Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée le 1er septembre 2008, en qualité de chef de projet.
Elle est licenciée pour motif économique le 20 mai 2009 et avise son employeur, par lettre recommandée du 4 juin 2009, qu'elle est enceinte.
Par le même courrier, elle demande également à son employeur de lui communiquer quelles étaient les modalités de sa réintégration dans l'entreprise.
Finalement, la salariée saisit la juridiction prud'homale le 17 juillet 2009, alors que l'employeur lui notifie sa réintégration dans l'entreprise par courrier du 16 juillet 2009, reçu le 20 du même mois.
Dans un premier temps, la cour d’appel donne raison à la salariée, mais l’employeur décide de se pourvoir en cassation.
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel et rejette le pourvoi.
Elle considère que les propositions de réintégration formulées par l’employeur ont été trop tardives dans l’affaire présente.
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu que lorsqu'une salariée, en application de l'article L. 1225-5 du code du travail, notifie à l'employeur son état de grossesse, de sorte que le licenciement est annulé, le juge doit apprécier le caractère tardif de la décision de réintégrer cette salariée au regard de la date de connaissance par l'employeur de cet état ;
Et attendu que le moyen, sans portée en sa deuxième branche visant un motif surabondant, ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine, par les juges du fond, du caractère tardif de la décision de l'employeur, notifiée par courrier recommandé du 16 juillet 2009, de réintégrer la salariée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; (…)Attendu, ensuite, que, selon l'article L. 1225-71 du code du travail, lorsque, en application des dispositions de l'alinéa 1er, le licenciement est nul, l'employeur verse le montant du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité ; que si, à la suite de la notification par la salariée d'un certificat médical justifiant qu'elle est enceinte, l'employeur revient tardivement sur sa décision de licencier, la salariée, qui n'est pas tenue d'accepter la réintégration proposée, a droit, outre les indemnités de rupture et une indemnité au moins égale à six mois de salaire réparant intégralement le préjudice subi résultant du caractère illicite du licenciement, aux salaires qu'elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS,
REJETTE le pourvoi
Commentaire de LégiSocial
Arrêt très intéressant que nous abordons aujourd’hui et qui nous permet de rappeler certaines notions importantes concernant le licenciement d’une salariée enceinte.
L’annulation du licenciement de la salariée enceinte
C’est une grande particularité en matière de protection contre le licenciement que les salariées et les employeurs doivent connaître.
Présentation du contexte
- Un employeur licencie une salariée pour une faute autre que grave ou lourde.
- Le motif du licenciement n’est pas non plus l’impossibilité de maintenir le contrat pour une raison autre que personnelle (licenciement économique par exemple).
- Et l’employeur ne sait pas que la salariée est enceinte !
Annulation du licenciement
Selon les termes de l’article L 1225-5, la salariée dispose à compter de la notification de son licenciement d’un délai de 15 jours pour :
- Faire parvenir à son employeur un certificat médical attestant de son état de grossesse, le document doit être envoyé en lettre recommandée avec avis de réception.
Le licenciement est alors annulé et pas simplement différé (Cour de cassation du 20/11/2001 et 07/04/2004)
L’information de l’employeur est réputée effective au jour de l’expédition du certificat médical quelle que soit la date de réception par l’employeur (Cour de cassation du 16/03/1994).
Article L1225-5
Le licenciement d'une salariée est annulé lorsque, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, l'intéressée envoie à son employeur, dans des conditions déterminées par voie réglementaire, un certificat médical justifiant qu'elle est enceinte.
Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le licenciement est prononcé pour une faute grave non liée à l'état de grossesse ou par impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement.
Précision sur le délai de 15 jours
- Le délai de 15 jours est un délai « préfix », il ne peut donc être prolongé ;
- Si la salariée dépasse le délai, plus aucune action ne sera recevable en vue d’annuler le licenciement ;
Arrêt de la Cour de cassation du 17/03/1971
- Le délai court à compter du jour où la notification du licenciement a été portée à la connaissance de la salariée (c'est-à-dire la date de réception de la lettre recommandée avec avis de réception) ;
- Le délai est exprimé en jours calendaires, le jour de la notification ne compte pas
Arrêt de la Cour de cassation du 16/06/2004
- Si la lettre recommandée n’est pas récupérée par la salariée, et que s’en suit une lettre de remise en mains propres, le délai de 15 jours se décompte à la date de la remise en mains propres.
Arrêt de la Cour de cassation du 8/06/2011 Pourvoi 10-17.022 FS-PB
Propositions de réintégration
Une nécessaire proposition sans délai
Le premier point que nous pouvons relever de la présente affaire, est que le Cour de cassation indique que la décision de réintégrer la salariée doit se faire sans délai.
Appréciation du délai
Second point que souligne la Cour de cassation dans le présent arrêt, est que l’appréciation d’un délai tardif pour proposer la réintégration s’apprécie au regard de la date de connaissance par l’employeur de l’état de grossesse de la salariée.
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu que lorsqu'une salariée, en application de l'article L. 1225-5 du code du travail, notifie à l'employeur son état de grossesse, de sorte que le licenciement est annulé, le juge doit apprécier le caractère tardif de la décision de réintégrer cette salariée au regard de la date de connaissance par l'employeur de cet état ;
Dans la présente affaire, la salariée avisait son employeur de son état de grossesse médicalement constaté le 4 juin 2009, après notification de son licenciement économique le 20 mai 2009.
Les propositions de réintégration avaient été faites par l’employeur le 16 juillet 2009, soit 1 mois ½ après !
Conséquences
Pour terminer, la Cour de cassation rappelle que si, à la suite de la notification par la salariée d'un certificat médical justifiant qu'elle est enceinte, l'employeur revient tardivement sur sa décision de licencier, la salariée, qui n'est pas tenue d'accepter la réintégration proposée, a droit, outre les indemnités de rupture et une indemnité au moins égale à 6 mois de salaire réparant intégralement le préjudice subi résultant du caractère illicite du licenciement, aux salaires qu'elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité.
Extrait de l’arrêt :
Attendu, ensuite, que, selon l'article L. 1225-71 du code du travail, lorsque, en application des dispositions de l'alinéa 1er, le licenciement est nul, l'employeur verse le montant du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité ; que si, à la suite de la notification par la salariée d'un certificat médical justifiant qu'elle est enceinte, l'employeur revient tardivement sur sa décision de licencier, la salariée, qui n'est pas tenue d'accepter la réintégration proposée, a droit, outre les indemnités de rupture et une indemnité au moins égale à six mois de salaire réparant intégralement le préjudice subi résultant du caractère illicite du licenciement, aux salaires qu'elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS,
REJETTE le pourvoi
Article L1225-71
L'inobservation par l'employeur des dispositions des articles L. 1225-1 à L. 1225-28 et L. 1225-35 à L. 1225-69 peut donner lieu à l'attribution de dommages et intérêts au profit du bénéficiaire, en plus de l'indemnité de licenciement.
Lorsque, en application des dispositions du premier alinéa, le licenciement est nul, l'employeur verse le montant du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité.