Un salarié à temps partiel ne doit pas se tenir à disposition permanente de son employeur

Jurisprudence
Temps partiel

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Contexte de l'affaire

Une salariée est engagée en qualité de femme de ménage à temps partiel.

Licenciée le 14 octobre 2009, la salariée saisit la juridiction prud'homale afin d’obtenir la requalification de son contrat de travail en contrat à temps plein.

A l’appui de sa demande, la salariée indique que son contrat de travail ne comporte nullement la répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine. 

Dans un premier temps, la salariée est déboutée de sa demande par la Cour d’appel d’Orléans, dans son arrêt 31 janvier 2013.

Elle relève en effet, que durant la période litigieuse abordée dans la présente affaire, des relevés des heures de travail de la salariée indiquaient :

  • Qu’elles débutaient de façon quasi systématique son travail à 8 heures ;
  • Pour le terminer à des heures variant entre 11h et le début de l’après-midi ;
  • Qu’elle ne travaillait par certains jours, notamment le samedi. 

Il en ressort qu’une répartition régulière était prévue, et ne se trouvait pas à la disposition permanente de l’employeur, pouvant ainsi aisément conclure un autre contrat de travail à temps partiel, et empêchant ainsi la requalification du présent contrat en temps plein.

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps complet, l'arrêt retient que pour la période litigieuse, qui commence en 2005, le liquidateur produit des relevés de ses heures de travail établis par Mme X..., celle-ci notant les jours travaillés avec heures d'arrivée et de départ, qu'il en résulte qu'elle arrivait quasiment toujours à 8 heures pour terminer à des heures variant entre 11 heures et le début de l'après-midi, ne travaillant pas certains jours et pas le samedi, que ces éléments objectifs sont beaucoup plus convaincants que les attestations stéréotypées de l'appelante et démontrent qu'une répartition régulière était prévue le matin à partir de 8 heures, qu'elle ne travaillait jamais au-delà du début de l'après-midi, des heures complémentaires pouvant être faites selon le nombre de chambres à nettoyer et qu'elle n'était donc pas à la disposition permanente de l'employeur et pouvait très bien conclure un autre temps partiel dans l'après-midi ; 

Mais cette argumentation n’est pas retenue par la Cour de cassation, qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les 2 parties devant une nouvelle cour d’appel.

Elle rappelle que la cour d’appel aurait dû vérifier si la salariée était en mesure de prévoir à quel rythme elle devait travailler et ne se trouvait pas dans l’obligation de se tenir en permanence à la disposition de l’employeur.

Extrait de l’arrêt :

Qu'en se déterminant ainsi, sans vérifier si la salariée était en mesure de prévoir à quel rythme elle devait travailler et ne se trouvait pas dans l'obligation de se tenir en permanence à la disposition de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X... de sa demande en requalification de son contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps complet et de rappel de primes d'ancienneté, l'arrêt rendu le 31 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Cour de cassation du , pourvoi n°14-12208

Commentaire de LégiSocial

Cet arrêt important est l’occasion pour nous de rappeler quelques notions importantes concernant le contrat de travail à temps partiel.

Sous quelle forme ?

Le contrat de travail, qu’il soit CDD ou CDI est obligatoirement écrit.

Le contrat à temps partiel non écrit, sera présumé être de plein droit être un contrat à temps plein. 

Charge à l’employeur de prouver le contraire, à savoir :

  • Rapporter la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue ;
  • Prouver que le salarié n'est pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il doit travailler ;
  • Prouver également que le salarié n’a pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur. 

Article L3123-14

Modifié par LOI n°2013-504 du 14 juin 2013 - art. 12 (V)

Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. 

Quel est le contenu ?

Le contenu du contrat est strictement encadré par le Code du travail au travers de son article L 3123-14 (nouvelle version depuis la loi du 14/06/2013).

Article L3123-14

Modifié par LOI n°2013-504 du 14 juin 2013 - art. 12 (V)

Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

Il mentionne :

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

L'avenant au contrat de travail prévu à l'article L. 3123-25 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d'heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat.

Requalification automatique ?

En l’absence d’une des mentions exposées plus haut, on serait tenté de penser que la requalification est automatique.

Une affaire traitée récemment par la Cour de cassation apporte un éclairage intéressant à ce sujet. 

Un salarié est engagé le 30/12/2002 en contrat à temps partiel en qualité d’agent de service par une entreprise de nettoyage.

Il est affecté au nettoyage des bus et tramways du réseau de transports publics de Nantes.

Il saisit  la juridiction prud'homale pour voir requalifier son contrat de travail en contrat à temps complet et obtenir paiement d'un rappel de salaire.

A l’appui de sa demande, le salarié fait remarquer que son contrat de travail ne mentionne pas les horaires de travail.

La Cour d’appel déboute le salarié de sa demande.

Les juges de la Cour de cassation confirment l’arrêt de la Cour d’appel, déboutent le salarié et rejettent le pourvoi.

A l’appui de leur arrêt, les juges considèrent que l’employeur produit des documents prouvant que le salarié était totalement au courant des horaires réguliers qui lui étaient imposés.

De ce fait, il n’avait pas à se tenir à la disposition de son employeur de façon permanente, le contrat à temps partiel n’avait pas à être requalifié en contrat à temps plein. 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre le demandeur dans le détail de son argumentation et qui n'avait pas à s'expliquer sur les éléments qu'elle écartait, a relevé qu'il résultait de la stabilité et de la régularité des horaires du salarié, attestées par les plannings versés aux débats par la société et un courrier du salarié, que l'employeur démontrait que l'intéressé connaissait le rythme auquel il devait travailler et qu'il n'était pas dans l'obligation de se tenir en permanence à la disposition de son employeur ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; 

Cour de cassation 5/10/2011 Pourvoi n° 10-20279 Arrêt 1986 F-D

Le contrat à temps partiel sans la répartition des horaires n’est pas obligatoirement requalifié à temps plein

Preuve une fois de plus que les « choses » ne sont pas si simples dans le domaine de la paie, nous rappelons ici un arrêt récent de la Cour de cassation, dans lequel elle indique qu’un contrat conclu à temps partiel sans indication précise des horaires démontre une carence qui déclenche simplement une présomption de travail à temps plein. 

Or il s’avère que le salarié en question était aussi salarié dans une autre société, il n’était donc pas dans l’obligation de se tenir en permanence à disposition de son employeur et que la requalification de son contrat à temps plein ne pouvait lui être accordé. 

Cour de cassation du 30/03/2011 Pourvoi 09-70853 F-D

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