Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée le 24 janvier 2000 en qualité d'assistante clientèle, puis est nommée responsable clients Moyen-Orient à compter du 1er avril 2001.
Elle prend un congé sabbatique du 2 janvier au 1er décembre 2009 à l'issue duquel, son poste ayant été pourvu, elle s'est vu proposer plusieurs postes qu'elle a refusés.
Elle est finalement licenciée le 25 octobre 2011.
La salariée saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, estimant que l’entretien préalable ne s’est pas déroulé dans des conditions licites, compte tenu du délai séparant sa convocation et l’entretien préalable lui-même.
Afin d’avoir une idée précise de la présente affaire, précisons que :
- La lettre de convocation à l’entretien préalable, datée du 11 octobre 2011, a été envoyée en lettre recommandée ;
- Elle a été réceptionnée par la salariée le jeudi 13 octobre 2011 ;
- L’entretien étant prévu pour le mercredi 19 octobre suivant.
Dans un premier temps, la cour d’appel déboute la salariée de sa demande, relevant qu’elle bénéficiait bien d’un délai de 5 jours entre la date de réception de la lettre et l’entretien préalable.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement, l'arrêt retient que cette lettre recommandée avec avis de réception, datée du 11 octobre 2011 a été réceptionnée le 13 octobre 2011 et que cinq jours se sont bien écoulés avant le 19 octobre 2011 ;
Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis, rappelant que le délai de 5 jours « pleins » ne prend pas en compte le jour de la réception, pas plus que le dimanche qui n’est pas considéré comme « jour ouvrable ».
L’arrêt de la cour d’appel est donc cassé et annulé, les parties renvoyées devant la Cour d’appel de Paris.
Extrait de l’arrêt :
Vu l'article L. 1232-2 du code du travail ;
Attendu, selon ce texte, que l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation ; qu'il en résulte que le salarié doit disposer d'un délai de cinq jours pleins pour préparer sa défense, de sorte que le jour de la remise de la lettre ne compte pas dans le délai, non plus que le dimanche qui n'est pas un jour ouvrable ; (…)
Qu'en statuant ainsi alors qu'ayant reçu la lettre de convocation le jeudi 13 octobre 2011 pour un entretien fixé le mercredi 19 octobre suivant, la salariée n'avait pas bénéficié d'un délai de cinq jours ouvrables pleins, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la salariée de sa demande de dommages-intérêts au titre du non-respect de la procédure de licenciement, l'arrêt rendu le 18 décembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Commentaire de LégiSocial
Nous commençons nos commentaires en revenant sur le présent arrêt, afin d’apporter des précisions qui nous semblent utiles.
Le décompte des 5 jours ouvrables
Rappel des conditions légales
L’article L 1232-2 précise que l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de 5 jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.
Article L1232-2
L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.
La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation.
L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.
Le décompte de la Cour de cassation
Dans le présent arrêt, la Cour de cassation rappelle que le délai de 5 jours ouvrables obéit aux règles suivantes :
- Le jour de la présentation ne compte pas ;
- Si un dimanche se situe dans ce délai, il n’est pas pris en compte, n’étant pas un jour ouvrable.
De façon schématique, nous obtenons le décompte suivant :
Jeudi 13/10/11 | Vendredi 14/10/2011 | Samedi 15/10/2011 | Dimanche 16/10/2011 | Lundi 17/10/2011 | Mardi 18/10/2011 | Mercredi 19/10/2011 |
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Jour de la présentation, il n’est pas pris en compte | 1er jour | 2ème jour | N’est pas un jour ouvrable, donc exclu du décompte. | 3ème jour | 4ème jour | 5ème jour |
L’entretien devait se dérouler le jeudi 20/10/2011, afin de permettre à la salariée de bénéficier du délai de 5 jours ouvrables pleins.
Confirmation de jurisprudence
Dans un précédent arrêt du 20 mars 2013, la Cour de cassation avait également rappelé les règles du décompte des 5 jours ouvrables, séparant la convocation et l’entretien préalable.
Dans cet arrêt, était précisé que le jour de la présentation ne compte pas.
Extrait de l’arrêt :
Vu l'article L. 1232-2 du code du travail ;
Attendu, selon ce texte, que l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation ; qu'il en résulte que le salarié doit disposer d'un délai de cinq jours pleins pour préparer sa défense et que le jour de la présentation ou de remise de la lettre recommandée ne compte pas dans ce délai ;
L’affaire concernée
La chronologie des faits donne la présentation suivante :
- La convocation à l’entretien s’est faite le 15 mai 2009, soit un vendredi ;
- Le salarié a reçu sa lettre le lendemain 16 mai 2009 ;
- Le jour de la réception de la lettre n’est pas compté (Article L1233-11) , le « compteur » temps se déclenche donc le lendemain ;
- Il s’agit d’un délai de 5 jours au terme duquel l’entretien doit avoir lieu ;
- Le dimanche 17 mai 2009 n’est pas compté, ce n’est pas un jour ouvrable ;
- Si le délai débute le lundi 18 mai 2009, il expire le vendredi 22 mai 2009,
- Ce n’est donc qu’à partir du samedi 23 mai 2009 que l’entretien peut avoir lieu ;
- Le délai de 5 jours n’était donc pas respecté en l’espèce !
Chronologie sur le mois de mai 2009 | |||||||||
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Vendredi 15 | Samedi 16 | Dimanche 17 | Lundi 18 | Mardi 19 | Mercredi 20 | Jeudi 21 | Vendredi 22 | Samedi 23 | |
Envoi convocation | |||||||||
Réception convocation | |||||||||
Délai 5 jours ouvrables | N’est pas compté (jour de la réception de la lettre) | N’est pas compté (n’est pas un jour ouvrable) | 1er jour | 2ème jour | 3ème jour | 4ème jour | 5ème jour (fin du délai) | 1er jour où peut se dérouler l’entretien préalable (*) |
(*) Dans la plupart des cas, l’entretien préalable se déroule durant le temps de travail du salarié. Mais ce n’est pas une obligation. Le salarié peut être convoqué en dehors de son temps de travail. Dans ce cas, il devra être indemnisé s’il prouve qu’il subit un dommage (par exemple, indemnisation du temps passé en entretien payé comme du temps de travail, problème de garde d’enfant, etc.).
Cour de cassation du 20/03/2013, pourvoi n°12-11578
Expiration du délai de 5 jours
L’article R 1231-1 que nous reproduisons ci-après, précise que lorsque le délai de « 5 jours » expire un samedi, dimanche ou jour férié, alors il est prorogé au premier jour ouvrable qui suit.
Article R1231-1
Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
Lorsque les délais prévus par les dispositions légales du présent titre expirent un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, ils sont prorogés jusqu'au premier jour ouvrable suivant.