Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 8 décembre 2008.
Le 17 mars 2011, son employeur et lui signent une convention de rupture du contrat de travail, homologuée par l'autorité administrative le 26 avril suivant.
Mais le salarié saisit la juridiction prud'homale de demandes tendant à la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de diverses sommes.
Le salarié indique en effet avoir été contraint de conclure cette rupture conventionnelle par son employeur, et avoir été « trompé » sur le versement de la contrepartie financière de la clause de non concurrence.
Concrètement, le jour de l’entretien au cours duquel le salarié avait sollicité un « licenciement conventionnel », un avertissement qui se concluait par une incitation à rompre le contrat de travail, avait été adressé par son employeur.
Dans cet avertissement, ce dernier lui reprochant de nombreux manquements professionnels (voir extrait de l’arrêt qui suit) :
Extrait de l’arrêt :
"Nous ne pouvons tolérer d'avantage vos manquements professionnels dans le suivi de votre activité commerciale et le fait de ne pas respecter les consignes qui vous sont données par votre supérieur hiérarchique. Les faits évoqués ci-dessus (...) constituent une faute, aussi nous vous notifions ce jour par la présente un avertissement (...). Nous attirons tout particulièrement votre attention sur le fait que si de tels incidents se reproduisaient nous pourrions être amenés à prendre une sanction plus grave. Par ailleurs, nous sommes particulièrement inquiets quant à la teneur de vos propos à l'occasion de ma visite de janvier 2011. Vous avez précisé ne plus vouloir travailler pour le groupe P… et vous avez expressément demandé à être licencié et à partir avec 5000 euros. Sans pour autant y voir un lien de cause à effet avec votre attitude récente des 28-31 janvier et premier février, nous vous demandons soit de continuer à exercer vos fonctions avec professionnalisme en exécutant votre contrat de bonne foi dans le respect de l'obligation de loyauté qui vous incombe, soit de prendre vos responsabilités en prenant l'initiative de la rupture de votre contrat de travail. Nous espérons que le présent courrier vous fera prendre conscience de l'impérieuse nécessité de changer d'attitude. "
Concernant la clause de non-concurrence, le salarié indiquait qu’au cours des entretiens préalables à la conclusion de la convention de rupture, il lui avait été confirmé qu’une contrepartie financière lui serait versée alors que cette clause était finalement levée par l’employeur après homologation de la convention de rupture.
Dans son argumentation, l’employeur rétorquait que selon lui l’existence d’un différend lors de la conclusion d’une rupture conventionnelle n’a pas pour effet de prononcer sa nullité.
Mais cela ne convainc pas la cour d’appel et la Cour de cassation qui donnent raison au salarié.
En l’espèce, un vice de consentement était relevé dans la présente affaire :
- Le salarié signe une convention de rupture, pensant bénéficier d’une contrepartie financière au titre de la clause de non-concurrence ;
- Finalement, l’employeur se délivre de cette obligation en levant la clause ;
- Rien n’indique que le salarié aurait été d’accord pour conclure une rupture conventionnelle en sachant qu’il ne bénéficiera pas par la suite de cette contrepartie financière ;
- La rupture conventionnelle était donc entachée de dol, entrainant sa nullité.
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu qu'ayant relevé, d'une part que l'employeur avait adressé au salarié, le jour où s'était tenu l'entretien à l'issue duquel ce salarié avait demandé un « licenciement conventionnel », un avertissement se concluant par une incitation à rompre son contrat de travail, d'autre part qu'il avait été indiqué au salarié lors des différents entretiens préalables à la rupture qu'il percevrait une indemnité égale aux deux tiers de son salaire net mensuel pendant douze mois au titre de la clause de non-concurrence, alors que l'employeur l'avait délié le 2 mai 2011 de cette clause, la cour d'appel qui, exerçant son pouvoir souverain d'appréciation, a fait ressortir que le consentement du salarié avait été vicié, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Commentaire de LégiSocial
C’est un arrêt notable que rend la Cour de cassation dans la présente affaire, nous permettant de rappeler au passage la notion fondamentale d’une rupture conventionnelle.
Un consentement libre des 2 parties
Instaurée par la loi LMMT (Loi de Modernisation Marché du Travail), loi n° 2008-596 du 25/06/2008, JO du 26/06/2008, la rupture conventionnelle repose sur une notion essentielle abordée dans la présente affaire : le consentement libre des 2 parties (employeur et salarié).
Article L1237-11
Créé par LOI n°2008-596 du 25 juin 2008 - art. 5
L'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties.
Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.
Revendiquer un vice de consentement
Rappelons que dans l’affaire présente, l’employeur s’était engagé (certes oralement, selon le présent arrêt) à verser au salarié une contrepartie financière au titre de la clause de non-concurrence après la rupture du contrat de travail.
Cette « manœuvre » selon la Cour de cassation avait influencé le salarié à conclure la convention de rupture.
Finalement, l’employeur levant la clause par la suite, permettait au salarié de revendiquer un vice de consentement dans le sens de l’article 1109 du code civil.
Article 1109
Créé par Loi 1804-02-07 promulguée le 17 février 1804
Il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.
Précision supplémentaire
Au sein du présent arrêt, la notion de « dol » est évoquée.
Rappelons en ici brièvement la définition.
Le dol est une manœuvre frauduleuse visant à :
- Tromper une personne dans le but d’obtenir son consentement (ici le salarié à conclure une rupture conventionnelle) ;
- Alors que ce consentement n’aurait pas été obtenu sans cette manœuvre.
Le dol ne se présume pas, c’est à celui qui prétend en être victime d’en apporter la réelle existence.
Le dol s’analyse en un vice de consentement, constituant une clause de nullité.
Selon la Cour de cassation, dans la présente affaire :
- L’employeur trompait le salarié, en lui faisant croire qu’il percevrait une contrepartie financière au titre de la clause de non-concurrence à la suite de la rupture conventionnelle ;
- Le salarié concluait la rupture conventionnelle, pensant percevoir cette somme par la suite ;
- Alors qu’une fois la convention de rupture homologuée, la clause était levée privant ainsi le salarié ;
- Il y avait bien « tromperie » sur le contrat signé !
C’est un arrêt notable que rend la Cour de cassation dans la présente affaire, nous permettant de rappeler au passage la notion fondamentale d’une rupture conventionnelle.
Un consentement libre des 2 parties
Instaurée par la loi LMMT (Loi de Modernisation Marché du Travail), loi n° 2008-596 du 25/06/2008, JO du 26/06/2008, la rupture conventionnelle repose sur une notion essentielle abordée dans la présente affaire : le consentement libre des 2 parties (employeur et salarié).
Article L1237-11
Créé par LOI n°2008-596 du 25 juin 2008 - art. 5
L'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties.
Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.
Revendiquer un vice de consentement
Rappelons que dans l’affaire présente, l’employeur s’était engagé (certes oralement, selon le présent arrêt) à verser au salarié une contrepartie financière au titre de la clause de non-concurrence après la rupture du contrat de travail.
Cette « manœuvre » selon la Cour de cassation avait influencé le salarié à conclure la convention de rupture.
Finalement, l’employeur levant la clause par la suite, permettait au salarié de revendiquer un vice de consentement dans le sens de l’article 1109 du code civil.
Article 1109
Créé par Loi 1804-02-07 promulguée le 17 février 1804
Il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.
Précision supplémentaire
Au sein du présent arrêt, la notion de « dol » est évoquée.
Rappelons en ici brièvement la définition.
Le dol est une manœuvre frauduleuse visant à :
- Tromper une personne dans le but d’obtenir son consentement (ici le salarié à conclure une rupture conventionnelle) ;
- Alors que ce consentement n’aurait pas été obtenu sans cette manœuvre.
Le dol ne se présume pas, c’est à celui qui prétend en être victime d’en apporter la réelle existence.
Le dol s’analyse en un vice de consentement, constituant une clause de nullité.
Selon la Cour de cassation, dans la présente affaire :
- L’employeur trompait le salarié, en lui faisant croire qu’il percevrait une contrepartie financière au titre de la clause de non-concurrence à la suite de la rupture conventionnelle ;
- Le salarié concluait la rupture conventionnelle, pensant percevoir cette somme par la suite ;
- Alors qu’une fois la convention de rupture homologuée, la clause était levée privant ainsi le salarié ;
- Il y avait bien « tromperie » sur le contrat signé !