Contexte de l'affaire
Une fois n’est pas coutume, la présente affaire fera l’objet de 2 publications, l’affaire concernée nous permettant de préciser 2 points importants concernant la rupture conventionnelle.
Un salarié est engagé le 9 décembre 2002 en qualité de magasinier livreur.
L’employeur et le salarié ont, le 6 juin 2009, signé une convention de rupture fixant au 16 juillet 2009 la date de rupture du contrat de travail, le délai de rétractation expirant le 22 juin 2009.
Par courrier du 21 juin 2009 adressé à l'autorité administrative, l'avocat du salarié indique que son client entend rétracter la convention de rupture.
Par courrier du 2 juillet 2009 adressé à son employeur, le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de ce dernier.
La convention de rupture est finalement homologuée le 13 juillet 2009.
Estimant abusive la rupture de son contrat de travail, le salarié saisit la juridiction prud'homale.
Dans son arrêt du 27 février 2014, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence déboute le salarié de sa demande.
La Cour de cassation confirme l’arrêt et rejette le pourvoi.
Elle précise à l’occasion du présent arrêt :
- Que la prise d’acte ne peut intervenir qu’avant que le contrat de travail ne soit rompu ;
- Qu’en matière de rupture conventionnelle, le contrat n’est rompu qu'à la date fixée par la convention, si elle est homologuée ;
- La prise d’acte ayant eu lieu le 2 juillet 2009, la rupture conventionnelle n’avait pris effet aux termes de la convention de rupture que le 16 juillet 2009, ce dont il résultait que la prise d’acte était antérieure à la rupture ;
- Mais qu’en l’absence de rétractation de la convention de rupture, un salarié ne peut prendre acte de la rupture du contrat de travail, entre la date d'expiration du délai de rétractation et la date d'effet prévue de la rupture conventionnelle, que pour des manquements survenus ou dont il a eu connaissance au cours de cette période.
Or dans cette affaire :
- Les faits rappelés par le salarié à l’appui de sa prise d’acte se trouvaient être antérieurs à l’expiration ;
- Le salarié ne s’était pas rétracté (NDLR : comme nous vous l’indiquions en préambule, une seconde actualité traitera de ce deuxième point soulevé par la présente affaire, la rétraction n’étant pas admise en l’espèce).
Le salarié est donc débouté de ce fait, l’arrêt de la Cour d’appel confirmé et le… pourvoi rejeté.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre d'une rupture abusive du contrat de travail alors, selon le moyen, que lorsque plusieurs actes de rupture du contrat de travail interviennent, seul le premier, chronologiquement, doit être pris en considération ; que lorsque la prise d'acte intervient avant que le contrat de travail ne soit autrement rompu, il appartient en premier lieu au juge de rechercher si elle est justifiée et peut s'analyser en un licenciement non causé ; que le contrat de travail n'est rompu, en cas de rupture conventionnelle, qu'à la date fixée par la convention, si elle est homologuée ; que la cour d'appel a relevé que la prise d'acte était intervenue le 2 juillet 2009 et que la rupture conventionnelle n'avait pris effet, aux termes de la convention signée par les parties, qu'à la date du 16 juillet 2009, ce dont il résultait que la prise d'acte était antérieure à la rupture ; qu'il en résulte qu'il incombait à la cour d'appel d'analyser les faits invoqués par le salarié à l'appui de sa prise d'acte pour déterminer les effets que cette dernière devait produire ; qu'en considérant qu'il n'était nul besoin d'examiner le courrier du 2 juillet 2009, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'il résulte des articles L. 1237-13 et L. 1237-14 du code du travail qu'en l'absence de rétractation de la convention de rupture, un salarié ne peut prendre acte de la rupture du contrat de travail, entre la date d'expiration du délai de rétractation et la date d'effet prévue de la rupture conventionnelle, que pour des manquements survenus ou dont il a eu connaissance au cours de cette période ;
Et attendu qu'il résulte du renvoi par l'arrêt attaqué aux conclusions des parties, que tous les manquements invoqués par le salarié étaient antérieurs à l'expiration, le 22 juin 2009, du délai de rétractation ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Commentaire de LégiSocial
C’est un arrêt pour le moins instructif que nous abordons ici, et dont nous pouvons mesurer les effets selon nous comme suit :
Une rupture conventionnelle n’interdit pas une prise d’acte
Même si cela peut être surprenant, la rupture conventionnelle reposant sur le consentement des deux parties concernées, le présent arrêt de la Cour de cassation n’en interdit pas pour autant la possibilité de prendre acte, nonobstant le fait qu’une convention de rupture soit conclue.
Date d’effet de la prise d’acte et date rupture selon convention de rupture
La prise d’acte a pour effet de rompre immédiatement le contrat de travail, sans qu’aucun préavis ne soit effectué.
A priori, nous pouvions imaginer que :
- Le salarié prenant acte le 2 juillet 2009 ;
- Alors que la date prévue et indiquée sur la rupture conventionnelle était le 16 juillet 2009 ;
- La prise d’acte prendrait effet le 2 juillet 2009, mettant fin au contrat à cette date, et non au 16 juillet 2009 !
Articulation prise d’acte et rupture conventionnelle
La prise d’acte est admise
C’est le cas, lorsque les faits invoqués par le salarié lors de sa prise d’acte sont survenus (ou ont été portés à la connaissance du salarié) durant la période [fin délai de rétraction- date rupture indiquée sur la convention de rupture].
La prise d’acte n’est pas admissible
C’est le cas, comme dans la présente affaire, lorsque les faits invoqués par le salarié lors de sa prise d’acte sont survenus (ou ont été portés à la connaissance du salarié) avant la période [fin délai de rétraction- date rupture indiquée sur la convention de rupture].