Contexte de l'affaire
La présente affaire concerne un salarié engagé afin d’assurer principalement des fonctions de gardien de salles d’un musée.
Entre le 1er janvier 2003 et le 31 décembre 2007, il effectue 70 semaines d'astreintes durant lesquelles il bénéficie d'un logement situé dans l'enceinte du musée.
Soutenant que ces temps d'astreinte constituent du temps de travail effectif, le salarié saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes.
Dans un premier temps, la cour d’appel déboute le salarié de sa demande, estimant que le salarié était libre de vaquer à des occupations personnelles, de sorte que quoique logé au sein du musée il restait dans sa sphère privée.
Ces périodes d’astreinte ne pouvaient donc être qualifiées de temps de travail effectif, générant ainsi des heures supplémentaires et du repos compensateur.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes au titre des heures supplémentaires, en réparation du préjudice subi du fait du non-respect des dispositions légales relatives au repos compensateur et limiter à une certaine somme la réparation du préjudice subi pour le non-respect par l'employeur des dispositions relatives aux durées quotidienne et hebdomadaire maximales de travail, l'arrêt retient qu'en temps normal, l'intéressé était libre de vaquer à des occupations personnelles, de sorte que quoique logé au sein du musée il restait dans sa sphère privée ;
Mais ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les deux parties devant la Cour d’appel de Metz.
En effet, les juges indiquent que pendant les « périodes d'astreinte » le salarié était tenu de rester dans l'enceinte du musée afin de pouvoir répondre aux situations d'urgence, et qu'il ne pouvait en sortir que sur autorisation de l'employeur.
Ces périodes devaient être assimilées à du temps de travail effectif.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que pendant les périodes d'astreinte le salarié était tenu de rester dans l'enceinte du musée afin de pouvoir répondre aux situations d'urgence, et qu'il ne pouvait en sortir que sur autorisation de l'employeur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes au titre des heures supplémentaires, ainsi que des congés payés y afférents, en réparation du préjudice subi du fait du non-respect des dispositions légales relatives au repos compensateur, et limite à la somme de 5 000 euros la réparation du préjudice subi pour le non-respect par l'employeur des dispositions relatives aux durées quotidienne et hebdomadaire maximales de travail, l'arrêt rendu le 13 décembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Commentaire de LégiSocial
Afin de ne pas rencontrer des soucis analogues à ceux présentés dans la présente affaire, nous vous proposons de prendre connaissance de quelques notions de base concernant l’astreinte.
Notion de base
Le code du travail dans son article L3121-5 définit la période d’astreinte comme :
- Une période pendant laquelle le salarié sans être à la disposition de son employeur doit se tenir à son domicile ou à proximité de son lieu de travail afin de pouvoir intervenir dans les locaux de la société ;
- Le temps d’astreinte n’est pas du temps de travail effectif ;
- L’intervention est considérée comme temps de travail effectif ainsi que le trajet « aller et retour » du salarié pour se rendre sur le lieu où sa présence est requise.
Article L3121-5
Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.
La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.
La mise en place
Les astreintes sont instaurées au sein de l’entreprise par :
- conventions ou accords collectifs étendus ;
- accords d'entreprise ou d’établissements ;
- de façon unilatérale, après information et consultation du comité d'entreprise ou, en l'absence de comité d'entreprise, des délégués du personnel, et après information auprès de l'inspecteur du travail.
Article L3121-7
Les astreintes sont mises en place par convention ou accord collectif de travail étendu ou par accord d'entreprise ou d'établissement, qui en fixe le mode d'organisation ainsi que la compensation financière ou sous forme de repos à laquelle elles donnent lieu. A défaut de conclusion d'une convention ou d'un accord, les conditions dans lesquelles les astreintes sont organisées et les compensations financières ou en repos auxquelles elles donnent lieu sont fixées par l'employeur après information et consultation du comité d'entreprise ou, en l'absence de comité d'entreprise, des délégués du personnel s'il en existe, et après information de l'inspecteur du travail.
L’accord doit prévoir
- Une compensation quelle soit financière ou sous forme de temps de repos ;
- Le mode organisation de l’astreinte ;
- Respect des durées maximales des durées de travail et le respect des temps de repos ;
- Le délai de prévenance.
Astreinte et repos
Sauf dans le cas où une intervention se produit, les périodes d’astreinte sont décomptées des durées minimales de repos, à savoir :
- Repos Quotidien de 11 heures consécutives ;
- Repos hebdomadaire de 35 heures consécutives.
En d’autres termes, le salarié qui est d’astreinte le week-end, sans avoir fait d’intervention sera considéré comme ayant bénéficié de son repos minimum hebdomadaire.
Article L3121-6
Exception faite de la durée d'intervention, la période d'astreinte est prise en compte pour le calcul de la durée minimale de repos quotidien prévue à l'article L. 3131-1 et des durées de repos hebdomadaire prévues aux articles L. 3132-2 et L. 3164-2.
Astreinte et repos en cas d’intervention
Si le salarié est amené à intervenir
Lorsqu’une intervention a lieu pendant la période d’astreinte, le repos intégral doit être donné à compter de la fin de l’intervention, sauf si le salarié a déjà bénéficié entièrement, avant le début de son intervention, de la durée minimale de repos continu prévue par le code du travail (11 h consécutives pour le repos quotidien, 35 h consécutives pour le repos hebdomadaire).
« Si une intervention a lieu pendant la période d’astreinte, le repos intégral doit être donné à compter de la fin de l’intervention sauf si le salarié a déjà bénéficié entièrement, avant le début de son intervention, de la durée minimale de repos continue prévue par le code du travail (11 h consécutives pour le repos quotidien, 35 h consécutives pour le repos hebdomadaire). »
Circulaire DRT no 2003-06 du 14 avril 2003 relative au temps de travail et au SMIC - Fiches techniques
Si le salarié est amené à intervenir pour des travaux « urgents »
Il existe un cas particulier, celui pour lequel l’intervention répond aux besoins de « travaux urgents dont l’exécution immédiate est nécessaire pour organiser des mesures de sauvetage, pour prévenir des accidents imminents ou réparer des accidents survenus au matériel, aux installations ou aux bâtiments de l’établissement ».
Dans ce cas :
- Le repos hebdomadaire peut être suspendu et il peut être dérogé au repos quotidien ;
- Lorsqu’une intervention a lieu durant un jour de repos hebdomadaire, chaque salarié doit bénéficier d’un repos compensateur d’une durée égale au repos supprimé.
- La dérogation au repos quotidien est possible à condition que des périodes au moins équivalentes de repos soient accordées aux salariés concernés. Lorsque l’octroi de ce repos n’est pas possible, une contrepartie équivalente doit être prévue par accord collectif (article D. 3131-6).
Cependant, comme l’indiquait la circulaire 2000-03 du 3 mars 2000, dans le cas où l’intervention faite au cours de l’astreinte répond aux besoins de « travaux urgents dont l’exécution immédiate est nécessaire pour organiser des mesures de sauvetage, pour prévenir des accidents imminents ou réparer des accidents survenus au matériel, aux installations ou aux bâtiments de l’établissement » dans le cadre défini aux articles L. 221-12 et D. 220-5, le repos hebdomadaire peut être suspendu et il peut être dérogé au repos quotidien. Lorsqu’une intervention a lieu durant un jour de repos hebdomadaire, chaque salarié doit bénéficier d’un repos compensateur d’une durée égale au repos supprimé. La dérogation au repos quotidien est possible à condition que des périodes au moins équivalentes de repos soient accordées aux salariés concernés. Lorsque l’octroi de ce repos n’est pas possible, une contrepartie équivalente doit être prévue par accord collectif (article D. 220-7).
Circulaire DRT no 2003-06 du 14 avril 2003 relative au temps de travail et au SMIC - Fiches techniques
Les compensations
Il est obligatoire d’attribuer des compensations au salarié sous astreinte, à défaut de quoi l’astreinte ne sera pas mise en place de façon légale.
Les compensations possibles sont :
- contrepartie financière et/ou sous forme de repos ;
- si la rémunération est au forfait au départ, la contrepartie financière s’ajoutera à la rémunération forfaitaire.
Autrement dit un salarié rémunéré 10€ de l’heure lorsqu’il exécute son travail, peut bénéficier pendant le temps passé sous astreinte de :
- Paiement des heures à 10€ ou un taux horaire inférieur ;
OU
- Une compensation par du repos (exemple : 1h pour 3 heures d’astreinte) ;
- Paiement à un taux horaire inférieur ET une compensation en repos.
Le temps d’intervention
Il est considéré comme travail effectif, donc pris en compte pour la majoration des heures supplémentaires
Le temps de trajet aller-retour est considéré comme faisant partie de l’intervention.
Nota :
L’accident qui survient lors du trajet aller-retour lors d’une intervention doit être considéré comme un accident de travail et non un accident de trajet.
On considère en l’état que le salarié se trouve « en mission ».