Contexte de l'affaire
La présente affaire concerne une salariée enceinte licenciée pour faute grave par son employeur.
La lettre de licenciement indique que le comportement de la salariée était non seulement agressif mais avait une influence très néfaste sur l’état d’esprit des salariés de l’agence dans laquelle elle exerçait son activité.
Extrait de l’arrêt :
« (...) depuis plusieurs semaines nous avons constaté que votre comportement au travail avait changé et avait une influence très néfaste sur l'état d'esprit des salariés de l'agence, ainsi que sur leurs résultats en termes de chiffres d'affaires. Malgré nos différentes interventions visant à rectifier votre attitude et votre comportement au travail, vous n'avez absolument pas tenu compte des avertissements et au contraire votre désinvolture et votre manque d'implication se sont accentués ces derniers temps. Manifestement, vous avez décidé « de pourrir » le climat professionnel, car vos intentions de quitter la société pour aller à la concurrence ne paraissent plus faire de doute. En effet, par vos propos déplacés tenus à vos collègues, comme l'établissent les attestations qui nourrissent ce dossier, alors qu'aucune raison objective ne vous autorisait à le faire, vous avez néanmoins persisté dans cette attitude de dénigrement de l'entreprise et ses salariés allant jusqu'à mettre en cause la probité de vos supérieurs et contester ouvertement leur autorité. A ce sujet, des attestations confirment votre volonté « d'en découdre » avec votre hiérarchie, ainsi que le dénigrement et les attaques sur leur probité proférées à leur encontre. »
Mettant en avant sa situation particulière, la salariée en état de grossesse médicalement constaté décide de saisir la juridiction prud’homale.
La Cour d'appel de Douai, dans son arrêt du 31 janvier 2014, déboute la salariée de sa demande.
La Cour de cassation approuve l’arrêt et rejette le pourvoi.
Elle indique que le comportement agressif et inadapté de la salariée était avéré, qu'elle avait proféré des injures et des menaces à l'égard de ses collègues et de son supérieur hiérarchique, contesté son autorité devant toute l'équipe commerciale et exercé des pressions pour obtenir des informations confidentielles.
Elle précise que ces faits, sans lien avec son état de grossesse, étaient constitutifs d'une faute grave.
Extrait de l’arrêt :
Attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel qui a constaté que le comportement agressif et inadapté de la salariée était avéré, qu'elle avait proféré des injures et des menaces à l'égard de ses collègues et de son supérieur hiérarchique, contesté son autorité devant toute l'équipe commerciale et exercé des pressions pour obtenir des informations confidentielles, a pu décider que ces faits dont elle a estimé qu'ils étaient sans lien avec son état de grossesse, étaient constitutifs d'une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Commentaire de LégiSocial
La salariée enceinte bénéficie d’une période de protection relative et absolue.
Nous vous rappelons les conditions concernant la période de protection dite « relative » dans laquelle se trouvait la salariée dans l’affaire présente.
La définition
Pendant une période que l’on nomme « protection relative », la rupture du contrat de travail par l’employeur ne peut pas avoir lieu sauf pour les cas suivants :
- Faute grave ou lourde non liée à l’état de grossesse de la salariée ;
- Impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse (en cas de licenciement économique par exemple).
Article L1225-4
Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes.
Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement.
Pour qu’il y ait protection, il doit y avoir déclaration
Tout ce qui suit et concerne la protection de la salariée enceinte ou ayant accouché, implique l’obligation pour la salariée de déclarer son état de grossesse.
Article L1225-2
La femme candidate à un emploi ou salariée n'est pas tenue de révéler son état de grossesse, sauf lorsqu'elle demande le bénéfice des dispositions légales relatives à la protection de la femme enceinte.
Article R1225-1
Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
Pour bénéficier de la protection de la grossesse et de la maternité, prévue aux articles L. 1225-1 et suivants, la salariée remet contre récépissé ou envoie par lettre recommandée avec avis de réception à son employeur un certificat médical attestant son état de grossesse et la date présumée de son accouchement ou la date effective de celui-ci, ainsi que, s'il y a lieu, l'existence et la durée prévisible de son état pathologique nécessitant un allongement de la période de suspension de son contrat de travail.
Positionnement de la période de « protection relative »
La protection relative :
- Démarre à l’annonce de l’état de grossesse médicalement constatée, par la salariée ;
- Pour se terminer au début du congé de maternité.
Cas particulier des 4 semaines de « pathologie postnatale »
Important !
La protection relative concerne les 4 semaines de « pathologie postnatale » qui pourtant font partie du congé de maternité!!
La protection relative joue pendant ces 4 semaines, que la salariée les utilise totalement, partiellement ou pas du tout.
Cas particulier de la période d’essai
La protection contre le licenciement de l’article L 1225-4 du Code du Travail ne joue pas pendant la période d’essai.
Mais la rupture ne doit avoir pour origine l’état de grossesse de la salariée, seule son « insuffisance professionnelle » doit être à l’origine de la rupture.
Arrêt de la Cour de cassation du 21/12/2006 arrêt 05-44.806P
En cas de litige, c’est à l’employeur que revient la charge de la preuve que la rupture de la période d’essai n’est pas liée à l’état de grossesse de la salariée en cours de période d’essai comme l’indique l’article L 1225-3 du code du travail.
Lorsqu’un doute subsiste, il profite à la salariée enceinte.