Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 7 juillet 2000 en qualité d'ouvrier professionnel/mécanicien régleur polyvalent.
À compter du 22 juillet 2010, il est classé dans la première catégorie des invalides.
À l’issue d'un examen du 25 octobre 2010, le médecin du travail le déclare apte avec réserves.
Ayant été placé en arrêt de travail du 6 au 31 janvier 2011, le salarié est finalement licencié le 24 janvier 2011, motifs pris de la nécessité de le remplacer définitivement à son poste de travail en raison des difficultés d'organisation occasionnées par ses absences répétées.
Le salarié décide de saisir la juridiction prud’homale, il estime en effet que son employeur n’avait pas tenu des recommandations formées par le médecin du travail, ayant pour effet de provoquer la répétition de ses arrêts maladie.
Dans un premier temps, la cour d’appel déboute le salarié de sa demande.
Elle considère le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, et en supposant un éventuel non-respect par l’employeur des recommandations de la médecine du travail, celles-ci étaient sans rapport avec le caractère réel et sérieux du licenciement, à savoir : absences répétées entrainant une perturbation du fonctionnement de l'entreprise et la nécessité d'un remplacement définitif du salarié.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'à le supposer établi, le non-respect par l'employeur des préconisations du médecin du travail est sans influence sur le caractère réel et sérieux du licenciement dès lors qu'il a été démontré que le motif invoqué par l'employeur, sans rapport avec l'inaptitude éventuelle du salarié à son poste, était entièrement fondé et légitime ;
Mais la Cour de cassation ne partage pas du tout le même point de vue, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel.
Elle indique dans son arrêt du 14 juin 2016, que les juges auraient dû vérifier si la méconnaissance des préconisations formées par le médecin du travail avait eu (ou non) une incidence sur les absences du salarié.
L’affaire est portée devant une nouvelle cour d’appel…
Extrait de l’arrêt :
Qu'en se déterminant ainsi, par la seule affirmation de l'absence d'incidence sur le bien-fondé du licenciement d'un éventuel non-respect par l'employeur des préconisations du médecin du travail alors qu'il lui appartenait, pour se prononcer sur ce bien-fondé, de vérifier si une éventuelle méconnaissance de ces préconisations avait une incidence sur la répétition des absences invoquées au soutien de la rupture, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 janvier 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Commentaire de LégiSocial
En cas d’absences répétées du salarié, il est possible qu’un employeur puisse procéder au licenciement du salarié, des précautions et des restrictions existent toutefois, la présente partie « commentaires » vous les rappelle…
Licenciement non disciplinaire
La prolongation ou répétitions d’arrêts de maladie peuvent amener à un licenciement.
Il est important de signaler que ce n’est pas l’état de santé du salarié qui est à prendre en compte (au risque de se voir opposer l’article L 1132-1 du code du travail), mais le fait que l’entreprise se trouve dans l’obligation d’employer régulièrement un salarié remplaçant le salarié en arrêt de travail.
Article du code du travail, récemment modifié par la loi 2016-832 du 24/06/2016, y ajoutant la « particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique ».
Article L1132-1
Modifié par LOI n°2016-832 du 24 juin 2016 - art. unique
Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
Une perturbation au sein de l’entreprise
Outre le fait que l’absence du salarié provoque un dysfonctionnement au sein de l’entreprise, il est nécessaire que l’employeur se soit trouvé dans l’obligation d’employer régulièrement un salarié remplaçant le salarié en arrêt de travail.
Pour la Cour de cassation, le remplacement définitif suppose l'embauche d'un nouveau salarié, soit pour occuper le poste du salarié licencié, soit pour pourvoir celui d’un autre salarié de l’entreprise muté au poste du salarié licencié.
Cour de cassation du 20/02/2008, pourvoi 06-46233
Dans un autre arrêt du 25/01/2012, la Cour de cassation avait apporté une autre précision, en indiquant que l’embauche doit être effectuée au sein de la même société, et non dans une autre société du groupe.
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 25 janvier 2012 N° de pourvoi: 10-26502
Ou d’un établissement !
Autre arrêt qu’il est bon d’avoir en mémoire, celui du 23 janvier 2013, au sein duquel la Cour de cassation précisait que la perturbation permettant de motiver le licenciement devait être constatée au niveau de l’entreprise et non au seul niveau de… l’établissement !
Cour de cassation chambre sociale
Audience publique du mercredi 23 janvier 2013 N° de pourvoi: 11-28075