Contexte de l'affaire
Dans la présente affaire, un salarié demande un rappel de salaire, pour la période de mai 2005 à décembre 2007.
Il indique en effet ne pas avoir bénéficié des minima conventionnels applicables aux salariés cadres sous forfait-jours, alors que son bulletin de paie indiquait expressément que sa rémunération était fixée selon une convention de forfait-jours.
Extrait de l’arrêt :
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... sollicite la condamnation de la (…) à lui verser la somme de 25. 970 euros à titre d'arriérés de salaire conventionnel pour la période de mai 2005 décembre 2007 outre une somme de 2. 597 euros pour les congés payés y afférents, en faisant état d'une convention de forfait ;
De son côté, l’employeur s’oppose à la demande du salarié, faisant remarquer qu’aucune convention individuelle de forfait n’avait été signée avec le salarié concerné.
Dans un premier temps, la cour d’appel donne raison au salarié, au motif que les bulletins de salaire faisaient bien état d’une convention de forfait.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour accueillir les demandes du salarié tendant à obtenir un rappel de salaire conventionnel et de congés payés et à ordonner la remise des documents sociaux, l'arrêt retient que la réalité de la convention de forfait en jours sur l'année résulte des mentions portées par l'employeur sur les bulletins de salaire du salarié ;
Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les deux parties devant une nouvelle cour d’appel.
Elle rappelle, comme l’indiquait l’employeur dans son argumentation, qu’aucune convention individuelle de forfait n’avait été passée par écrit entre les parties.
En d’autres termes, le simple fait d’indiquer sur un bulletin de paie indique que le salarié est au forfait ne permet pas d’en déduire l’existence d’une convention individuelle dûment signée par le salarié.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations qu'aucune convention individuelle de forfait n'avait été passée par écrit entre les parties, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Commentaire de LégiSocial
Le présent arrêt de la Cour de cassation nous permet de rappeler quelques notions importantes concernant les conventions de forfaits annuels en jours.
Un accord collectif nécessaire
Le code du travail réglemente les forfaits annuels, en précisant qu’un employeur ne peut signer avec des salariés des conventions individuelles de forfait en en jours (ou en heures) qu’à la stricte condition qu’un accord collectif le prévoie.
Article L3121-39
Modifié par LOI n°2008-789 du 20 août 2008 - art. 19 (V)
La conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.
Contenu minimum de l’accord
L’accord collectif doit contenir au minimum les clauses suivantes :
- Durée annuelle de travail à partir de laquelle le forfait de chaque salarié est fixé (jours) ;
- Catégories de salariés susceptibles de bénéficier d’une convention individuelle de forfait en heures ou en jours sur l’année ;
- Caractéristiques principales de ces conventions ;
- Modalités applicables en cas d’entrée ou sortie en cours d’année ;
Salariés concernés par les conventions en jours
Sont concernés les cadres ayant une autonomie d’organisation.
Sont aussi concernés les salariés, cadres ou non-cadres, dont l'employeur ne peut pas prédéterminer la durée de travail et qui dispose d'une réelle autonomie dans l'organisation de son emploi du temps pour l'exercice de ses responsabilités
Article L3121-43
Modifié par LOI n°2008-789 du 20 août 2008 - art. 19 (V)
Peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année, dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l'accord collectif prévu à l'article L 3121-39 :
1° Les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;
2° Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.
Pas pour les cadres dirigeants
En tout état de cause, ces conventions de forfait ne concernent pas les cadres dirigeants. En effet, cette catégorie de cadre n’est pas concernée par la durée du travail.
Petit rappel :
Il est habituel de distinguer 3 catégories de cadres, même si le code du travail ne donne pas de définition stricte des cadres sauf pour les cadres dirigeants.
- Les cadres dirigeants :
Article L3111-2
Les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III.
Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.
Accord du salarié nécessaire
Aucune convention, heures ou jours, ne peut être réalisée sans avoir obtenu l’accord du salarié.
Article L3121-40
Modifié par LOI n°2008-789 du 20 août 2008 - art. 19 (V)
La conclusion d'une convention individuelle de forfait requiert l'accord du salarié. La convention est établie par écrit.
NOTA : Loi n° 2008-789 du 20 août 2008 JORF du 21 août 2008 art. 19 III : Les accords conclus en application des articles L. 3121-40 à L. 3121-51 du code du travail dans leur rédaction antérieure à la publication de la présente loi restent en vigueur.
Période de référence
Tout comme cela est le cas lorsque nous évoquons la convention de forfait annuel en heures, la période annuelle est librement fixée par l’accord.
Ainsi, il n’est pas obligatoire de prévoir une période de référence calquée sur l’année civile, elle peut être ainsi librement fixée sur une période quelconque de 12 mois consécutifs.
Elle peut ainsi être identique à la période de référence utilisée pour la détermination du droit aux congés payés (du 1er juin N au 31 mai N+1), ou selon l’exercice comptable, etc.
En revanche, il ne semble pas possible de fixer des périodes de référence différentes selon les salariés, au sein de la même société.
Forfait maximum proposable par l’employeur : 218 jours
Un forfait jours ne peut excéder le total de 218 jours par an.
Article L3121-44
Modifié par LOI n°2008-789 du 20 août 2008 - art. 19 (V)
Le nombre de jours travaillés dans l'année fixé par l'accord collectif prévu à l'article L 3121-39 ne peut excéder deux cent dix-huit jours.
NOTA : Loi n° 2008-789 du 20 août 2008 JORF du 21 août 2008 art. 19 III : Les accords conclus en application des articles L. 3121-40 à L. 3121-51 du code du travail dans leur rédaction antérieure à la publication de la présente loi restent en vigueur.