Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée le 10 janvier 2010, en qualité d'auxiliaire de vie selon contrat CDI à temps partiel.
Son employeur demande, le 25 novembre 2010, à son expert-comptable d'établir les documents de rupture du contrat de travail consécutifs à la démission de la salariée à la date du 30 novembre 2010.
Le 9 décembre 2010, l’employeur convoque la salariée à un entretien fixé au 20 décembre suivant en vue d'une rupture conventionnelle homologuée du contrat de travail.
Mais la salariée ne se présente pas à cet entretien.
Finalement, la salariée saisit la juridiction prud'homale, le 17 mars 2011, considérant que la proposition faite par l’employeur avait pour effet de priver sa démission de valeur.
Dans un premier temps, la cour d’appel déboute la salariée de sa demande, considérant que la salariée qui ne s’était pas présentée à l’entretien en vue de conclure une rupture conventionnelle ne l’avait de ce fait pas signée.
De ce fait, la salariée ne pouvait prétendre qu’elle avait renoncé à la rupture du contrat qui résultait de sa démission.
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu qu'ayant relevé que postérieurement à la démission de la salariée, celle-ci avait été convoquée par l'employeur à un entretien, auquel elle ne s'était pas présentée, en vue d'une rupture conventionnelle qui n'avait pas été signée, la cour d'appel, motivant sa décision, a pu en déduire l'absence de renonciation à la rupture du contrat de travail qui résultait de la démission de la salariée ; que le moyen n'est pas fondé ;
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel.
Commentaire de LégiSocial
Nous vous proposons dans notre partie commentaires, de revoir quelques points importants concernant la démission d’un salarié.
Les caractéristiques de la démission
La démission est un acte dont l’initiative appartient obligatoirement au salarié.
Un employeur ne peut pas « demander » au salarié de démissionner (tout comme le salarié ne peut pas demander « à être licencié »).
Ce sont parfois des termes que l’on entend, mais qui ne sont en aucun cas légalement admissibles.
La démission ne se présume pas.
C’est à celui qui invoque la démission (donc uniquement le salarié) de la prouver.
La démission peut être implicite ou explicite mais les juges hésitent pour la notion implicite.
Principes fondamentaux
- La démission doit résulter d’une volonté claire, sérieuse et non équivoque ;
- La décision doit être réfléchie ;
- La démission doit être libre.
Les cas suivants ne sont pas des démissions
La démission doit résulter d’une volonté claire, sérieuse et non équivoque
De ce fait, les cas suivants ne constituent pas des démissions, et l’employeur ne doit en aucun cas les considérer comme telles :
- L’absence non justifiée d’un salarié ;
- Le retour tardif d’un salarié après une suspension du contrat de travail.
Parfois, ce sont les juges de la Cour de cassation qui ont été amené à requalifier ou non l’absence du salarié comme l’expression d’une démission implicite.
- Démission : oui selon les juges
Salarié qui ne s’est pas présentée au terme d’un congé parental, malgré 2 courriers de relance.
Arrêt Cour de cassation 23/05/1995 arrêt 91-41070 D
Salariée pour laquelle l’employeur avait utilisé les services d’un huissier pour effectuer une sommation de reprendre le travail.
Arrêt Cour de cassation 10/05/1995 arrêt 91-44668 D
- Démission : non selon les juges
La démission donnée au moyen d'une lettre rédigée par le salarié à son domicile alors que le salarié était sujet à un état dépressif de nature à altérer son arrêt.
Arrêt de la Cour de cassation du 1/02/2000 arrêt 98-40244 D
La démission donnée sous le coup de l'émotion, le salarié ayant été hospitalisé le même jour et pendant 11 jours pour dépression nerveuse.
Cour de cassation 26/05/2010 arrêt 08-44923
Un salarié demande par courrier à son employeur quelles sont les formalités pour démissionner.
Du coup, son employeur le considère comme démissionnaire.
Ce que le salarié conteste, estimant de son côté avoir été licencié, il saisit le Conseil de prud’hommes afin d’obtenir gain de cause.
Les juges de la Cour de cassation donnent raison au salarié, l’employeur n’étant pas en droit de « supposer » que le salarié était en train de démissionner.
Cour de cassation 9/12/2010 pourvoi 09-41498
Vous pouvez retrouver cet arrêt en détails sur notre site à l’aide du lien suivant
Lire aussi : S'informer sur la démission ne veut pas dire démissionner Jurisprudence
Un salarié contractuel de la SNCF demande par courrier à son employeur quelles sont les formalités pour démissionner. Du coup, son employeur le considère comme démissionnaire. Ce que le salarié ...
La démission doit résulter d’une décision réfléchie
- Exemple du salarié qui démissionne sur un « coup de tête » et se rétracte ensuite, ne constitue pas une démission.
Arrêt de la Cour de cassation du 4/03/1998
Décision libre
- Par erreur : exemple de la lettre de démission écrite par un autre salarié, le démissionnaire ne sachant ni lire, ni écrire ;
- Par dol : le salarié n’avait pas connaissance des conséquences sur les allocations chômage ;
- Sous la menace : le salarié qui démissionne suite à des menaces ou insultes de son employeur.
Ainsi, les juges de la Cour de cassation considèrent que la lettre de démission écrite sous la contrainte, dans le bureau du directeur après une discussion et des pressions exercées sur le salarié n’est pas recevable car rédigée sous la menace.
Arrêt Cour de cassation 26/05/1993 arrêt 90-42188 D
Arrêt Cour de cassation 10/11/1998 arrêt 96-44299 D
Une salariée embauchée en contrat de professionnalisation est accusée par son employeur d’avoir volé dans la caisse.
Elle nie le vol.
Malgré cela, elle rédige le jour même une lettre de démission et une reconnaissance de dette en présence de membres de la gendarmerie.
Quelques jours, la salariée se rétracte et décide de saisir le Conseil de prud’hommes.
La Cour d’Appel vient de statuer sur le sujet, et considère en l’état que la démission a été rédigée sous l’emprise de la peur.
Par conséquent, la démission est requalifiée en un licenciement qui, n’ayant pas été notifié dans les formes, est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Cour d’Appel de Rennes du 29/03/2011 n° 09-7778