Contexte de l'affaire
C’est pour le moins une affaire… surprenante que nous vous proposons aujourd’hui.
Un salarié est engagé à compter du 14 septembre 1992, par un commissionnaire en douane.
Il exerce en dernier lieu les fonctions de chef d'équipe.
Près avoir été mis à pied de façon conservatoire, est finalement licencié par lettre du 26 mars 2010 pour faute grave.
Le motif de son licenciement ? Le fait d’avoir dérobé des marchandises, acte confirmé par le système de vidéosurveillance de l’entreprise.
Le salarié saisit la juridiction prud’homale, estimant que son licenciement devait être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.
A l’appui de sa demande, le salarié soutient avoir été autorisé par son supérieur hiérarchique (au passage, son frère) tout en précisant que les marchandises en cause appartenaient à une société en dépôt de bilan et qu'elles étaient destinées à la destruction.
Extrait de l’arrêt :
AUX MOTIFS QUE « s'agissant du vol d'embouts de perceuse, M. X... soutient qu'il a été autorisé par son supérieur hiérarchique, Monsieur Y... son frère, à emporter des embouts de perceuse hors de l'entreprise ; qu'il précise que les marchandises en cause appartenaient à une société en dépôt de bilan et qu'elles étaient destinées à la destruction
Dans un premier temps, la cour d’appel donne raison au salarié, estimant son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Dans son arrêt du 18 décembre 2013, la Cour d’appel de Versailles retient le fait que si le salarié a emporté hors de l'entreprise des marchandises appartenant à une société en dépôt de bilan et destinés à la destruction, il a agi avec l'autorisation de son supérieur hiérarchique, chef de quai, et sans prendre la précaution de se dissimuler alors qu'il savait que les lieux faisaient l'objet d'une vidéo-surveillance, de sorte qu'il en résulte un doute sur les pratiques en vigueur dans la société et que ce doute doit profiter au salarié.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour dire ce licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner en conséquence l'employeur à payer au salarié des dommages-intérêts, un rappel de salaire et les indemnités de rupture, l'arrêt retient que si ce dernier a emporté hors de l'entreprise des embouts de perçeuse appartenant à une société en dépôt de bilan et destinés à la destruction, il a agi avec l'autorisation de son supérieur hiérarchique, chef de quai, et sans prendre la précaution de se dissimuler alors qu'il savait que les lieux faisaient l'objet d'une vidéo-surveillance, de sorte qu'il en résulte un doute sur les pratiques en vigueur dans la société et que ce doute doit profiter au salarié ;
Mais la Cour de cassation ne partage pas le même avis.
Nonobstant le fait que le salarié ait agi avec l’approbation de son supérieur hiérarchique, il n’en reste pas moins vrai que cela n’enlève pas le caractère fautif de l’acte commis, soulignant le fait qu’il pouvait avoir comme conséquence de faire perdre son agrément à son employeur.
Cela constituait bien une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
L’arrêt est cassé et annulé en conséquence, les 2 parties renvoyées vers une nouvelle cour d’appel.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, alors que le fait qu'une infraction a été commise par un salarié avec l'autorisation d'un supérieur hiérarchique ne retire pas à ses agissements leur caractère fautif et alors que l'appréhension de marchandises sous douane même destinées à la destruction par un salarié travaillant pour le compte d'un commissionnaire en douane, susceptible de faire perdre son agrément à cet employeur, constitue une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 décembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Commentaire de LégiSocial
A l’occasion du présent arrêt, rappelons les différentes conséquences qu’entraîne un licenciement pour faute grave…
Préavis
Sauf dispositions conventionnelles, le licenciement pour faute grave empêche le maintien du salarié dans l’entreprise.
Aucune période de préavis n’est donc à observer, et aucune indemnité compensatrice n’est due à ce titre.
Indemnité de licenciement
Encore une fois, sauf dispositions conventionnelles ou usages contraires, le licenciement pour faute grave prive le salarié du paiement de toute indemnité de licenciement.
Congé payés
A la différence d’un licenciement pour faute lourde, la rupture du contrat de travail motivée par une faute grave n’empêche pas le paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés, à la fois pour la période éventuellement clôturée mais aussi celle qui est en cours au moment où se produit la rupture.
Allocations chômage
Quelle que soit le motif du licenciement, les allocations chômage versées par Pôle emploi ne tiennent pas compte du caractère grave de la faute reprochée au salarié licencié.