Contexte de l'affaire
L’affaire concerne une salariée engagée à compter du 9 septembre 2006 en qualité de formatrice en espagnol dans le cadre de 2 contrats CDD.
Elle saisit la juridiction prud'homale de demandes en requalification de ces contrats en contrat CDI et en paiement de diverses sommes.
Dans un premier temps, la cour d’appel déboute la salariée de sa demande, rappelant qu’en l’espèce le contrat CDD avait été conclu dans un secteur d’activité (l’enseignement) au sein duquel il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat CDI, en raison de la nature de l'activité la formation et le caractère par nature temporaire de ce type d'emploi compte tenu du public visé et de l'enseignement donné.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en requalification de ses contrats à durée déterminée, et après avoir constaté que le motif figurant sur le contrat visait « la formation en espagnol des stagiaires et /ou les salariés sur le site de Nice », l'arrêt énonce que l'intéressée a été employée pour l'exécution d'une tâche précise, la formation en langue espagnole des stagiaires et des salariés du site de Nice, et ce dans le secteur d'activités de l'enseignement, par l'intermédiaire d'organismes de formations tels que la société L…, dans le secteur d'activités duquel il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l'activité la formation et le caractère par nature temporaire de ce type d'emploi compte tenu du public visé et de l'enseignement donné ;
Dans son arrêt du 4 février 2015, la Cour de cassation rappelle que nonobstant la combinaison de plusieurs articles du code du travail reconnaissant que certains secteurs d’activité permettent la conclusion de CDD dits « d’usage », il n’en reste pas moins vrai que l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en œuvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, qui a pour objet, en ses clauses 1 et 5, de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l'utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi.
Selon la Cour de cassation, les juges du fond auraient donc dû rechercher si l'utilisation de CDD successifs était justifiée par l'existence d'éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de cet emploi.
De ce fait, l’arrêt de la cour d’appel est cassé et annulé, les deux parties renvoyées vers une nouvelle cour d’appel autrement composée.
Extrait de l’arrêt :
Attendu cependant que s'il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2 et D. 1242-1 du code du travail que dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, qui a pour objet, en ses clauses 1 et 5, de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l'utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi ;
Qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans vérifier que le recours aux contrats à durée déterminée litigieux était justifié par des raisons objectives qui s'entendaient de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
Profitons du présent arrêt très intéressant selon nous, pour rappeler quelques notions importantes concernant le motif permettant de recourir aux contrats CDD : les contrats CDD d’usage.
Une liste encadrée par le code du travail
La liste des emplois d'usage est encadrée par l'article D 1242-1 du Code du travail.
Citons par exemple :
- Les exploitations forestières ;
- La réparation navale ;
- Le déménagement ;
- L'hôtellerie et la restauration, les centres de loisirs et de vacances ;
- Le sport professionnel ;
- Les spectacles, l'action culturelle, l'audiovisuel, la production cinématographique, l'édition phonographique ;
- L'enseignement.
Article L1242-2
Modifié par LOI n°2014-1545 du 20 décembre 2014 - art. 6
Sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants : (…)
3° Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ; (…)
Article D1242-1
Modifié par Décret n°2009-1443 du 24 novembre 2009 - art. 1
En application du 3° de l'article L. 1242-2, les secteurs d'activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois sont les suivants : 1° Les exploitations forestières ; 2° La réparation navale ; 3° Le déménagement ; 4° L'hôtellerie et la restauration, les centres de loisirs et de vacances ; 5° Le sport professionnel ; 6° Les spectacles, l'action culturelle, l'audiovisuel, la production cinématographique, l'édition phonographique ; 7° L'enseignement ; 8° L'information, les activités d'enquête et de sondage ; 9° L'entreposage et le stockage de la viande ;10° Le bâtiment et les travaux publics pour les chantiers à l'étranger ; 11° Les activités de coopération, d'assistance technique, d'ingénierie et de recherche à l'étranger ; 12° Les activités d'insertion par l'activité économique exercées par les associations intermédiaires prévues à l'article L. 5132-7 ; 13° Le recrutement de travailleurs pour les mettre, à titre onéreux, à la disposition de personnes physiques, dans le cadre du 2° de l'article L. 7232-6 ; 14° La recherche scientifique réalisée dans le cadre d'une convention internationale, d'un arrangement administratif international pris en application d'une telle convention, ou par des chercheurs étrangers résidant temporairement en France ;15° Les activités foraines.
Un contrat CDD pour un emploi qui n’est pas… durable !
Comme le rappelle l’article L 1242-1, le contrat CDD par « essence » aurions-nous envie de dire, ne peut avoir :
Ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durable à un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Article L1242-1
Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
L’appartenance à un secteur d’activité ne suffit pas
L’arrêt de la Cour de cassation est d’importance, car il rappelle qu’il ne suffit pas pour une entreprise de se trouver dans un secteur d’activité spécifique pour conclure un contrat CDD d’usage, mais en cas de conclusion de CDD successifs comme cela était le cas dans cette affaire, d’être capable de justifier par l'existence d'éléments concrets et précis que les présents contrats CDD n’avaient pas un caractère de stabilité, ne les rendant ainsi pas… précaires !