est important d’avoir à l’esprit que la mise à pied conservatoire n’est pas une sanction disciplinaire.
Article L1332-3
Lorsque les faits reprochés au salarié ont rendu indispensable une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat, aucune sanction définitive relative à ces faits ne peut être prise sans que la procédure prévue à l'article L. 1332-2 ait été respectée
Article L1332-2
Modifié par LOI n°2012-387 du 22 mars 2012 - art. 48
Lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.
Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.
Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.
La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé
La mise à pied disciplinaire
Il s’agit d’une sanction, ce qui sous entend que l’employeur ne pourra alors prononcer aucune sanction supplémentaire pour le même fait.
En effet, il est de jurisprudence constante de considérer qu’un même fait ne peut être sanctionné 2 fois.
Non bis in idem :
Non bis in idem qui est une locution latine qui signifie « pas deux fois pour la même chose », signifiant en l’espèce qu’une mise à pied disciplinaire ne peut être suivie, pour le même fait, d’une nouvelle sanction comme un licenciement.