Contexte de l'affaire
La présente affaire concerne une salariée engagée le 16 mai 1977 en qualité de secrétaire médicale par une association.
La salariée se voit reconnaître en juin 2009 le caractère professionnel de la maladie déclarée le 12 mars 2008 et en octobre 2010 la qualité de travailleur handicapé.
Déclarée inapte à son poste à l'issue de 2 examens médicaux des 14 et 29 juin 2011, elle est licenciée le 28 octobre 2011.
Mais la salariée saisit la juridiction prud'homale, estimant que l’indemnité compensatrice de préavis à laquelle elle ouvre droit au titre de son licenciement pour inaptitude professionnelle devait être doublée compte tenu de la reconnaissance de travailleur handicapé dont elle bénéficiait.
Dans un premier temps, la cour d’appel donne raison à la salariée, estimant qu’elle ouvrait droit à une indemnité compensatrice de préavis doublée (dans la limite de 3 mois) selon l’article L 5213-9 du code du travail.
Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis, cassant et annulant l’arrêt de la cour d’appel de ce fait et renvoyant les 2 parties devant une nouvelle cour d’appel autrement composée.
Selon la Cour de cassation, le doublement de la période de préavis lorsque le salarié concerné justifie d’une reconnaissance « travailleur handicapé » ne s’applique pas lorsque le licenciement est prononcé pour inaptitude d’origine professionnelle.
Extrait de l’arrêt :
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que l'employeur est tenu de verser au salarié déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi occupé précédemment et dont le contrat a été rompu, une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-5 dudit code ; que le second, qui a pour but de doubler la durée du délai-congé en faveur des salariés handicapés, n'est pas applicable à l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 1226-14 ;
Attendu que pour condamner l'employeur à payer à la salariée une somme correspondant à trois mois de préavis, l'arrêt a fait application de l'article L. 5213-9 du code du travail ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'il convient de condamner l'association Cedest, qui succombe pour l'essentiel, aux dépens ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'association (…) à payer à Mme X... la somme de 6 078 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt rendu le 20 décembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
C’est un arrêt très important que rend la Cour de cassation dans la présente affaire.
L’occasion pour nous de rappeler le régime de l’indemnité compensatrice versée en cas de licenciement pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement ainsi que le doublement de la période de préavis dont bénéficie un salarié justifiant d’une reconnaissance « travailleur handicapé ».
Inaptitude résultant d’une maladie professionnelle ou consécutive à un accident du travail
Préavis à effectuer ?
Dans ce cas précis, le salarié ne doit pas effectuer de préavis.
Versement d’une indemnité
Le salarié doit percevoir néanmoins une indemnité d’un montant égal à l’indemnité légale de préavis.
Article L1226-14
La rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.
Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.
Les dispositions du présent article ne se cumulent pas avec les avantages de même nature prévus par des dispositions conventionnelles ou contractuelles en vigueur au 7 janvier 1981 et destinés à compenser le préjudice résultant de la perte de l'emploi consécutive à l'accident du travail ou à la maladie professionnelle.
Cette indemnité n’a pas la nature d’une indemnité compensatrice de préavis.
Cour de cassation du 15/06/1999 arrêt 97-15328
De ce fait, le salarié n’est pas en droit de demander le paiement de l’indemnité compensatrice de préavis prévue par la Convention collective.
L’indemnité versée n’étant pas une indemnité compensatrice de préavis légale (même si la valeur est identique), la date de rupture du contrat de travail n’est pas repoussée.
L’indemnité de licenciement sera donc calculée sur l’ancienneté acquise à la notification.
L’indemnité d’une valeur égale à l’indemnité compensatrice de préavis sera calculée sur la base des 3 derniers mois de salaire.
Article L1226-16
Les indemnités prévues aux articles L. 1226-14 et L. 1226-15 sont calculées sur la base du salaire moyen qui aurait été perçu par l'intéressé au cours des trois derniers mois s'il avait continué à travailler au poste qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail provoquée par l'accident du travail ou la maladie professionnelle.
Pour le calcul de ces indemnités, la notion de salaire est définie par le taux personnel, les primes, les avantages de toute nature, les indemnités et les gratifications qui composent le revenu.
Le montant de cette indemnité ne doit pas être pris en compte dans le calcul de l’indemnité compensatrice de congés payés.
Cas particulier
Les seuls cas pour lesquels le salarié pourrait bénéficier d’une indemnité compensatrice de préavis (et pas d’une indemnité dont le montant est égal au montant de l’indemnité légale de préavis) sont :
- L’employeur n’a pas satisfait à son obligation de reclassement ;
- L’employeur n’a pas repris le paiement du salaire alors que le délai d’un mois est écoulé.
Travailleur handicapé : un droit à une durée de préavis doublée
Au regard du code du travail, le salarié justifiant d’une reconnaissance travailleur handicapé par la CDAPH (Commission des Droits et de l'Autonomie des Personnes Handicapées), bénéficie d’un droit au préavis doublé.
Toutefois, ce doublement ne peut avoir pour effet de porter au-delà de 3 mois la durée de ce préavis.
Précisons également que cette disposition n’est pas applicable lorsque les conventions ou accords collectifs de travail ou, à défaut, les usages prévoient un préavis d'une durée au moins égale à trois mois.
Article L5213-9
En cas de licenciement, la durée du préavis déterminée en application de l'article L. 1234-1 est doublée pour les bénéficiaires du chapitre II, sans toutefois que cette mesure puisse avoir pour effet de porter au-delà de trois mois la durée de ce préavis.
Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque les conventions ou accords collectifs de travail ou, à défaut, les usages prévoient un préavis d'une durée au moins égale à trois mois.
Droit au préavis doublé même si l’employeur n’est pas au courant !
Soucieuse du respect du droit au secret médical, la Cour de cassation dans un récent arrêt, reconnait à un salarié le bénéfice d’une durée de préavis doublée, même si l’employeur n’est pas au courant du statut travailleur handicapé du salarié concerné.
Cour de cassation du 18/09/2013 pourvoi 12-17159
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Lire aussi : Le salarié n'est pas tenu de révéler à son employeur son statut de travailleur handicapé Jurisprudence
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