Impossible de recruter des intérimaires en cas de grève

Jurisprudence
Intérim

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Contexte de l'affaire

Cette affaire concerne une entreprise qui recrute 22 salariés intérimaires, motivant ce recrutement de la façon suivante :

« accroissement temporaire d'activité » et plus particulièrement « impossibilité de certains agents à se rendre sur place du fait de la grève des transports et mise en place de réorganisations ».

Un des syndicats saisit immédiatement l’inspection du travail, estimant que l’employeur vise à contourner la grève qui vient d’éclater au sein de la société.

L’affaire est portée au pénal. 

Dans un premier temps, la cour d’appel condamne l’employeur, ayant constaté également que :

  • L’ordre de recourir à des travailleurs intérimaires avait été donné le 16 novembre après que le préavis de grève eut été déposé le 14 novembre ;
  • Et que le nombre de salariés intérimaire recrutés était identique à celui des salariés en grève ;
  • Et qu’enfin les intérimaires avaient, pour partie, été affectés à des tâches délaissées par les salariés grévistes. 

Extrait de l’arrêt : 

Attendu que, pour infirmer le jugement, l'arrêt, après avoir, d'une part, souverainement constaté que l'ordre de recourir à des travailleurs intérimaires avait été donné le 16 novembre après que le préavis de grève eut été déposé le 14 novembre et que le nombre de ceux-ci était identique à celui des salariés en grève, d'autre part, relevé que les premiers avaient, pour partie, été affectés à des tâches délaissées par les seconds, enfin, énoncé qu'une grève des transports publics, survenue à quelques jours près en même temps que la grève interne à (…) , n'avait pu justifier le recours au travail temporaire, l'absentéisme d'agents consécutif à cette grève, laquelle avait pris fin le 20 novembre, n'ayant pu avoir été anticipé, a justifié sa décision ;

Qu'en effet, l'article L. 124-2-3 devenu L. 1251-10 1° du code du travail, a pour objet d'interdire à l'employeur de faire appel à des travailleurs temporaires dans le but de remplacer des salariés en grève et de priver leur action d'efficacité 

L'avis de la chambre criminelle de la Cour de cassation ne diffère pas de celui des premiers juges.

Les amendes pénales sont définitivement confirmées. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu qu'en retenant que le demandeur avait commis l'infraction visée à la prévention tant à titre personnel que pour le compte de son employeur, (…) , après avoir relevé qu'il avait, en sa qualité de responsable départemental des centres de tri, pris la décision du recours à l'intérim et donné les instructions nécessaires à la conclusion des contrats, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

Qu'en effet, il résulte de l'article 121-2, dernier alinéa du code pénal, que, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 121-3 du même code, la responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du , pourvoi n°14-86601

Commentaire de LégiSocial

Recourir à des salariés intérimaire en remplacement de salariés grévistes est un des 5 cas de recours interdits au travail temporaire que nous rappelons comme suit :

Cas numéro 1 : contrat ayant pour objet de pourvoir durablement à un emploi

L’article L 1251-5 du Code du travail rappelle cette notion importante, à l’origine de nombreux cas de requalification par les juges. 

Article L1251-5

Le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Cas numéro 2 : remplacement de salariés grévistes

Cas précis que nous abordons dans la présente affaire

Article L1251-10

Outre les cas prévus à l'article L. 1251-9, il est interdit de recourir au travail temporaire :

1° Pour remplacer un salarié dont le contrat de travail est suspendu à la suite d'un conflit collectif de travail ;

Outre le Code du travail, la Cour de cassation vient de rendre un arrêt qui complète et précise cette obligation. 

La Cour de cassation donne raison au syndicat et considère que l’interdiction de recrutement de salariés intérimaires pour remplacer les salariés grévistes doit aussi s’appliquer aux salariés intérimaires déjà en place mais à qui l’on demande de remplacer aussi les employés grévistes.

Cour de cassation du 2/03/2011 Pourvoi 10-13.634 FP-PBR

Si vous souhaitez retrouver cet arrêt en détails, qui a fait l’objet d’un article sur notre site, vous pouvez cliquer ici.

Cas numéro 3 : afin d’exécuter des travaux dangereux

Article L1251-10

Outre les cas prévus à l'article L. 1251-9, il est interdit de recourir au travail temporaire :

2° Pour effectuer certains travaux particulièrement dangereux figurant sur une liste établie par voie réglementaire, dans les conditions prévues à l'article L. 4154-1. L'autorité administrative peut exceptionnellement autoriser une dérogation à cette interdiction, dans des conditions déterminées par voie réglementaire ;

Une dérogation peut toutefois être exceptionnellement autorisée par l’autorité administrative.

Cas numéro 4 : lorsque l’entreprise a effectué un licenciement économique dans les 6 mois qui précédent

L’interdiction porte sur les postes concernés par le licenciement économique. 

Cette interdiction ne s’applique pas si :

  • Le contrat n’excède pas 3 mois et n’est pas susceptible d’être renouvelé ;
  • Si le contrat est lié à une commande exceptionnelle destinée à l’exportation.

Article L1251-9

Dans les six mois suivant un licenciement pour motif économique, il est interdit de faire appel à un salarié temporaire au titre d'un accroissement temporaire de l'activité, y compris pour l'exécution d'une tâche occasionnelle, précisément définie et non durable, ne relevant pas de l'activité normale de l'entreprise utilisatrice.

Cette interdiction porte sur les postes concernés par le licenciement dans l'établissement. L'interdiction ne s'applique pas :

1° Lorsque la durée du contrat de mission n'est pas susceptible de renouvellement et n'excède pas trois mois ;

2° Lorsque le contrat est lié à la survenance dans l'entreprise, qu'il s'agisse de celle de l'entrepreneur principal ou de celle d'un sous-traitant, d'une commande exceptionnelle à l'exportation dont l'importance nécessite la mise en oeuvre de moyens quantitativement ou qualitativement exorbitants de ceux que l'entreprise utilise ordinairement. Cette possibilité de recrutement est subordonnée à l'information et à la consultation préalables du comité d'entreprise, ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe.

Les dérogations prévues aux 1° et 2° n'exonèrent pas l'employeur de respecter la priorité de réembauche prévue à l'article L. 1233-45.

Cas numéro 5 : remplacement d’un médecin du travail

Article L1251-10

Outre les cas prévus à l'article L. 1251-9, il est interdit de recourir au travail temporaire :

3° Pour remplacer un médecin du travail.

Important !

En cas de litige sur le motif du recours au travail temporaire, c’est à l’entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat de mission !

Arrêt de la Cour de cassation du 28/11/2007, arrêt 06-44843.