Contexte de l'affaire
Après avoir bénéficié de plusieurs contrats CDD, un salarié est engagé en qualité d'agent de propreté, à compter du 26 août 2009.
Licencié le 17 octobre 2012 pour faute grave, il saisit la juridiction prud'homale, soutenant avoir été employé de façon ininterrompue à partir de décembre 2004 et demandant la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ainsi que le paiement de diverses sommes, notamment le paiement d’une prime d’expérience.
Dans un premier temps la Cour d’appel de Versailles, dans son arrêt du 10 juillet 2014, considère qu’après avoir accueilli la requalification des contrats CDD en CDI, retient qu'en l'absence de tout élément de preuve concernant l'exécution d'une prestation de travail entre novembre 2007 et le 26 août 2009, date de signature d'un nouveau contrat, ni même d'aucun élément visant à démontrer que le salarié se serait maintenu à la disposition de son employeur, il convient de constater l'absence de relations contractuelles sur cette période, de sorte que l'ancienneté ne sera pas reprise au 13 décembre 2004.
Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis, elle considère en l’espèce le salarié doit être considéré comme avoir occupé un emploi en CDI depuis le jour son engagement à contrat à durée déterminée, soit décembre 2004, et qu’il est en droit de se prévaloir à ce titre d’une ancienneté remontant à cette date.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, alors que par l'effet de la requalification des contrats à durée déterminée, le salarié était réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier et qu'il était en droit de se prévaloir à ce titre d'une ancienneté remontant à cette date, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de ses demandes en paiement de sommes à titre tant de prime d'expérience et de congés payés afférents que de dommages-intérêts pour non-respect de la convention collective, l'arrêt rendu le 10 juillet 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
La présente affaire aborde notamment la requalification de contrats CDD en CDI.
Rappelons tout d’abord, qu’il arrive fréquemment que les contrats CDD soient requalifiés, les arrêts de la Cour de cassation sont là pour le prouver.
Lors de la requalification du contrat CDD en contrat CDI, une indemnité doit être versée par l’employeur au profit du salarié.
Calcul de l’indemnité de requalification
Le Code du travail, dans son article L 1245-2 indique que l’indemnité ne peut être inférieure à 1 mois de salaire.
Article L1245-2
Lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine.
Lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s'applique sans préjudice de l'application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.
La Cour de cassation le confirme dans un récent arrêt, en précisant que l’indemnité ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel perçu avant la saisine du Conseil de prud’hommes par le salarié.
Cour de cassation du 17/06/2005 arrêt 03-44900
Successions de CDD requalifiés
Lorsque la requalification porte sur une succession de CDD, seule une indemnité doit être versée, et non une indemnité par contrat concerné.
Cour de cassation du 25/05/2005. Arrêts 03-43146, 03-44942 et 03-43214
Cour de cassation du 22/06/2011 Arrêt 09-71156
Pas d’indemnité de requalification
C’est le cas lorsque le CDD se poursuit après l’échéance prévue.
La requalification porte en effet sur une irrégularité du contrat initial, ou de ceux qui lui font suite.
Cour de cassation du 22/03/2006, arrêt 04-45411
Cour de cassation du 05/12/2007, arrêt 06-41313
Cour de cassation du 29/06/2011 arrêt 10-12884 FS-PB
Pas de requalification sans demande du salarié
Une affaire récemment traitée par la Cour de cassation rappelle que le contrat CDD ne peut être requalifié en CDI que si le salarié… en fait la demande.
Á défaut, elle ne peut en aucun cas être imposée d’office par le juge.
Extrait de l’arrêt
Attendu, cependant, que si en vertu de l'article 12 du code de procédure civile la qualification d'un contrat de travail dont la nature juridique est indécise relève de l'office du juge, celui-ci ne peut toutefois, en application de l'article L. 1245-1 du code du travail, requalifier d'office un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, les dispositions prévues par les articles L. 1242-1 et suivants du code du travail, relatives au contrat de travail à durée déterminée, ayant été édictées dans un souci de protection du salarié qui peut seul se prévaloir de leur inobservation ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, en prononçant, en l'absence de demande du salarié, la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, (…) l'arrêt rendu le 29 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;Cour de cassation du 12/12/2012, pourvoi n° 11-20135
Article L1245-1
Modifié par LOI n°2008-67 du 21 janvier 2008 - art. 3
Est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4, L. 1242-6 à L. 1242-8, L. 1242-12, alinéa premier, L. 1243-11, alinéa premier, L. 1243-13, L. 1244-3 et L. 1244-4.
Rappelons enfin que le code du travail prévoit que les syndicats peuvent toutefois se substituer au salarié, sous réserve bien entendu que ce dernier soit averti et qu’il ne s’y soit pas opposé.
Article L1247-1
Les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise peuvent exercer en justice toutes les actions qui résultent du présent titre en faveur d'un salarié, sans avoir à justifier d'un mandat de l'intéressé.
Le salarié en est averti dans des conditions déterminées par voie réglementaire et ne doit pas s'y être opposé dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l'organisation syndicale lui a notifié son intention.
Le salarié peut toujours intervenir à l'instance engagée par le syndicat et y mettre un terme à tout moment.