Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé sous contrat CDD et à temps partiel, du 3 février 2005 en qualité d'employé administratif.
48 autres contrats à durée déterminée suivent dans le temps jusqu'à la fin du mois d'août 2009, soit un total de 300 jours de travail.
Le salarié saisit la juridiction prud'homale, demandant le paiement de diverses sommes liées à la requalification des contrats en contrat CDI.
Dans son arrêt du 27 février 2014, la Cour d'appel d'Orléans requalifie les 49 contrats en contrats CDI, avec paiement de l’indemnité de requalification au moins égale à un mois de salaire, ainsi que des indemnités correspondant à un licenciement sans cause réelle.
De plus, la cour d’appel considère que le salarié ouvrait droit aux paiements des périodes interstitielles, à savoir les périodes séparant chacun des contrats CDD, estimant que le salarié s’était tenu à disposition de son employeur.
Elle estimait ainsi qu’il existait une présomption en faveur du salarié.
Mais la Cour de cassation ne partage pas cet avis, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les deux parties devant la Cour d’appel de Bourges.
Les juges estiment en effet qu’il appartenait au salarié d’établir qu’il s’était tenu à la disposition de son employeur pendant ces périodes interstitielles, rejetant ainsi la présomption qu’évoquait la cour d’appel dans son arrêt du 27 février 2014.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour condamner la société à verser au salarié des sommes pour les salaires interstitiels à mi-temps du 3 novembre 2006 au 31 août 2009, l'arrêt retient que pendant longtemps, le salarié a toujours dû supporter la charge de la preuve qu'il s'était tenu à la disposition de l'employeur durant les périodes dont il réclamait la prise en compte, que la jurisprudence instaurée par la chambre sociale de la Cour de cassation, à laquelle cette cour se rallie, présume que les salariés se sont tenus à la disposition de leur employeur dans les périodes interstitielles, cette présomption pouvant être renversée par l'employeur par la démonstration, par exemple, que le salarié avait refusé de travailler pendant cette période, que la société, en l'occurrence, ne fait pas la démonstration qui pourrait renverser cette présomption puisqu'elle ne produit, à cet effet, aucune pièce, et que la démonstration par l'employeur que le salarié a perçu d'autres salaires pendant cette période, à temps partiel, ce qui est le cas de l'espèce, ne suffit pas, à elle seule à démontrer que le salarié ne s'est pas tenu à sa disposition ;
Qu'en statuant ainsi alors qu'il appartenait au salarié d'établir qu'il s'était tenu à la disposition de l'employeur pendant les périodes interstitielles, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société à verser au salarié des sommes pour les salaires interstitiels à mi-temps du 3 novembre 2006 au 31 août 2009 et pour le treizième mois dû pour les vingt-cinq mois interstitiels, l'arrêt rendu le 27 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Commentaire de LégiSocial
Profitons de l’affaire présente pour rappeler quelques notions importantes concernant la requalification des contrats CDD.
Calcul de l’indemnité de requalification
Le Code du travail, dans son article L 1245-2 indique que l’indemnité ne peut être inférieure à 1 mois de salaire.
Article L1245-2
Lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine.
Lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s'applique sans préjudice de l'application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.
La Cour de cassation le confirme dans un récent arrêt, en précisant que l’indemnité ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel perçu avant la saisine du Conseil de prud’hommes par le salarié.
Cour de cassation du 17/06/2005 arrêt 03-44900
Successions de CDD requalifiés
Lorsque la requalification porte sur une succession de CDD, seule une indemnité doit être versée, et non une indemnité par contrat concerné.
Cour de cassation du 25/05/2005. Arrêts 03-43146, 03-44942 et 03-43214
Cour de cassation du 22/06/2011 Arrêt 09-71156
Pas de requalification sans demande du salarié
Une affaire récemment traitée par la Cour de cassation rappelle que le contrat CDD ne peut être requalifié en CDI que si le salarié… en fait la demande.
Á défaut, elle ne peut en aucun cas être imposée d’office par le juge.
Cour de cassation du 12/12/2012, pourvoi n° 11-20135
Pas de présomption en faveur du salarié.
Au sein du présent arrêt de la Cour de cassation, est fait référence à l’article 1315 du code civil, que nous reproduisons ci-après :
Article 1315
Créé par Loi 1804-02-07 promulguée le 17 février 1804
Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
En vertu de cet article, il appartenait au salarié de prouver qu’il s’était tenu à la disposition de son employeur pour ouvrir droit au paiement des périodes interstitielles.
En faisant peser sur l’employeur la charge de la preuve selon laquelle le salarié ne se serait pas tenu à sa disposition au cours des périodes non travaillées, la cour d'appel avait donc inversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 du code civil et 9 du code de procédure civile.
Extrait de l’arrêt :
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en faisant peser sur l'employeur la charge de la preuve d'un fait négatif selon lequel le salarié ne se serait pas tenu à sa disposition au cours des périodes non travaillées, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 du code civil et 9 du code de procédure civile ;