L’organisation du temps de travail sur 4 semaines ne nécessite pas l’accord des salariés

Jurisprudence
Temps de travail

Publié le
Mis à jour le
Télécharger en PDF

Contexte de l'affaire

La présente affaire concerne une organisation syndicale faisant assigner un employeur devant un tribunal de grande instance afin notamment de faire interdire, sous astreinte, à l'employeur de décompter le temps de travail sur des périodes de quatre semaines en l'absence d'accord individuel exprès de chacun des 76 salariés concernés. 

De son côté, l’employeur indique qu’à défaut d’accord collectif, la loi de 2008 l’autorise à organiser le temps de travail sur une durée supérieure à la semaine et dans la limite de 4 semaines. 

Dans un premier temps, la Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 13 novembre 2014, donne raison au syndicat.

Elle considère qu’il y a lieu de considérer que cette organisation sur 4 semaines constitue une réelle modification du contrat de travail nécessitant l’accord exprès des salariés. 

Extrait de l’arrêt :

Vu les articles L.3122-2, D.3122 -7-1 et D.3122-7.2 du code du travail ;
Attendu qu'il résulte de ces textes qu'à défaut d'accord collectif, la durée du travail de l'entreprise peut être organisée sous forme de périodes de travail chacune d'une durée de quatre semaines au plus ;
Attendu que pour accueillir la demande du syndicat, l'arrêt retient par motifs adoptés que l'organisation pluri-hebdomadaire conduit à un décompte des heures supplémentaires moins favorable aux salariés et qu'à défaut d'accord collectif, la mise en place d'une répartition des horaires sur une période supérieure à une semaine constitue une modification du contrat de travail qui requiert l'accord exprès du salarié ; 

La Cour de cassation ne partage pas le même avis, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel sur ce point.

Elle considère qu’en l’absence d’accord collectif, un employeur peut mettre en place cette organisation du temps de travail, sans pour autant avoir à obtenir l’accord exprès des salariés concernés. 

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence d'accord collectif prévu par l'article L. 3122-2 du code du travail, (issu de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008) l'article D. 3122-7-1 du code du travail donne la possibilité à l'employeur d'organiser la durée du travail sous forme de périodes de travail et d'imposer unilatéralement la répartition du travail sur une période n'excédant pas quatre semaines, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la répartition du temps de travail sur une période de quatre semaines n'a pas été valablement mise en oeuvre, ordonne sous astreinte provisoire de 100 euros par infraction à l'employeur d'organiser le temps de travail des salariés par semaine civile tant qu'il n'aura pas obtenu l'accord des salariés et le condamne à des dommages-intérêts au profit de l'Union locale des syndicats (…), l'arrêt rendu le 13 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°15-10025

Commentaire de LégiSocial

Profitons de la présente affaire pour rappeler quelques notions concernant le décompte des heures supplémentaires en cas d’organisation du temps de travail sur une durée supérieure à la semaine, et dans la limite de 4 semaines.

Déclenchement des heures supplémentaires

Organisation unique du temps de travail, en l’absence d’ accord collectif.

En l'absence d'accord collectif, la durée du travail de l'entreprise ou de l'établissement peut être organisée sous forme de périodes de travail, chacune d'une durée de 4 semaines au plus. 

Sont des heures supplémentaires les heures effectuées : 

  1. Au-delà de 39 heures par semaine ;
  2. Au-delà de la durée moyenne de 35 heures calculée sur la période de référence de 4 semaines au plus, déduction faite, le cas échéant, des heures supplémentaires comptabilisées au titre du dépassement de la durée hebdomadaire.

Références au code du travail 

Article D3122-7-1

Créé par Décret n°2008-1132 du 4 novembre 2008 - art. 2

En l'absence d'accord collectif, la durée du travail de l'entreprise ou de l'établissement peut être organisée sous forme de périodes de travail, chacune d'une durée de quatre semaines au plus.
L'employeur établit le programme indicatif de la variation de la durée du travail. Ce programme est soumis pour avis, avant sa première mise en œuvre, au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, s'ils existent.
Les modifications du programme de la variation font également l'objet d'une consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'ils existent.
L'employeur communique au moins une fois par an au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel un bilan de la mise en œuvre du programme indicatif de la variation de la durée du travail.
Les salariés sont prévenus des changements de leurs horaires de travail dans un délai de sept jours ouvrés au moins avant la date à laquelle ce changement intervient.

Article D3122-7-3

Créé par Décret n°2008-1132 du 4 novembre 2008 - art. 2

En application du 2° de l'article L. 3122-4, sont des heures supplémentaires les heures effectuées :
1° Au-delà de trente-neuf heures par semaine.
2° Au-delà de la durée moyenne de trente-cinq heures hebdomadaires calculée sur la période de référence de quatre semaines au plus, déduction faite, le cas échéant, des heures supplémentaires comptabilisées au titre du dépassement de la durée hebdomadaire.
En cas d'arrivée ou départ en cours de période de quatre semaines au plus, les heures accomplies au-delà de trente-cinq heures hebdomadaires sont des heures supplémentaires. Les semaines où la durée de travail est inférieure à trente-cinq heures, le salaire est maintenu sur la base de trente-cinq heures hebdomadaires.
En cas d'absence rémunérée, le temps non travaillé n'est pas récupérable et est valorisé sur la base du temps qui aurait été travaillé si le salarié avait été présent, heures supplémentaires comprises.

Une future évolution ?

Rappelons que le projet de loi travail prévoit, dans sa version actuelle, d’étendre la possibilité d’organiser le temps de travail sur une durée de 8 semaines (la durée de 9 semaines avait été évoquée dans la version initiale), nous ne manquerons pas de vous tenir informés d’une évolution éventuelle.