La Cour de cassation rappelle les règles de prescription des fautes disciplinaires

Jurisprudence
Licenciement

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Contexte de l'affaire

Une salariée est engagée le 30 août 2004 par une association gérant une activité de crèche.

En dernier lieu, la salariée assumait les fonctions de coordinatrice de centre.

Les 1er et 2 mars 2010, les services de la CAF procèdent à un contrôle dans les locaux de l'association donnant lieu à un rapport écrit suivi d'un redressement.

Convoquée à un entretien préalable et mise à pied à titre conservatoire le 20 mai 2010, la salariée est licenciée pour faute grave par lettre du 7 juin 2010.

Mais elle décide de saisir la juridiction prud’homale, estimant dans l’affaire présente que son licenciement avait un caractère abusif, les faits qui lui sont reprochés étant prescrits. 

Dans un premier temps, la cour d’appel déboute la salariée de sa demande, mais cette dernière décide de se pourvoir en cassation, estimant que les faits incriminés devaient être frappés de forclusion, le délai de 2 mois étant largement dépassé.

Extrait de l’arrêt :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes au titre d'un licenciement abusif, alors, selon le moyen, qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la procédure de licenciement avait été mise en oeuvre à l'encontre de la salariée le 20 mai 2010 à raison de faits survenus en 2008 ; qu'en retenant, pour écarter la prescription, que la procédure de licenciement reposait sur le rapport de la CAF réceptionné par l'employeur le 22 ou 25 mai 2010, quand la réception de ce rapport après l'engagement de la procédure de licenciement suffisait à démontrer que l'employeur était informé des faits reprochés à la salariée avant la réception de ce rapport et indépendamment de ce rapport,

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel et rejette le pourvoi.

Les juges indiquent en effet, que l'employeur ne pouvait avoir eu une connaissance exacte des faits reprochés avant le 17 mai 2010, ce dont il résulte qu'au moment de l'engagement de la procédure disciplinaire le 20 mai suivant, les faits n'étaient pas prescrits. 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu que le moyen tend à remettre en discussion devant la Cour de cassation les motifs par lesquels la cour d'appel a fait ressortir que l'employeur ne pouvait avoir eu une connaissance exacte des faits reprochés avant le 17 mai 2010, ce dont il résulte qu'au moment de l'engagement de la procédure disciplinaire le 20 mai suivant, les faits n'étaient pas prescrits ; que le moyen ne peut être accueilli ; (…)

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du , pourvoi n°14-10865

Commentaire de LégiSocial

Profitons de l’affaire présente, pour rappeler quelques notions importantes concernant les fautes disciplinaires.

La faute : définition générale

Il n’existe pas de définition légale de la faute, la jurisprudence a permis de dégager de nombreux principes, parmi lesquels on peut citer :

  • Une faute est en principe constituée par un acte ou une abstention volontaire ;
  • Constitue une faute tout agissement du salarié considéré comme fautif par l’employeur. 

Faits et agissements qui ne peuvent être considérés comme des fautes :

A ce sujet, le code du travail dans son article L 1132-1 évoque de nombreuses situations pour lesquelles aucun licenciement ne peut être prononcé à savoir :

  • En raison de l’origine, du sexe, des mœurs du salarié ;
  • De son âge ;
  • De son état de santé ;
  • De son handicap ;
  • De sa grossesse ;
  • De ses opinions politiques, religieuses ou philosophiques ;
  • De son lieu de résidence (nouveau depuis la loi du 21/02/2014) ;
  • Etc.

Article L1132-1

Modifié par LOI n°2014-173 du 21 février 2014 - art. 15

Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Exemples de fautes disciplinaires :

  • Le non-respect des horaires ;
  • Des absences non autorisées par l’employeur ;
  • Le non-respect des consignes d’hygiène et de sécurité ;
  • Des actes d’indiscipline ;
  • Une tenue vestimentaire ;
  • L’alcoolisme au travail ;
  • Le tabagisme au travail ;
  • La négligence, c'est-à-dire l’exécution du travail sans y avoir apporté le soin nécessaire ;
  • La baisse volontaire du rendement dans la réalisation du travail ;
  • L’abandon de poste ;
  • La mauvaise réalisation du travail.

La faute grave

Lorsque l’on évoque le licenciement disciplinaire, la notion de « faute grave » est régulièrement abordée.

Pas de définition légale à ce sujet, mais la jurisprudence retient à ce niveau quelques notions fondamentales :

  • La faute grave correspond à des faits imputables au salarié qui constitue une violation du contrat de travail ;
  • La faute grave ne permet pas le maintien du salarié sur son lieu de travail (le licenciement est alors prononcé sans préavis).

La faute lourde

  • Une faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à son employeur ou à l’entreprise ;
  • La faute lourde ne permet pas le maintien du salarié sur son lieu de travail (le licenciement est alors prononcé sans préavis) 

Quelques exemples de fautes lourdes abordées par la Cour de cassation vous sont proposés à l’aide des liens suivants : 

Délai pour sanctionner des faits fautifs

Le code du travail donne une règle très précise concernant le délai pendant lequel l’employeur pourra prononcer une sanction vis-à-vis de son salarié.

Ainsi, un délai de 2 mois est possible, à partir du moment où l’employeur a connaissance des faits (c’est ce point précis qui est rappelé par l’arrêt que nous commentons aujourd’hui) pour prononcer une sanction (blâme, avertissement ou licenciement éventuellement). 

Article L1332-4 

Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Prescription des sanctions

De la même façon, un employeur ne peut prononcer une nouvelle sanction en rappelant des sanctions antérieures au-delà d’un délai de 3 ans.

Article L1332-5 

Aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l'engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l'appui d'une nouvelle sanction.