Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 8 mars 2010 en qualité d'assistant de chef de chantier gros-œuvre.
Il est affecté par son employeur à divers chantiers, puis licencié le 31 octobre 2011 pour « fin de chantier conformément aux usages dans notre profession ».
Le salarié saisit la juridiction prud’homale, estimant son licenciement non valide.
Il indique en effet que ni la lettre d’embauche, ni le contrat de travail, n’indiquent clairement quels sont les chantiers sur lesquels il doit exercer son activité.
La Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion, dans son arrêt du 23 décembre 2014, donne raison au salarié.
Mais l’employeur se pourvoit en cassation, estimant que la cour d’appel dans son arrêt ajoute une condition à la loi, l’article L 1236-8 du code du travail ne spécifiant pas l’indication précise d’un chantier.
Extrait de l’arrêt :
1°/ que la validité d'un licenciement prononcé pour fin de chantier est subordonnée à l'indication dans le contrat de travail ou la lettre d'embauche que le contrat est conclu pour la durée d'un ou de plusieurs chantiers déterminés et à l'achèvement des tâches pour lesquelles le salarié a été engagé ; qu'en considérant, pour dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. X... et condamner la société (…) à l'indemniser à ce titre, que la lettre de licenciement ne mentionnait pas de nom de chantier, la cour d'appel, qui a ajouté une condition à la loi, a violé l'article L. 1236-8 du code du travail ;
Mais l’arrêt de la cour d’appel confirmé par la Cour de cassation.
Cette dernière indique que la validité du licenciement « fin de chantier » suppose que le contrat de travail (ou la lettre d’embauche) indique clairement et précisément le ou les chantier (s) concerné(s) par les relations contractuelles.
Le licenciement est de ce fait considéré dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu que la validité du licenciement prononcé en raison de la survenance de la fin d'un chantier est subordonnée à l'existence, dans le contrat de travail ou la lettre d'embauche, d'une clause précisant que le contrat est conclu pour un ou plusieurs chantiers déterminés ;
Et attendu que procédant à la recherche prétendument omise, la cour d'appel, qui a relevé que les stipulations du contrat de travail ne permettent pas de déterminer avec précision le ou les chantiers pour lesquels M. X... a été engagé, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Commentaire de LégiSocial
Le présent arrêt de la Cour de cassation nous permet d’apporter un focus sur cette procédure particulière dite « licenciement fin de chantier ».
Dispositions légales concernant le licenciement fin de chantier
Un article du code du travail, évoqué dans la présente affaire, indique dans la section 3 (du chapitre VI, titre III, livre II consacré au contrat de travail) intitulé « Contrat conclu pour la durée d'un chantier » que :
- Un licenciement est envisageable à la fin d’un chantier ;
- Qu’il n’est pas soumis aux dispositions relatives au licenciement économique mais à celles d’un licenciement pour motif personnel.
Article L1236-8
Le licenciement qui, à la fin d'un chantier, revêt un caractère normal selon la pratique habituelle et l'exercice régulier de la profession, n'est pas soumis aux dispositions du chapitre III relatives au licenciement pour motif économique, sauf dérogations déterminées par convention ou accord collectif de travail.
Ce licenciement est soumis aux dispositions du chapitre II relatives au licenciement pour motif personnel.
La définition d’un contrat de chantier
Il s’agit d’un contrat de type particulier, considéré comme un CDI et qui permet à la fin du chantier de procéder au licenciement du salarié pour une cause réelle et sérieuse.
Ce contrat est conclu dans un secteur d’activité (comme le BTP) où il est d’usage constant d’embaucher un salarié en CDI lié exclusivement à la réalisation de travaux précis, mais dont la durée ne peut pas être prédéfinie avec certitude.
La fin de chantier n’est pas suffisante
Ainsi que l’indique et le confirme le présent arrêt que nous commentons aujourd’hui, la fin de chantier n’est pas suffisante pour procéder au licenciement du salarié, si le chantier concerné n’est pas précisément indiqué sur le contrat de travail (ou la lettre d’embauche précise la Cour de cassation dans le présent arrêt).
Un arrêt qui en rappelle d’autres…
De précédents arrêts de la Cour de cassation avaient indiqué cette obligation contractuelle de définir précisément les chantiers liés au contrat de chantier.
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu que, procédant à une interprétation nécessaire du contrat de travail, exclusive de dénaturation, la cour d'appel a estimé qu'il ne résultait pas de la clause litigieuse et des autres stipulations du contrat que M. X... avait été engagé pour la durée d'un chantier ; qu'elle a pu en déduire en l'espèce que le licenciement du salarié, pour la fin du chantier, ne constituait pas une cause réelle et sérieuse ; qu'elle a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 18 décembre 1986
N° de pourvoi: 83-44527 Publié au bulletin
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu que les juges du fond, qui ont constaté que l'employeur n'établissait pas que, lors de l'engagement du salarié, celui-ci eût été avisé qu'il était embauché pour un seul chantier, et que M. X... avait d'ailleurs travaillé sur deux chantiers successifs, ont pu estimer, au vu des éléments fournis par les parties, que la seule fin des travaux du dernier chantier où était occupé le salarié ne constituait pas un motif réel et sérieux de licenciement ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 20 novembre 1986
N° de pourvoi: 84-40202 Publié au bulletin