Rupture conventionnelle et clause de non-concurrence : attention à ce que prévoit la convention collective !

Jurisprudence
Clause non concurrence

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Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé en qualité de responsable d'une unité de production.

Son contrat CDI contient une clause de non-concurrence d'une durée de 3 ans.

Son employeur et lui-même conviennent d'une rupture conventionnelle du contrat qui prend effet le 5 mai 2011.

Par la suite, le salarié est informé le 23 juin suivant que l'employeur limite les effets de la clause de non-concurrence à une durée d'un an. 

Le salarié saisit la juridiction prud'homale, estimant que son employeur ne pouvait limiter (ou lever) la clause de non-concurrence que par une mention expresse figurant dans la convention de rupture, comme le stipule l’article 28 de la convention collective dont dépend l’entreprise en l’espèce.

Extrait de l’arrêt :

il résulte de l'article 28 de la collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972, auquel renvoyait le contrat de travail pour fixer le montant de l'indemnité de non-concurrence, qu' « en cas de rupture conventionnelle du contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues par les articles L. 1237-11 et suivants du code du travail, l'employeur ne peut se décharger de l'indemnité de non-concurrence, en libérant l'ingénieur ou cadre de l'interdiction de concurrence, que par une mention expresse figurant dans la convention de rupture » ; 

Néanmoins, la cour d’appel déboute le salarié de sa demande, estimant que même si l’employeur n’avait pas levé la clause de non-concurrence lors de la rupture du contrat de travail, il en avait limité la durée par lettre du 23 juin 2011.

Extrait de l’arrêt :

Attendu que, pour limiter la créance du salarié au titre de contrepartie de la clause de non-concurrence, l'arrêt énonce que si l'employeur n'avait pas levé la clause de non-concurrence au terme du contrat de travail fixé au 5 mai 2011, il avait informé le salarié, par lettre du 23 juin 2011, qu'il renonçait à cette clause au-delà du 4 mai 2012 ;

La Cour de cassation ne partage pas du tout le même avis, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, rappelant que les termes de la convention collective indiquaient que l’employeur n’avait la faculté de se décharger de la clause de non-concurrence, que par une mention expresse figurant dans la convention de rupture, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. 

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors que la convention collective précitée prévoit qu'en cas de rupture conventionnelle du contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues par les articles L. 1237-11 et suivants du code du travail, l'employeur ne peut se décharger de l'indemnité de non-concurrence, en libérant l'ingénieur ou cadre de l'interdiction de concurrence, que par une mention expresse figurant dans la convention de rupture, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS : 
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que qu'il fixe la créance de M. X... à la somme de 21 276 euros au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 13 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;

Cour de cassation du , pourvoi n°13-25451

Commentaire de LégiSocial

Il est assez fréquent que la Cour de cassation aborde cette clause particulière du contrat de travail : la clause de non-concurrence, raison pour laquelle nous rappelons quelques principes fondamentaux.

Clause de non-concurrence et rupture du contrat de travail

Cas numéro 1 : 

L’employeur peut « lever » la clause de non-concurrence lors du départ de son salarié.

Aucune contrepartie financière n’est alors réglée et le salarié n’est en aucune façon liée par la clause.

Cette renonciation doit nécessairement être prononcée dans le délai prévu par la Convention collective ou le contrat de travail.

Cas numéro 2 : 

Si l’employeur ne libère pas le salarié de sa clause de non-concurrence, il doit alors régler au salarié les sommes prévues par la clause, au titre de contrepartie financière.

Ces sommes sont considérées comme des salaires, soumises à toutes les cotisations sociales et imposables au titre de l’impôt sur le revenu.

L’employeur doit aussi régler les congés payés correspondant, en pratique beaucoup d’entreprise ajoutent une ligne supplémentaire calculée à 10% de la contrepartie financière en paiement des congés payés dus.

Et si le salarié ne respecte pas la clause de non-concurrence ?

Dans ce cas, l’employeur pourra : 

  • S’adresser au Conseil de prud’hommes afin d’obtenir le paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
  • Cesser le paiement de la contrepartie financière bien entendu ;
  • Demander le remboursement de la contrepartie financière versée pour la période de « non respect » de la clause.

Un petit cas particulier, affaire récemment jugée par la Cour de cassation 

Lorsqu’une clause de non-concurrence est jugée nulle par la Cour de cassation et que le salarié ne l’a pas respecté, l’employeur doit verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Cour de cassation du 12/01/2011n° 08-45.280

Clause de non-concurrence respectée : indemnité à verser même si elle n’est pas respectée jusqu’au terme

  • Un salarié est engagé le 9/12/2002 en qualité d’ingénieur recherche et développement ;
  • Son contrat de travail contient une clause de non-concurrence ;
  • Le contrat de travail est rompu le 11/08/2005 ;
  • Le 14/11/2005, le salarié est engagé par une société concurrente. 

Le salarié saisit le Conseil de prud’hommes afin d’obtenir le paiement de la contrepartie financière en rapport avec la clause de non-concurrence pour la période : [11/08/2005 au 13/11/2005] 

La Cour de cassation donne raison au salarié, précisant au passage qu’au-delà de la période de respect de la clause de non-concurrence aucune indemnité n’est due. 

Cour de cassation 6/04/2011 Pourvoi 09-67.498 Arrêt 844 F-D

Versement de l’indemnité

L’indemnité est due sans que le salarié ait besoin de prouver l’existence d’un quelconque préjudice.

Cour de cassation 31/03/1998 arrêt 96-43016

Elle ne dépend pas de l’ancienneté du salarié, même si cette dernière peut avoir une certaine influence combinée avec d’autres éléments. 

Le montant de l’indemnité ne peut pas être diminué en cas de licenciement pour faute lourde du salarié. 

Date de paiement de l’indemnité

Elle est versée dès le départ effectif du salarié en cas de dispense de préavis.

Cour de Cassation du 15/07/1998 arrêt 96-40866 

Il n’est pas possible de prévoir le versement d’une indemnité au-delà de la période concernée par la clause de non concurrence.

Si cela était le cas, la clause de non concurrence serait nulle.

Régime fiscal et social de l’indemnité

Comme nous l’avons indiqué précédemment, la compensation financière versée au titre de la clause de non concurrence a valeur de salaire. 

Elle est donc :

  • Soumise aux cotisations sociales, y compris la CSG et la CRDS ;
  • Imposable au titre de l’impôt sur le revenu. 

Selon la circulaire ARRCO-AGIRC du 7/11/2007 (circulaire 2007-19), l’indemnité doit être considérée comme une « somme isolée ». 

Il est conseillé sur le bulletin de salaire de faire apparaître l’indemnité sur une ligne isolée, en incluant l’indemnité de congés payés correspondante ou en prévoyant une autre ligne pour l’indemnité de congés payés correspondante. 

Arrêt de la Cour de cassation, Chambre sociale, rendu le 23/06/2010, pourvoi 08-70233

Enfin, l’indemnité doit apparaître sur l’attestation Pôle emploi dans le cadre 7.1 (salaires des 12 derniers mois) ou 7.2 (primes et indemnités de périodicité différente).