Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé, en qualité de responsable technico-commercial, à compter du 2 novembre 2000.
Par lettre du 7 avril 2010, son employeur le libère de son obligation de non-concurrence par lettre.
Finalement, le salarié est licencié le 28 juin 2010.
Il décide de saisir la juridiction prud'homale, considérant que la levée de la clause de non-concurrence ne s’est pas faite dans le respect des dispositions contractuelles.
De son côté l’employeur met en avant une clause du contrat de travail stipulant que « l'entreprise pouvait lever ou réduire l'interdiction de concurrence, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et au plus tard dans les huit jours suivant la notification de rupture du contrat de travail ».
Extrait de l’arrêt :
AUX MOTIFS QUE, sur l'indemnité de non-concurrence, que les parties étaient convenues d'une clause de non-concurrence par laquelle Jean-Luc X... s'interdisait d'exercer une activité concurrente de celle de la Société D…pendant un délai d'un an à compter de la rupture du contrat de travail, renouvelable une fois ; que conformément au dernier paragraphe de cette clause, l'entreprise pouvait lever ou réduire l'interdiction de concurrence, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et au plus tard dans les huit jours suivant la notification de rupture du contrat de travail
Dans un premier temps, la cour d’appel déboute le salarié de sa demande, en effet selon elle la renonciation était soumise à la seule condition d’être notifiée avant l’expiration d’un délai de 8 jours à compter de la notification de la rupture.
Mais cette date butoir n’empêchait nullement l’employeur de lever la clause avant même que la notification du licenciement n’ait été faite.
Ce n’est pas le raisonnement de la Cour de cassation qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les deux parties devant la Cour d’appel de Metz.
La clause de non-concurrence ici concernée, fixait un délai de renonciation à compter de la rupture du contrat de travail, de ce fait la levée par l’employeur en cours de contrat ne pouvait produire d’effet et délier valablement l’employeur du versement de la contrepartie financière qui y est attachée.
Extrait de l’arrêt :
Attendu cependant que la clause de non-concurrence, dont la validité est subordonnée à l'existence d'une contrepartie financière, est stipulée dans l'intérêt de chacune des parties au contrat de travail, de sorte que l'employeur ne peut, sauf stipulation contraire, renoncer unilatéralement à cette clause, au cours de l'exécution de cette convention ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que la clause de non-concurrence fixait un délai de renonciation à compter de la rupture du contrat de travail et qu'elle constatait que la renonciation par l'employeur au bénéfice de cette clause était intervenue au cours de l'exécution dudit contrat, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen du pourvoi principal de l'employeur :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'employeur au paiement d'une somme de 12 240 euros à titre d'indemnité de non-concurrence, l'arrêt rendu le 27 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Commentaire de LégiSocial
C’est un arrêt très instructif que rend présentement la Cour de cassation, et qui nous permet ainsi de préciser les conditions selon lesquelles la clause de non-concurrence peut être levée ou pas en cours de contrat.
De façon synthétique et pragmatique, nous pouvons résumer les conséquences de l’arrêt comme suit :
La levée de la clause de non-concurrence est prévue selon un délai qui tient compte de la date de rupture
C’est le cas dans l’affaire présente.
La levée en cours de contrat n’aura aucun effet, l’employeur se trouvera dans l’obligation de verser la contrepartie financière obligatoirement prévue par la clause de non-concurrence.
La levée de la clause de non-concurrence est prévue en cours de contrat
Dans ce cas, et bien entendu sous réserve que cette précision soit expressément notifiée dans la clause du contrat, la levée de la clause de non-concurrence sera admissible, l’employeur se trouvant alors libéré de son obligation de verser la contrepartie financière.
Il en est ainsi des clauses qui indiquent par exemple que la levée de la clause de non-concurrence pourra être levée « à tout moment au cours d’exécution du contrat de travail » ou que le salarié pourra être libéré de la clause de non concurrence « pendant l’application de son contrat de travail », etc..