Dresser une liste des insuffisances et griefs envers un salarié n’est pas assimilable à une sanction

Jurisprudence
Licenciement

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Contexte de l'affaire

Une salariée est engagée en qualité de responsable du rayon optique.

Elle est licenciée pour faute grave par lettre du 11 mai 2011.

Elle décide de saisir la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir la requalification de sa rupture de contrat en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d’obtenir en conséquence un rappel de salaire au titre de la mise à pied, d'une indemnité de préavis ainsi que de dommages-intérêts. 

Dans son argumentation, la salariée indique en effet que son employeur lui avait adressé, avant le prononcé du licenciement, un document au sein duquel il reprochait à la salariée son comportement en énumérant divers griefs qu'il lui imputait.

Ce document devait donc être considéré comme une véritable sanction, épuisant par la suite toute mesure disciplinaire à son encontre. 

Mais la Cour d’appel n’est pas sensible aux arguments avancés par la salariée.

Le document rédigé par l’employeur n’était qu'un compte rendu d'un entretien au cours duquel il a énuméré divers griefs et insuffisances qu'il imputait à la salariée, sans traduire une volonté de sa part de les sanctionner. 

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel et rejette le pourvoi.

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu qu'ayant relevé que le document rédigé par l'employeur n'est qu'un compte rendu d'un entretien au cours duquel il a énuméré divers griefs et insuffisances qu'il imputait à la salariée, sans traduire une volonté de sa part de les sanctionner, la cour d'appel a pu en déduire qu'il ne s'analysait pas en une mesure disciplinaire et n'avait donc pas eu pour effet d'épuiser le pouvoir disciplinaire de l'employeur ; que le moyen qui, sous le couvert d'un grief non fondé de défaut de réponse à conclusions, ne tend en sa troisième branche qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond des éléments de preuve soumis à son examen, n'est pas fondé ; (…)

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du , pourvoi n°14-17615

Commentaire de LégiSocial

Même s’il convient d’agir selon nous avec une grande prudence, le présent arrêt confirme que dresser un compte rendu des griefs et insuffisances qu’il impute à un salarié, ne saurait constituer une sanction.

Le risque du « non bis in idem »

Ce que souhaitait mettre en avant la présente salariée était le principe du « non bis in idem », à savoir qu’un même fait ne peut être à l’origine de plusieurs sanctions. 

Pour preuve, voici quelques exemples concrets qui peuvent amener l’employeur à agir avec prudence et précaution : 

Demander des explications à un salarié : c’est peut-être déjà le sanctionner ! 

Dans cette affaire, un salarié comparaissait devant une commission consultative paritaire, devant laquelle était formulée due demande d'explications sur son attitude.

Selon la Cour de cassation, cette procédure constituait déjà une sanction disciplinaire, interdisant ainsi son licenciement pour faute grave par la suite. 

Vous pouvez retrouver cette affaire en détails, en consultant notre actualité à ce sujet en cliquant ici.

Cour de cassation du 19 mai 2015, pourvoi n° 13-26916

Deux actes fautifs différents ne peuvent donner lieu qu’à une seule sanction !  

Dans cette autre affaire, une hôtesse de caisse fait l’objet de 2 mises à pied disciplinaire et avait été licenciée par la suite pour faute grave. 

Déboutée par la cour d’appel dans un premier temps, la Cour de cassation avait finalement donné raison à la salariée relevant les faits suivants :

  • Le 3/10/2008 : l’employeur avait été informé des faits invoqués pour prononcer le licenciement ;
  • Le 23/10/2008 : notification de la mise à pied disciplinaire de 3 jours (pour des faits du 8/09/2008);
  • Le 10/11/2008 : notification du licenciement pour les faits du 3/10/2008. 

Extrait de l’arrêt :

Qu'en se déterminant ainsi, après avoir relevé que l'employeur avait été informé des faits invoqués à l'appui du licenciement le 3 octobre 2008, qu'il avait notifié à la salariée une mise à pied disciplinaire de trois jours le 23 octobre suivant pour les faits du 8 septembre 2008 et qu'il l'avait licenciée le 10 novembre 2008 pour les faits du 3 octobre, ce dont il résultait que l'employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire à l'occasion de la mise à pied du 23 octobre 2008, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres énonciations et a violé le texte susvisé ;

Vous pouvez retrouver cette affaire en détails, en consultant notre actualité à ce sujet en cliquant ici.

Cour de cassation du 23 juin 2011, pourvoi n°09-73007