Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée le 9 janvier 2002 en qualité de commerciale.
Elle est licenciée pour motif économique le 31 octobre 2006.
Par un arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion du 12 juillet 2011, le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse.
Le 12 juillet 2012, Pôle emploi saisit la cour d'appel d'une demande de condamnation de l'employeur à rembourser les indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de 6 mois.
Dans son arrêt du 29 novembre 2013, la Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion donne raison aux services du Pôle emploi, relevant que l’employeur justifiait d’un effectif de 8,32 salariés au sein d’une entreprise mais ne fournir aucun élément sur l’effectif du second établissement.
De ce fait, l’employeur n’établit pas qu’il réunit les conditions légales nécessaires à la dispense de remboursement des indemnités de chômage en cause.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que M. X... justifie qu'à la date du licenciement de la salariée l'établissement (…) ne disposait que d'un effectif de 8,32 salariés; que cependant il ne fournit aucun élément sur l'effectif de son second établissement, dénommé (…) géré dans le cadre d'une profession libérale, alléguant seulement qu'il y exerce seul son activité ; que dès lors il n'établit pas qu'il réunit les conditions légales nécessaires à la dispense de remboursement des indemnités de chômage en cause ;
La Cour de cassation ne partage pas le même avis, elle casse et annule le présent arrêt de la cour d’appel, indiquant que la seule constatation de l’identité d’exploitant de 2 entreprises aux activités distinctes sans lien entre elles est insuffisante pour retenir l’existence d’une seule entité de plus de 11 salariés.
Extrait de l’arrêt :
Attendu cependant qu'il résulte des articles L. 1235-4 et L. 1235-5 du code du travail que l'employeur qui emploie habituellement moins de onze salariés n'est pas tenu de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que la seule constatation de l'identité d'exploitant de deux entreprises aux activités distinctes sans lien entre elles était insuffisante pour retenir l'existence d'une seule entité, ce dont il résultait que le périmètre à prendre en considération pour l'appréciation de l'effectif était celui de l'entreprise (…) dans laquelle était employée la salariée licenciée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
A l’occasion de la présente affaire, nous vous rappelons quelques notions concernant la requalification d’un licenciement en licenciement injustifié (ou sans cause réelle et sérieuse).
Les raisons d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse
Il existe plusieurs raisons pour lesquelles le licenciement peut être considéré sans cause réelle et sérieuse :
- Lorsque le motif énoncé dans la lettre de licenciement n’est pas valable ;
- Le motif du licenciement repose sur des faits dont l’existence reste douteuse pour les juges ;
- Le motif du licenciement n’est pas suffisamment grave pour rompre le contrat de travail ;
- L’absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement.
Les raisons d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse : cas particuliers
Selon la Cour de cassation, certaines règles de procédure s’apparentent à des « règles de fond ».
C’est ainsi que des licenciements qui semblent être « irréguliers », et pour lesquels les règles de procédure non respectées sont de très grande importance, deviennent réellement des licenciements sans cause réelle et sérieuse.
Les exemples qui peuvent être proposés sont les suivants :
Le licenciement pour motif disciplinaire est prononcé plus d’un mois après l’entretien préalable
Dans ce cas, c’est l’article L 1332-2 du code du travail qui n’est pas respecté.
Article L1332-2
Modifié par LOI n°2012-387 du 22 mars 2012 - art. 48
Lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.
Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.
Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.
La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé.
La Cour de cassation s’est également prononcée sur cette situation particulière.
Cour de cassation du 16/03/1995, pourvoi 90-41213
Cour de cassation du 21/03/2000 pourvoi 98-40345
Notification imprécise du licenciement
Cour de cassation du 29/11/1990 pourvoi 88-44308
Cour de cassation du 17/01/2001, pourvoi 98-46447
Licenciement « verbal »
Cour de cassation du 30/09/1992 pourvoi 88-44080
Licenciement notifié à la mauvaise adresse
Précisons dans ce cas, que l’erreur commise est du fait de l’employeur.
Cour de cassation du 7/07/2004 pourvoi 02-43100
Le non-respect de certaines procédures conventionnelles
Concrètement, sont visées certaines procédures prévues par la convention collective applicable dans l’entreprise.
La Cour de cassation considère alors qu’il ne s’agit pas d’une irrégularité de procédure (dans ce cas, le licenciement serait considéré comme irrégulier) mais bel et bien d’un licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse.
Les exemples sont nombreux, nous vous proposons les références suivantes :
Cour de cassation du 5/03/2010, pourvoi 08-42844 ;
Cour de cassation du 21/10/2008, pourvoi 07-42170 ;
Cour de cassation du 18/05/2011, pourvoi 09-72787 ;
Cour de cassation du 27/03/2013, pourvoi 11-20737.
Le non-respect de l’engagement de l’employeur lors d’un licenciement économique
La Cour de cassation vient de se prononcer à ce sujet, très récemment.
L’affaire concernait un salarié qui avait adhéré à une convention de congé de reconversion après avoir signé un protocole d’accord stipulant qu’un cabinet de reclassement devait proposer au minimum 3 offres d’emploi valables par salarié.
Licencié au terme du congé de conversion, sans avoir eu d’offres d’emploi, le salarié saisit la juridiction prud’homale.
La Cour de cassation considère que le licenciement est alors dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Cour de cassation du 30/09/2013 pourvoi 12-13439
Lettre de licenciement signée par une personne étrangère à l’entreprise
Prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, celui pour lequel la lettre de licenciement est signée par une personne étrangère à l’entreprise.
Cour de cassation du 26/04/2006, pourvoi 04-42860
Autre cas particulier
La Cour de cassation s’est prononcée sur le cas d’un salarié licencié en raison de l’action en justice qu’il avait menée sur le fondement d’une violation du principe « à travail égal, salaire égal ».
Le licenciement est alors considéré sans cause réelle et sérieuse et non pas nul comme le demandait le salaire en l’occurrence.
Cour de cassation du 20/02/2008 pourvois 06-40085 06-40615
Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse : les sanctions vis-à-vis des allocations chômage
Le salarié a au moins 2 ans d’ancienneté et l’entreprise compte 11 salariés et plus
L’employeur peut être condamné à rembourser tout ou partie des allocations chômage versées au salarié depuis le licenciement jusqu’au jugement, dans la limite de 6 mois.
Article L1235-4
Dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.
Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Le salarié a moins de 2 ans d’ancienneté et/ou se situe dans une entreprise de moins de 11 salariés
Le remboursement des allocations chômage n’est pas envisageable dans le cas présent.
Extrait de l’arrêt
Attendu que l'arrêt attaqué ordonne le remboursement par M. X... aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Mme Y..., du jour de son licenciement sans cause réelle et sérieuse au jour du jugement prud'homal, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'entreprise comptait plus de dix salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné l'employeur au remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à la salariée, l'arrêt rendu le 25 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;Cour de cassation du 27/05/2009 pourvoi 07-45582