La poursuite des relations contractuelles à l’issue du CDD n’ouvre pas droit à l’indemnité de précarité

Jurisprudence
CDD

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Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé le 28 juin 2000, par divers contrats d'abord qualifiés de saisonniers, puis qualifiés de contrats à durée déterminée « extra » en qualité de chauffeur de grande remise.

Il saisit la juridiction prud'homale de demandes en résiliation judiciaire du contrat de travail et en paiement de sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

La cour d’appel et la Cour de cassation doivent répondre en l’occurrence à la question suivante : la poursuite d’une relation contractuelle au-delà du terme du CDD ouvre-t-elle droit à l’indemnité de précarité ? 

La Cour de cassation répond de façon claire à la question, en indiquant que l’indemnité de précarité n’est pas due, lorsque la relation contractuelle se poursuit, notamment en cas de requalification du contrat en CDI. 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu que l'indemnité de précarité prévue par l'article L. 1243-8 du code du travail, qui compense, pour le salarié, la situation dans laquelle il est placé du fait de son contrat à durée déterminée, n'est pas due lorsque la relation contractuelle se poursuit en contrat à durée indéterminée, notamment en cas de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Cour de cassation du , pourvoi n°13-17195

Commentaire de LégiSocial

Faisons le point sur le paiement de l’indemnité de précarité et sur l’attitude de la Cour de cassation dans cet arrêt du 7 juillet 2015.

Les 10 cas où l’indemnité n’est pas due

L’indemnité de précarité n’est pas due pour : 

  1. Pour un contrat CDD saisonnier ou pour un CDD réalisé dans un secteur où il est d’usage de recourir aux contrats CDD ;
  2. Pour un CDD réalisé dans le cadre de la politique de sauvegarde de l’emploi (contrat aidé) ;
  3. Lors de la rupture d’un contrat CDD par l’employeur pour une faute grave ou lourde du salarié ;
  4. En cas de rupture anticipée du contrat CDD à la demande du salarié ;
  5. Si à la fin du contrat CDD le salarié refuse un CDI (sauf si le CDI proposé est moins favorable pour le salarié, par exemple un salaire moins important) ;
  6. En cas de refus du salarié de prolonger le CDD (la mention indiquant un renouvellement automatique doit obligatoirement être présente sur contrat de travail, selon circulaire DRT 1992-14 du 29 août 1992, question/réponse 50);
  7. Si le contrat CDD se transforme en CDI, car le caractère précaire du contrat n’est plus existant ;
  8. Si la rupture se produit pendant la période d’essai ;
  9. Si le CDD est réalisé avec un jeune pendant ses vacances scolaires (quel que soit le motif du CDD), voir notre actualité à ce sujet en cliquant ici  ;
  10. 10. Lorsque le CDD est conclu dans le cadre d’un CDDI (CDD d’Insertion) modifié par la loi LRSA, contrat CDD qui est assimilé à un contrat CDD dans le cadre de la politique de l’emploi. 

La relation contractuelle ne se poursuit pas au-delà du terme du CDD

De façon très claire, le code du travail indique que le salarié ouvre droit au paiement d’une indemnité de précarité (sauf à se situer dans l’un des cas évoqués au point précédent bien entendu). 

Article L1243-8 

Lorsque, à l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation.

Cette indemnité est égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié.

Elle s'ajoute à la rémunération totale brute due au salarié. Elle est versée à l'issue du contrat en même temps que le dernier salaire et figure sur le bulletin de salaire correspondant.

La relation contractuelle se poursuit au-delà du terme du CDD : l’arrêt du 3/12/1997

Dans son arrêt du 3 décembre 1997, la Cour de cassation indiquait qu’en cas de poursuite au-delà du terme du CDD, l’indemnité de précarité était due.

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu qu'après avoir relevé que le contrat à durée indéterminée établi par la société, remis à la salariée à une date non précisée, portait une date postérieure à l'expiration du contrat à durée déterminée et que la société n'établissait pas avoir proposé au salarié le contrat à durée indéterminée avant la fin du contrat à durée déterminée, la cour d'appel en a justement déduit que l'indemnité de précarité était due ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 3 décembre 1997 
N° de pourvoi: 95-45093 Non publié au bulletin

Le présent arrêt : une attitude différente ?

Il semble que dans la décision que nous commentons aujourd’hui, l’attitude de la Cour de cassation soit différente, indiquant que la poursuite de l’activité au-delà du terme prévu d’un contrat CDD n’ouvre cette fois pas droit à l’indemnité de précarité. 

Il est toutefois, toujours prudent, de ne pas conclure trop rapidement, le contexte de chaque pouvant être différent… 

Et en cas de requalification en CDI alors que l’indemnité de précarité a été versée ?

Si nous nous référons à plusieurs arrêts de la Cour de cassation, nous pouvons noter que :

  • Le salarié qui a obtenu le paiement de l’indemnité de précarité au terme d’un CDD ;
  • Et qui voit ce contrat requalifié par la suite en CDI ;
  • Conserve cette indemnité. 

Arrêt du 9 mai 2001 

Extrait de l’arrêt :

Attendu, cependant, que l'indemnité de précarité qui compense pour le salarié, la situation dans laquelle il est placé du fait de son contrat à durée déterminée, lorsqu'elle est perçue par ce dernier à l'issue du contrat, lui reste acquise nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu que conformément aux dispositions de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour de Cassation est en mesure en cassant sans renvoi de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE mais seulement en ses dispositions relatives au remboursement de l'indemnité de précarité, l'arrêt rendu le 27 octobre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 9 mai 2001 
N° de pourvoi: 98-46205 Publié au bulletin

Arrêt du 9 mai 2001 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu que l'indemnité de précarité qui compense pour le salarié la situation dans laquelle il est placé du fait de son contrat à durée déterminée, lorsqu'elle est perçue par le salarié à l'issue du contrat, lui reste acquise nonobstant une requalification ultérieure de ce contrat en un contrat à durée indéterminée ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi .

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 9 mai 2001 
N° de pourvoi: 98-44090 Publié au bulletin

Arrêt du 30 mars 2005 

Extrait de l’arrêt :

Attendu, cependant, que l'indemnité de précarité qui compense pour le salarié, la situation dans laquelle il est placé du fait de son contrat à durée déterminée, lorsqu'elle est perçue par ce dernier à l'issue du contrat, lui reste acquise nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; (…)

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes de requalification du contrat à durée déterminée du 3 septembre 1998 en un contrat à durée indéterminée et d'indemnité de requalification et en ses dispositions relatives au remboursement des indemnités de précarité et au calcul de l'indemnité de licenciement, l'arrêt rendu le 31 janvier 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 30 mars 2005 
N° de pourvoi: 03-42667 Publié au bulletin